France1982
1- Nous ne pouvons parler de « marbre » de notre constitution. Il y a deux tendances qui s'opposent à ce sujet dans notre cité : la première est effectivement de faire des constitutions, des lois, de s'en remettre à la loi en général, au dessus des hommes, de prendre pour guide la philosophie libérale ; la seconde, en vertu de la volonté générale, et de la souveraineté du "peuple", ou de la "nation", qu'il suffit que quelque chose y soit conforme, pour être admis.
La première tendance s'oppose à la seconde, en tant que la seconde n'admet pas comme critère pour établir des lois, constitutions… une doctrine donnée, des critères donnés. Peu importe pour la seconde tendance qu'une chose soit raisonnable ou non, il suffit qu'elle ait pour elle "l'opinion publique". Dans ces conditions, nulle constitution, loi… ne saurait nous en protéger, quand bien même elle serait aussi absurde que d'interdire aux hommes de marcher sur leurs pieds.
2- La constitution de 1958 combine les deux tendances précédemment évoquées : elle ne nous protège de rien dans la mesure où il suffit pour la changer, qu'une idée ou un projet, soit validée par la volonté générale. Dans ces procédés de révision, de quoi est-il question ? Soit du référendum pour entériner le vote de chacune des deux chambres du Parlement ; soit du recours au Parlement, convoqué en Congrès à Versailles.
La règle semble simple à première vue : si vous voulez un changement constitutionnel, travaillez à propager vos idées ; à mesure qu'elles deviennent partagées, les chances que la constitution change devraient s'accroître. A cet égard d'ailleurs, fonder une constitution sur la souveraineté du "Peuple", ou de la "nation", et son corollaire : la volonté générale, pourrait signifier bâtir sur des sables mouvants. Donnons un exemple : A : Le traité de Maastricht en 1992 implique une révision constitutionnelle, en tant qu'il s'opposait à une partie de notre constitution. B : et alors ? La procédure de révision entérine que le changement en question était conforme à la volonté générale… A : Même en l'admettant, ce n'est peut-être plus le cas aujourd'hui : pourquoi pas une contre-révision ?
Toutefois, si l'on considère que ces procédés de révision très savants et compliqués aboutissent en fait à la conclusion suivante : la consultation du "Peuple" ou de la "nation" à travers les suffrages, par référendum est susceptible de diverger de la consultation du "Peuple" ou de la "nation" à travers le vote de ses représentants, soit réunis en Congrès, soit seulement réunis par chambre, ou pour m'exprimer plus clairement : le "peuple" ou la "nation" peut contredire le "peuple" ou la "nation", alors la règle semble complètement biaisée.
3- Le marbre se trouve beaucoup plus dans les croyances des français, dans les opinions qui sont aujourd'hui des dogmes en tant qu'elles font consensus : il vous serait effectivement très difficile de changer certaines d'entre elles.
Pour bien évaluer la possibilité de les changer, il faut s'intéresser à comment elles sont acquises, et comment elles gardent leur force, dans l'esprit des français concernés. Autant dire que vous devez vous attaquer aussi bien à l'éducation des français dans certaines idées, en fait orthodoxes, par les agents concernés : parents, école… qu'au sujet encore plus épineux des médias, partis, lobbies… des différentes propagandes qui même si elles se combattent dans notre cité, sont susceptibles de s'accorder pour une partie d'entre elles sur les idées précédemment désignées comme orthodoxes.
Quelle est la liberté de douter du français à propos de telle ou telle idée, dès lors qu'elle lui est inculquée pendant toute sa scolarité, et qu'ensuite, il subit, certes avec son consentement, car il n'est pas obligé de s'abreuver à la source en question, un véritable bourrage de crâne médiatique ? Si je me souviens bien de l'ensemble de votre post, vous citez au moins deux exemples : l'avortement comme droit, et l'abolition de la peine de mort ; plus généralement, on pourrait dire les droits de l'homme. A la suite des points 1 et 2, on pourrait ajouter la démocratie nommée aujourd'hui "représentative".
Même quand il y a remise en question, d'où vient-elle ? N'y a-t-il pas eu opposition au cours de l'éducation entre les divers agents : parents dans les idées d'une religion par exemple, contre école dans les idées de la cité ? Si cela vient plus tard, n'est-ce pas parce que l'individu en question a pu se nourrir en d'autres sources grâce à ses études, ou au moyen d'internet, refuge de tous les hétérodoxes ? Si même, admettons que de nouvelles idées viennent changer le débat des médias plus anciens : télévision, journaux… à quoi faut-il alors attribuer cette nouveauté ? L'influence et la concurrence des médias internet n'est-il pas au moins un facteur possible ?