france2100
(au sujet d'une république fondée sur l'arbitraire populaire plutôt que sur des doctrines interprétées par des lois)
Plus précisément par arbitraire, j'entends un régime politique fondé seulement sur ce qui plaît à un tel ou une assemblée, ou même un être abstrait, chez vous : le « peuple ». A cet égard, on sort de l'arbitraire par une constitution et des lois, en tant qu'elles peuvent s'imposer à la volonté de tous. Seulement, il faut reconnaître que la constitution autant que les lois pour exister nécessitent d'abord d'être défendues par un tel ou tel parti ou tel mouvement d'opinion, puis promulguées. En ce sens, oui, il y a toujours une part d'arbitraire, si l'on refuse d'aller plus loin que la politique, si l'on ne passe pas en métaphysique ou pour d'autres en théologie. Restons-en à notre cité : les droits naturels qui reposent sur la loi naturelle.
Pour être tout à fait honnête avec vous, je ne suis pas vraiment convaincu par les théories métaphysiques. Je suspends mon jugement à ce sujet, faute de mieux. Mais, à choisir entre un régime fondé sur la force seule, et un autre fondé sur le droit qui certes naît de la force : la prise de pouvoir du souverain, pour nous la Révolution française, se soutient par la force ou coercition : la justice, et même repose sur des considérations très discutables, je préfère quand même la seconde option.
Je vous propose un de mes anciens posts : il illustre les questions que l'on peut poser lorsqu'il n'est question que de politique, que d'un souverain, si l'on admet les considérations qui précèdent la politique comme oiseuses : https://forum-politique.org/d/144513-theorie-du-grand-remplacement/752
a) Je n'objective ni les moeurs publiques ni le peuple : il est évident que nous sommes une foule diverse aux idées diverses, bien que reliés pas un héritage commun. Ces moeurs ne sont donc qu'une moyenne, parfois un semi-consensus.
En revanche cette moyenne est moins éloignée des positions de chacun que ne peut l'être un texte formel rédigé par des énarques et interprété par un magistrat issu de sciences po. Et elle est aussi plus légitime.
Votre moyenne n'est qu'un artifice pour ramener la diversité, voire des tendances carrément contradictoires à l'unité. En quoi est-ce pertinent d'établir des mœurs moyennes entre nos nouveaux écologistes, et leurs opposants, ou nos moralistes LGBT et leurs opposants ?
Par légitime qui signifie proprement : « conforme à la loi », j'imagine que vous entendez : « plus conforme au principe de la souveraineté du peuple », ce en quoi vous vous opposez à la représentation. Si elle est selon moi, effectivement un artifice qui permet de déguiser une aristocratie en démocratie, je ne vois pas comment notre cité pourrait être une démocratie. De la même façon, à la base de votre réflexion se trouve une notion complètement fumeuse : « le peuple ». Je ne réponds pas plus, ayant déjà développé ces thèmes sur ce même sujet. Vous trouverez si cela vous intéresse de quoi me réfuter en lisant le fil.
b) L'arbitraire du peuple vous semble plus effrayant que l'arbitraire du juge tordant les lois. C'est à mon sens une erreur car le peuple a au contraire toujours prouvé sa grande tiédeur, même lorsqu'il ne le devait pas.
Au contraire, les mouvements de balancier les plus amples et rapides sont toujours dûs à la concentration du pouvoir dans un petit milieu, aux chambres d'écho du pouvoir, telles que celles qui soutiennent aujourd'hui notre colonisation et notre disparition. Je crois le peuple profondément bien plus modéré et constant que tout microcosme social - gouvernant ou non.
Vous pourriez éventuellement vous inquiéter de l'effet d'un orateur talentueux ou d'une campagne médiatique bien orchestrée. Mais tous nos présidents ont été victimes de telles influences ! A contrario, un processus de consultation formelle des tierces parties volontaires (experts et intéressés), accompagné de délais à plusieurs moments clés de la procédure, me semble être la meilleure garantie pour des décisions aussi informées et peu influencées que possible.
1- Vous voyez de l'arbitraire dans les lois, alors qu'elles sont un moyen de le limiter : est au moins en question la conformité à ces lois, ou à telle doctrine. Dans votre système, il n'est même plus besoin de se donner la peine d'interpréter, même « malhonnêtement » les lois, comme si ce cas allait toujours de soi… Il suffirait qu'à tel instant ceux que vous estimez être le peuple désirent telle chose, pour que cela se produise.
2- Vous partez ensuite sur des considérations psychologiques relatives au « peuple », ce qui suppose d'en faire un être existant, avec une volonté, un caractère… Tout au plus, je vous accorde que l'on peut faire la « psychologie » d'une foule, mais sans oublier qu'il s'agit d'un ensemble d'individus réunis alors pour telle raison, ou réunis fortuitement ; ou éventuellement que l'on peut attribuer à une majorité « de français » telle opinion, mais qu'il faut alors en chercher la raison : opinion orthodoxe dans la cité transmise par différents canaux, éducation publique, médias...
3- Que vous preniez une démocratie dite « directe », ou une démocratie dite « représentative », sans les démagogues, la plupart des individus ne savent ni que penser, ni que voter. Ils n'ont pas la réflexion suffisante pour cela. Ils ont besoin de se trouver un chef en qui ils reconnaissent « le meilleur », qui se distingue selon eux par ses qualités, pour les orienter. Est démocratique si vous voulez, le fait qu'ils se choisissent un chef : il serait d'ailleurs intéressant d'étudier pourquoi. Est aristocratique, le fait que cet homme devient alors une tête qui dépasse de la foule, un homme parmi les meilleurs.
c) Vous semblez sous-estimer l'arbitraire du juge légitimant sa décision par des lois. Dois-je vous rappeler que le Conseil Constitutionnel a proclamé la supériorité des textes européens alors même qu'il tire sa légitimité d'une constitution qui stipule en toutes lettres qu'aucun texte ne saurait lui être supérieur ? Que ce même conseil a à plusieurs reprises inventé des principes qui n'existent nulle part (principe de fraternité notamment) ? Que la cour suprême américaine a tour à tour interdit puis légalisé les syndicats et la discrimination raciale sans que les lois aient changé entretemps ?
1- L'interprétation d'une loi ou d'un texte n'est pas forcément aisée. Pour bien faire, il faut me semble-t-il se souvenir de quelle était l'intention à l'origine de la loi : que fallait-il combattre ou établir ? Quelle fut la cause de la loi ? Parmi les dangers, figure en bonne place l'interprétation dite « littérale », un paralogisme : de telle association de mots, nous ne pouvons que conclure telle signification.
Toutefois, voyez-vous, il est assez rare que les hommes comprennent toutes les implications possibles de leurs principes ou lois. Dans nos cités, cette question peut prendre la forme des nouveaux droits ; raison pour laquelle je vous ai répondu par l'examen de leur conformité avec la doctrine admise. S'il est prouvé qu'ils sont conformes, alors le libéral convaincu par sa doctrine, doit s'y soumettre. S'il est prouvé à un utilitariste, que telle mesure est en faveur du maximum de plaisir pour le plus grand nombre, alors il doit se soumettre. Qu'en est-il maintenant du simple individu qui n'a comme critère que son bon plaisir ?
2- vous oubliez dans votre réquisitoire que nos régimes politiques sont un mélange des genres : il y a certes les lois, les textes sacrés ; mais il y a aussi votre principe de souveraineté du peuple. Vous pouvez bien rédiger une jolie constitution, si vous y admettez le principe de souveraineté du peuple, et des moyens de la modifier en conséquence, s'y trouve alors des moyens… de l'assassiner. Si vous souhaitez une analyse un peu plus approfondie à réfuter : https://forum-politique.org/d/145162-la-nouvelle-assemblee-nationale-2022/398
Néanmoins, pour être tout à fait juste, si l'on établit la souveraineté de la loi, sans qu'elle puisse être modifiée, l'immobilité qui en résulte pour la cité peut devenir aussi un gros danger à long terme. Reprenons l'exemple de la constitution de 1958 : la cité se porterait-elle forcément mieux si nous avions refusé l'UE comme lui étant contraire ? Il faut le prouver. Mais, ce faisant, il ne s'agit plus vraiment d'une constitution, de principes fondamentaux sur lesquels vous ne pouvez revenir.
d) Contre le peuple vous invoquez tour à tour le risque de trop de libertés et de trop de répression. Décidez-vous ! Je crois pour ma part le peuple économe des deux.
Non. Je vous ai indiqué deux extrêmes qui peuvent être dangereux pour une cité, et une problématique : « gouverner des hommes libres », sachant d'ailleurs qu'elle implique certainement contradiction. Quelles libertés le souverain, ou ses agents : ceux qui gouvernent, selon le régime politique, peuvent concéder aux citoyens, sachant qu'il peut en résulter des maux pour la cité ?
Raisonnons sur un cas pratique, si vous préférez : la gestion du covid en France. Vaccination obligatoire ou non ? Si était décidée la vaccination obligatoire, il ne restait plus qu'à contraindre voire persécuter ceux qui veulent y échapper. Si au contraire les français étaient libres de se vacciner ou non, la cité devait alors assumer les maux possibles qui résultent de cette liberté, de la non-vaccination de certains citoyens.
J'ai illustré mon précédent post. Allons plus loin. Que faisons-nous ? Pas de vaccination obligatoire, mais politique d'incitation à la vaccination : les vaccinés ne peuvent plus faire ceci ou cela. Si vous ne vous vaccinez pas, en tant que le gouvernement, et le parlement, jugent que « ce n'est pas raisonnable », vous en paierez le prix. Que traduit cette position ? Ne peut être admis une vaccination obligatoire, ce qui suppose gestion des récalcitrants, mesure qui nous répugne car trop autoritaire ; mais, nous ne voulons quand même pas payer les maux associés à la liberté, ne pas être otages de l'action des non-vaccinés.
Qu'était-il en fait attendu des citoyens ? Qu'ils réagissent tous comme un seul homme, conformément, à ce qui a été admis par la majorité des professionnels de la politique, du gouvernement, d'une partie des français aussi, comme la bonne façon d'agir, la plus « raisonnable », se vacciner, ce qui n'est tout simplement pas possible : des individus laissés libres de juger peuvent tout autant se tromper, que ne pas agir conformément à la « raison », même s'ils l'admettent comme « la raison ». La liberté implique tout autant que vous laissez le citoyen ou sujet libre de « bien » agir, que de « mal » agir.
A quoi aboutit cette politique ? A ménager la chèvre et le chou, à tolérer l'existence des non-vaccinés dans la cité, tout en les traitant comme des sous-citoyens ou pestiférés, dans la mesure où ils ne sont pas « raisonnables »: ils n'agissent pas conformément au bien* ; ainsi qu'à opposer les citoyens entre eux en période de crise, à introduire un nouveau clivage. Pour être tout à fait juste, une raison de plus ou de moins de se détester pour les français ne change pas grand chose.
*Note : Pour bien qualifier le degré de persécution, il faudrait disposer d'une échelle des persécutions, un peu comme l'échelle des séismes ou cyclones qui reste encore à faire. Le massacre serait sans doute le degré le plus haut. La disqualification, c'est-à-dire faire de certains hommes des objets de ridicule ou de mépris pour les autres, les priver de leur « honneur », le plus bas.
e) Je ne prétends pas m'élever contre l'arbitraire puisque je tiens tout gouvernement pour le règne de l'arbitraire.
Non. Vous ne défendez pas l'arbitraire, mais plus spécifiquement : l'arbitraire du « peuple », relativement à la conception du peuple que vous avez en tête.
La seule question valable pour comprendre un pouvoir est : qui dirige ? Les mécanismes de limitation du pouvoir ne sont en réalité que des répartitions du pouvoir ! Séparation du pouvoir, liberté de la presse, limites du 49.3, etc : tout cela ne vise qu'à répartir le pouvoir en jouant un groupe élitaire contre une autre.
Plutôt que : « le pouvoir », comme abstraction, question : qui peut agir ? quelles sont alors les limites à son action ?
Mais in fine tous ces pouvoirs sont détenus par des gens vivant dans un rayon de dix kilomètres et qui sont frères, soeurs, cousins, amants, maîtresses, condisciples, collègues et voisins. D'où notre condamnation à devenir étrangers dans un pays afro-arabe, "parce que le bien" ; le peuple est moins terrifiant.
Non. L'idée de « peuple » qui est orthodoxe n'est pas la même que la vôtre : il n'y a pas plus de référence à « la race » qu'au « sang », ou aux « autochtones » : les nés de la terre, les « de souche » comme nous disons aujourd'hui. Qu'est-ce qui fait un « peuple » pour eux ? La volonté de vivre ensemble. Plus particulièrement le peuple français ? L'adhésion aux idées présentes dans les textes du bloc de constitutionnalité.
Que les français changent de visage, ou d'origine ethnique n'est donc pas un problème : le recours à l'immigration non plus, dès lors que ces immigrés intègrent bien les idées qui font la cité. Si Anacharsis Cloots pouvait être du « peuple » français, nos « immigrés » aussi.
De ce point de vue orthodoxe, vous êtes un plus gros problème qu'un français d'origine étrangère qui adhère aux idées de la cité ; moi aussi lorsque ma critique n'est qu'une destruction de ces idées. Ils ont une idée « abstraite » du « peuple », détachée de tout critère matériel : vous n'en êtes pas simplement parce que vous êtes descendant de français.
Heureusement pour vous et moi, que l'idée de persécution ne fait partie de leur logiciel, et que même lorsqu'ils s'y livrent, ils le font avec plus ou moins mauvaise conscience, selon s'ils sont assez bêtes pour gober leurs sophismes de justification : une grosse limite. Dans le cas contraire, notre citoyenneté pourrait être en danger.
Ma proposition d'élargir le pouvoir à l'ensemble du peuple n'est finalement que le prolongement de cette logique de répartition du pouvoir. Sauf qu'elle a la particularité de concilier modération et capacité d'action, à l'inverse des conséquences habituelles de cette répartition. La force d'une seule voix, mais assise sur une base sociale bien plus large.
Allez-vous réunir l'ensemble des « citoyens » ou sujets français à l'assemblée nationale ? Je comprends bien votre opposition à la représentation ; je saisis moins, la défense d'une démocratie directe, sachant que notre cité comporte des millions de citoyens, qui d'ailleurs n'ont pas forcément le temps libre pour exercer une citoyenneté à l'ancienne.
Il y a des conditions pour qu'une démocratie directe puisse exister, même sans faire la critique de ce régime ; elles ne sont pas réunies, en France, aujourd'hui : ajoutons la relative égalité des conditions, par exemple. Je m'en tiens à ce propos, sans plus développer : si voulez plus, lisez mes précédents posts sur le fil, vous aurez largement matière à critique.