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Pour aller plus loin, nous pourrions nous demander comment l'élite y adhère
Que l'élite préfère accaparer le pouvoir est la norme des choses : mieux vaudrait se demander pourquoi elle ne le fit pas plus tôt. Je gage ici qu'elle ne le pouvait pas car son autorité sur les forces armées reposait depuis 1789 sur le mythe démocratique. Mais avec le temps les élites républicaines, militaires comprises, se sont congelées, et elles ne trouvent plus leur loyauté qu'en elles-mêmes - telle une aristocratie.
De même, la volonté d'extension de la puissance est naturel chez les élites, et l'UE n'est que le prolongement des idéaux du kantisme, du nazisme, de l'internationale socialiste, et des empires coloniaux. Si les élites se contentèrent de l'échelon national pendant deux siècles, ce ne fut que parce que ça n'était à ce niveau que le pouvoir avait pu se constituer, pour des raisons historiques et matérielles. Sitôt que le pouvoir national s'affaiblit, après la seconde guerre mondiale, l'idée d'un pouvoir européen émergea presque spontanément.
Car rien de tout cela n'aurait peut-être été possible si les deux guerres et la Shoah n'avaient été le prétexte à une délégitimation du peuple et de la nation. La seconde est assez évidente mais conclut curieusement que l'impérialisme serait un remède à la paix, comme si les empires n'avaient pas de frontières, comme si déclarer la guerre aux identités pouvait amener le calme.
Enfin la délégitimation du peuple n'est pas moins biscornue car, tout populistes que furent le fascisme et le nazisme, ils n'auraient jamais pu triompher sans l'échec des élites et leur adhésion au fascisme. De plus les horreurs telles que la Shoah surviennent précisément lorsque le pouvoir se trouve concentré en peu de mains, plutôt qu'étalé sur les foules tiédasses. Cette délégitimation est donc paradoxale, et je crois qu'elle fut bien aidée par de nombreuses personnalités juives, convaincues de pouvoir bien plus facilement contrôler les corps élitaires où elles sont surreprésentées, que les foules.