Il paraît que 80 % des Français soutiennent ce mouvement. Mais 80 % des Français n'hésitent pas à acheter des aliments importés, moins chers. Et 80 % des Français n'hésiteront pas à protester si un poulailler géant ou une porcherie géante doit se construire à côté des chez eux.
Les agriculteurs ne forment pas un ensemble homogène. Il n'y a pas grand chose de commun entre, d'un côté, le petit éleveur du Massif Central, et de l'autre, le gros cultivateur céréalier de la Beauce ou le gros éleveur de porcs breton.
Et puis je m'interroge beaucoup concernant cette histoire de normes environnementales. Le fait est que l'activité agricole a un impact sur l'environnement (pesticides, irrigation, etc.). Les normes environnementales sont donc nécessaires (pour protéger la biodiversité, pour préserver la ressource en eau, pour protéger la sant des consommateurs ou des agriculteurs eux-mêmes, etc.). Et le contexte actuel rend ces normes encore plus nécessaires, il nécessite même une modification de certaines pratiques : la raréfaction de la ressource en eau nécessite de limiter l'irrigation, le déclin de la biodiversité nécessite de limiter l'usage des pesticides et de préserver les haies bocagères, etc.
Or à la lecture de certains témoignages, et pour avoir moi-même échangé avec certains agriculteurs, j'ai l'impression l'impression qu'ils perçoivent ces normes comme une intolérable contrainte. Quand on leur parle d'environnement, de la nécessité de changer certaines pratiques, ils le vivent presque comme une agression. Quand un gouvernement ou un préfet veut réglementer certaines pratiques (irrigation, usage des pesticides, etc.), ils rouspètent.
La question que j'ai envie de poser à ces gens-là est simple : admettent-ils la nécessité de changer certaines pratiques, ou bien persistent-ils à considérer ces normes comme d'intolérables contraintes et ceux qui défendent ces normes comme des bobos écolos emmerdeurs qui ne vont quand même pas leur apprendre leur métier ? S'ils admettent la nécessité de changer certaines pratiques, alors ce sera une bonne base de discussion. Sinon, je ne le soutiendrai pas.
En résumé, je veux bien soutenir le petit agriculteur qui a du mal à joindre les deux bouts, qui est étranglé par la grande distribution, et qui passe des heures chaque semaine à remplir des formulaires administratifs. Je ne veux pas soutenir les bandits de la FNSEA qui veulent continuer à polluer comme des porcs, à saccager leur environnement, et à se gaver de subventions, pour pouvoir mieux s'acheter le dernier SUV à la mode ou un appartement au bord de la mer.