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La loi n'efface pas l'arbitraire, elle le sacralise : elle grave l'arbitraire du législateur dans le marbre et masque celui du juge. Tout régime repose sur la violence : la loi n'est qu'un des moyens de sacraliser la violence pour la rendre acceptable par un assez grand nombre.
Le recours à la métaphysique n'efface pas l'arbitraire : le choix des lois et des poids est un arbitraire, qui réclamera de toute façon un second arbitraire pour être appliqué à des situations réelles. Éthique conséquentialiste ou déontologique ? Arbitraire ! Quelle valeur donnée à un bébé par rapport à un aîné ? Arbitraire ! Universalisme ou préférentialisme ? Arbitraire !
Pire : ces éthiques formelles débouchent toujours sur l'ignoble, comme l'ont prouvé Peter Singer, Platon et tant d'autres. Au moins Adorno et Horkheimer l'avaient-ils en partie compris : la raison devient totalitaire lorsqu'elle prétend tout déduire. Toute éthique formelle est viciée précisément parce qu'elle s'éloigne du sentiment humain, lequel compose de nombreuses règles éthiques de natures différentes via des poids issus d'une riche taxonomie. Ce sentiment est donc un algorithme éthique beaucoup plus sophistiqué que n'importe quelle éthique formelle, ces simplismes grossiers.
Les lois ne limitent pas le pouvoir, elles l'accroissent en le confisquant à l'ensemble des Français, pour l'attribuer à un petit nombre de groupes sociaux ultra-minoritaires, radicalisés et déconnectés de la réalité.
Recourir à la moyenne des opinions ne vise qu'à avoir des décisions moins éloignées en moyenne des opinions de chacun, et moins souvent perdue dans ces illusions nourries par telle ou telle chambre d'échos. Il ne s'agit pas d'objectiver une illusion d'unanimité ; il ne s'agit pas d'objectiver un peuple.
Je prône une démocratie par tirage au sort : à chaque question une assemblée ad hoc tirée au sort, choisissant qui elle veut entendre parmi ceux qui se proposent. Plus quelques commissions permanentes pour surveiller les pouvoirs restants, notamment administrations et médias.
Ces commissions auraient tout autant que l'état aujourd'hui la possibilité d'imposer la vaccination si elles le souhaitaient. Je ne prône pas l'anarchie, je prône un pouvoir populaire.
La possibilité pour le peuple de changer la constitution est bien plus théorique que réelle : conditionnée à l'initiative du pouvoir politique, soumise à l'approbation du pouvoir judiciaire, limitée par la constitution elle-même. Jamais ces gens n'ont autorisé le peuple à refuser d'être colonisé.
Vous voyez le peuple comme un danger qui doit être contrôlé par les élites, cet übermensch de vertu, ce qui est une vue typiquement néolibérale. Mais l'histoire a au contraire prouvé que ce sont les élites qui sont dangereuses : l'horreur surgit lorsque le pouvoir est concentré. La Shoah fut décidée par une poignée d'hommes aux idées extrêmes, non par un peuple. Robert I. Moore a montré que les persécutions des minorités au cours de l'histoire furent motivées par la peur des élites et non pour satisfaire à une demande populaire.
L'homme ordinaire ne suit pas plus son seul bon plaisir que les dirigeants ou les juges. Comme eux il pondérera ses intérêts et ceux d'autrui. Au moins cette fois les intérêts de tous seraient-ils mieux servis.
Je suis bien certain que les masses, tout comme les élites, se trouveront toujours des messies, au moins cette fois-ci ne seront-ils plus au pouvoir ; ce sera un progrès. J'insiste sur le fait que les élites ne font autant ; Emmanuel Todd parla à raison d'un "populisme des élites" et "d'élites en apesanteur" à propos de Macron qui allait tout résoudre.
J'ai grandi dans un quartier colonisé, étranger sur la terre de mes ancêtres. Si vous pensez que nous aurons une place enviable parmi eux et que cela ressemblera à un territoire français, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu'au coude : quand on a une gueule d'étranger, un nom d'étranger, un prénom d'étranger, on est un étranger. C'est un pays afro-arabe qui naît, et nous qui devenons étrangers et apatrides, condamnés à l'exil.
Mon refus de "l'orthodoxie" ferait de moi un étranger. Cela revient à définir la France par l'adhésion à un système de croyances d'état que rejette pourtant la majorité de la population. Fonder un pays sur des croyances ("nos valeurs", "patriotisme constitutionnel habermassien", "pays des droits de l'homme"), c'est décréter une théocratie et proclamer apatrides tous ceux qui ne partagent pas la même foi que le pouvoir. Vous appelez cette religion d'état "orthodoxie", j'appelle ça un pouvoir colonial antifrançais et je crache sur ses lois et ceux qui les proclament.