Suite à nos récentes conversations concernant la quatrième Croisade, j'aimerais ajouter que sur le plan politique, la prise de Constantinople n'était pas moins une catastrophe. Les Latins venaient, de jeter bas Byzance, le suprême bastion de la résistance à la menaçante Asie. L'idée absurde fut de vouloir transposer en Orient, le système féodal de l'Occident. Chacun voulut avoir sa part : Montferrat fut roi de Thessalonique, Villehardouin fonda la principauté d'Archaïe. Il y eut des comtes de Thèbes, des marquis de Corinthe, des seigneurs puis des ducs d'Athènes, tous vassaux théoriques de l'Empereur. Venise s'était bien servie, elle avait occupé sur toutes les côtes les points les plus intéressants. Cet émiettement des forces occidentales n'était pas le seul résultat déplorable du partage ; en suscitant un courant de colonisation vers la Grèce et Byzance, l'Empire latin mit totalement fin à celui, si modeste, qui avait alimenté en hommes la Terre Sainte, aggravant la situation donc la situation du royaume franc de Jérusalem. Cette quatrième Croisade était définitivement un désastre.
L'histoire de l'Empire latin ne fut que celle d'une décadence. Sept empereurs se succédèrent en moins de quarante ans, débordés par le flot croissant des ennemis. Les Bulgares se ruèrent à l'assaut en 1206. Les familles Ange et Commène sur les plateaux d'Asie Mineure ou dans les Balkans, menèrent la vie dure aux latins. Quand en 1258, le général Michel Paléologue, eut pris en mains l'empire de Nicée, il lui suffit de se présenter devant Constantinople, le 25 juillet 1261, pour que la ville lui ouvrit ses portes et que Baudouin II détalât. Il put bien demeurer, éparses par la Grèce, quelques seigneuries latines et châteaux forts, l'empire latin était rentré dans le néant.
Si encore, du point de vue religieux, l'occupation de Constantinople avait été bénéfique ! Le pape Innocent III l'espéra un instant. Comme ses prédecceurs il espérait la fin du schisme et la réconciliation des chrétiens. En fait, la situation se révéla d'une complication à peine croyable. Les clercs latins, installés en pays grecs n'avaient aucune autorité sur leurs ouailles indigènes, l'archevêque de Patras et celui de Thessalonique refusaient d'obéir au Patriarche latin tandis que les Ordres militaires se disputaient, entre eux et avec les prêtres et les moines. Les négociations échouèrent lamentablement alors que l'archevêque grec d'Athènes, Michel Acominate menait la résistance, soutenu par les gens de Nicée. Une suprême tentative fut faite, vers 1250 par le pape Innocent IV qui voyait se décomposer l''Empire latin mais il ne restait plus rien à attendre. La solution de force allait prévaloir deux ans plus tard alors que les Grecs rentraient à Byzance et que les perspectives d'union s'enténébraient.