Worsley
1- Si vous préférez, nous allons vers Utopia en garantissant une société toujours plus libérale. Qu'est-ce qu'une société juste ? Une société libérale. Comment conserve -t-on une société juste ? En conservant les acquis de 1789, et les suivants. Voilà ce que vous parviendrez à dire quand vous disposerez d'un meilleur jugement, si toutefois vous restez libéral.
Vous ignorez alors mes arguments, car je cherche à démontrer : 1) que votre société n'est pas juste ; 2) qu'elle n'accouche pas du tout du bonheur des individus ; 3) que les principes que vous édictez sont depuis deux siècles des causes de dissolution.
2- Par loi naturelle, le chrétien entend que Dieu est le créateur du monde, et qu'il l'a voulu parfait, que chaque chose est créée en vue d'une fin, et bonne quand elle obéit à cette fin. A la loi naturelle, correspond la raison droite : celle qui se conforme à la raison du créateur présente dans la nature. Ainsi la loi naturelle consiste dans l'adaptation des moyens avec la fin. Donnons quelques exemples : pour faire un enfant, il est licite de recourir à l'acte sexuel, comme moyen, pas à la GPA, car le créateur a prévu l'acte sexuel en vue de procréer, même si tout acte sexuel n'est pas productif. De même, un mariage entre un homme et une femme est licite, car le créateur a prévu que l'homme et la femme ne feront qu'une seule chair ; et comme nous ne pouvons défaire ce que Dieu a fait par le sacrement, le mariage est indissoluble pour le catholique.
Les premières libertés fondamentales de l'homme dont vous parlez avaient encore pour fondement Dieu : le rôle qu'il assigne à l'homme dans la Création, en être le maître, donc pouvoir en user. Prenons l'exemple de la propriété : un homme vit sur un territoire qui n'appartient à personne, le transforme par son travail ; n'étant plus le même territoire, il est juste qu'il lui appartienne : il se l'approprie par son travail, autre réalité voulue par Dieu, suite à la chute : l'homme gagnera son pain à la sueur de son front, et pour ce faire il peut avoir besoin d'une propriété.
Mais si vous vous dites athée, il vous faut prouver non pas forcément qu'il s'agit d'un droit, mais d'un droit qui a pour fondement la nature ou création, la loi naturelle encore pour les premiers libéraux comme Locke. Voilà où je veux en venir : c'est facile d'admettre des droits fondamentaux, imprescriptibles et blablabla, mais si vous ne reconnaissez plus le fondement : Dieu, et sa loi naturelle, expression de la loi éternelle, tout votre argumentaire tombe comme un simple château de cartes. Et même si vous y parvenez, il faut le faire pour chacun de vos droits fondamentaux ; et les nouvelles libertés qui en découlent.
En somme, il vous faut rebâtir à nouveau tout l'édifice, recommencer toute l’œuvre depuis le début, et non vous contenter d'être de simples successeurs, même si la position est plus confortable : si le premier principe est faux, il faut non seulement le corriger, mais réexaminer toute l’œuvre qui suit, ce qu'oublient les libéraux athées : trouver non seulement un nouveau principe, mais l'appliquer. Avant le droit, il y a la philosophie, et au sein de la philosophie, la première se trouve être la métaphysique qui s'occupe des premiers principes ; à laquelle on peut ajouter la théologie si l'on admet les vérités révélées : en général, des domaines que les philosophes libéraux préfèrent fuir, pensant qu'ils sont accessoires.
3- Il est même probable que l'on reconnaisse des droits communs : la propriété ou la vie, toutefois sans les définir de la même manière. Je pense à votre liberté : je fais ce que je veux, à condition de ne pas nuire à autrui, que je ne peux reconnaître car : 1) l'homme ne peut plus se nuire, l'éthique qui part au feu, toute la théologie aussi ; 2) il ne peut nuire à sa société, toute la philosophie politique non libérale rejoint notre joyeux autodafé. Évidemment, ce ne serait pas un problème s'il ne s'agissait pas de deux énormes bêtises.
La liberté n'est pas un droit, mais la conséquence de la faculté : volonté, le libre-arbitre de la volonté dont dispose l'homme pour obéir à la volonté de Dieu, en l'occurrence, pour ce qui nous concerne : la loi naturelle précédemment définie. Qu'est-ce que la liberté ? servir Dieu, agir conformément au bien. Qu'est-ce que le péché ? user de son libre arbitre à mauvais escient : s'éloigner du bien, ne plus agir conformément au bien, se laisser aller à ses passions, à ses intérêts : servir le mal, en un mot : la licence. Le libéral confond liberté et licence.
En quoi votre liberté est un mal ? Elle est le non serviam de Lucifer : être son propre maître, agir indépendamment de la loi de Dieu, qui pourtant est le bien. Préférer soit le mal, soit créer sa propre loi que servir le bien. C'est la conséquence d'une passion que l'on nomme la Superbia : la créature qui ne veut plus être créature, qui souhaite usurper la place de Dieu.
Cette créature finit dans le malheur, la servitude ; car si la liberté réside dans le choix de l'homme, dans sa faculté de créer les valeurs, d'ignorer le bien alors cet homme finit par prêcher l'absurde, ce qui ne vient que de lui : tout en pensant faire le bien, il crée le mal, tout en pensant édifier la meilleure société qui n'ait jamais existé, la société libérale, il ne participe qu'à la dissolution de l'ancienne société chrétienne depuis 1789.
Si l'on reste dans le sujet proposé, par les lois en matière de moeurs, depuis le divorce et la légitimation des bâtards, et par l'égalité dans la famille : destruction droit d'aînesse, destruction du pouvoir paternel... les libéraux ont détruit les familles de France : il ne reste qu'une association libre d'individus indifférenciés, la famille nucléaire, qui comble de l'ironie, ne cesse d'exploser. Combien d'enfants souffrent de la destruction de la famille, de parents qui ne sont plus capables de les conserver ? Combien de parents ont carrément abdiqué leur autorité ? Combien de familles sombrent dans la discorde car il n'y a plus de chef de famille ? Je ne vous reproche pas l'obligation de partage qui participe de la destruction du pouvoir de chef de famille : il m'étonnerait fort qu'un libéral soit contre la liberté de tester.
4- Plus important, votre licence mène celui qui y succombe au malheur : il finit par payer le prix de ses débauches --de sa vie de patachon on dit dans le peuple-- car étant le jouet de ses passions, il vogue d'un désir à un autre, est incapable de les réprimer. Il est tyrannisé par un désir aussi insatiable que protéimorphe. Les libéraux ont en fait détruit toute idée d'éthique dans la populace. Il suffit d'observer : quand ils ne sont pas débauchés, ils sont drogués, alcooliques, ou sous anxiolytiques, une vraie déchéance. Ils ne valent pas mieux que les animaux, et sont malheureux.
Quel est le véritable chemin du bonheur ? Pas votre liberté, la pratique de la vertu : observer le bien mène au bonheur. Aujourd'hui aussi, les plus heureux ne sont pas ceux qui ont succombé à toutes vos libertés, l'homosexuel martyr de la liberté par exemple ; ce sont ceux qui ont acquis par leur honnêteté au quotidien, par leur travail une vie de famille stable, et une bonne situation professionnelle.
Même lorsque ces gens adhèrent à vos idées, heureusement pour eux, comme disait Cicéron à propos des épicuriens : ils se comportent mieux qu'ils ne parlent. Je rajoute : ils seraient tout à fait aimables si à défaut de penser un peu mieux, ils savaient se taire.
5- Il y a une différence entre parler de démocratie : une forme de constitution donnée, et d'humanisme ; car si Athènes a effectivement été une démocratie, j'attends que vous démontriez "ses idéaux humanistes". Cela me fait penser à l'autre qui a écrit Rome : du libéralisme au socialisme. Le moderne qui a partir de ses présupposés modernes se trouvent plein de prédécesseurs, car forcément qui parle des libertés, est libéral : une province annexée par les libéraux, comme social par les socialistes.