A- Sargon :
1- Soit le fœtus en tant qu'il n'est pas sujet autonome, mais être qui vit dans la dépendance physiologique de sa mère, n'est pas « digne », en raison même de cette dépendance : auquel cas l'avortement ne pose aucun problème ; soit le fœtus en tant qu'il est déjà humain a une valeur, ou « dignité », même s'il est un être qui vit dans la dépendance physiologique de sa mère, auquel cas l'avortement pose problème, car il ne s'agit alors que d'un infanticide. La question porte sur la valeur que l'on accorde à l'enfant à naître. Dès lors que l'on considère qu'il n'est pas pleinement homme, comme s'il pouvait n'être que relativement humain, il devient loisible de le tuer.
2- Comment l'avortement peut-il être un drame si l'on considère qu'en raison de sa dépendance physiologique il n'est que relativement homme, et que pour cette raison il est légal de le tuer ?Perdre une larve d'homme est un drame ? S'il n'est qu'homme ou enfant d'homme, peu importe son stade de développement, pourquoi autorise-t-on alors l'avortement ? Dans ce dernier cas, la femme qui décide d'avorter, est de plus, agresseur, pas victime, à moins de lui nier tout libre – arbitre de la volonté.
3- Même le philosophe qui se contraint, le fait parce qu'il se soumet à une doctrine qu'il a au préalable acceptée. Il se constitue sujet de cette doctrine par un premier choix, et il essaie de s'y tenir. Il fait de cette doctrine son souverain : il n'est pas à la fois maître et sujet.
A l'exception de cet exemple, être responsable devant soi-même n'a pas beaucoup de sens : je fixe les règles auxquelles je me soumets ; si je ne tiens pas à me soumettre à telle ou telle doctrine, il est possible de changer les règles à volonté, chaque fois qu'elles deviennent contraignantes.
Ajoutons, en corrélation avec le précédent point, que si l'on ne dispose d'aucun libre-arbitre de la volonté, que l'on est déterminé à agir soit par ce que l'on est, soit par les circonstances, alors il ne peut tout simplement pas être question de responsabilité, à moins d'admettre que nous sommes responsables d'actes sur lesquels nous n'avons aucune prise...
4- La femme n'est pas plus victime de la gestation que la guenon ou la lapine. Si l'on supprime Dieu de l'équation, la grossesse et enfanter dans la douleur ne sont pas l'effet d'un châtiment.
5- Si le père n'a aucun droit sur l'enfant, alors soyons cohérent, il n'a pas non plus de devoirs. J'imagine que l'on ne peut dans ces conditions lui reprocher son égoïsme. Si l'enfant, après conception, ne doit être l'affaire que de la mère, qu'elle l'assume toute seule. Pas certain que ce soit une grande idée, autant pour la société, que pour le bonheur des individus considérés : père, mère, enfant, car dans ces conditions comment former une famille pérenne ?
6- Notre société n'oblige en rien les femmes à se reproduire : pas plus une quelconque loi, que les mœurs. Est-il honteux, c'est-à-dire réprouvé par l'opinion, que d'être femme sans être mère à partir d'un certain âge, aujourd'hui ?
B- Paulau :
1- La question du droit à l'existence du fœtus suppose déjà qu'il n'est pas un être à part entière avant la naissance : qu'il n'a qu'une existence relative, qu'il serait non-être, comme un accident dans la substance considérée, en l’occurrence sa mère, et non un être qui croît au sein d'un autre être. Qu'est -ce que l'existence ? L'acte d'être, qui se constate. On constate l'existence du fœtus, et on sait le distinguer de sa mère, même s'il vit à ses dépens.
Mieux traduit, le droit à l'existence signifierait le droit de ne pas être tué, drôle d'idée. Il paraît de plus assez difficile à la victime d'intenter un procès à ceux qui n'ont pas respecté le droit en question.
Il y aurait toute une réflexion à mener sur l'évolution de la réflexion quant au meurtre : de l'interdiction du Décalogue de tuer un innocent, à celle de tuer tout simplement, et pourquoi pas bientôt, le meurtrier comme personne qui lèse une autre de son droit à l'existence, au moins dans le cas de l'avortement. Dans un premier temps, la faute se déplace de la personne que l'on tue à l'acte de tuer en lui-même ; dans un second, de l'acte en lui-même à une conséquence nécessaire de l'acte : la privation du droit dont il était question précédemment.
2- La meilleure manière de défendre l'avortement me semblerait la suivante : en tant que les parents sont responsables de l'enfant, qu'ils devront le nourrir, le vêtir, le loger, lui donner une éducation... c'est-à-dire que l'enfant dépend en tout de ses parents, ces derniers ont alors droit de vie et de mort sur lui.
Seulement une telle idée, que personnellement je ne défends pas, ne s'arrête pas à la naissance : la minorité, suit la dépendance physiologique. Un tel droit s'appliquerait soit tant que l'enfant est mineur, soit tant qu'il dépend de ses parents.
Cette idée n'implique pas qu'être mineur, ou en situation de dépendance est être moins homme qu'un autre. Il y a un fait : un être humain est une charge pour d'autres êtres humains. Ils peuvent choisir ou non de l'assumer.
3- A mon avis, noyer la question dans la sensiblerie, comme le font certains défenseurs de l'avortement, permet de ne pas la considérer dans toute sa nudité.
C- Nymo.
1- Il faut quand même se méfier quand on choisit un critère pour juger qui est homme ou qui l'est moins : il peut changer, et s'appliquer à d'autres personnes.
2- Quand on change les termes de la question, on trouve de nouvelles incohérences. La question n'est pas celle du droit à l'existence ; elle est plutôt de savoir si l'on autorise à tuer le fœtus, si l'on en fait une exception permise au meurtre dans une société, et pourquoi.
D- Jack
1- Vous jugez à partir d'un préjugé acquis favorable à la nature humaine. Les actes que vous jugez bons sont conformes à cette nature ; les actes que vous jugez mauvais ne sont pas conformes, comme si certains actes, pouvaient être autre choses qu'humains, comme si par certains actes, on pouvait perdre sa nature humaine, déchoir. Bah non, tout acte perpétré par un homme est humain : une tautologie.
Même en admettant que certains actes sont conformes à la raison, meilleure partie de l'âme humaine, et que d'autres sont conformes à ses passions, plus vile partie de l'âme, que l'éthique consiste à dominer par la raison ses passions, en vue du bonheur, il reste à préciser à quelle doctrine philosophique ou religieuse, on emprunte l'idée, c'est-à-dire on se rattache.
2- La France n'est plus chrétienne. Les mœurs changent : les tabous chrétiens tombent, au nom de la liberté, et non d'une nouvelle doctrine. Le débat public a échappé depuis longtemps aux libéraux : de leur doctrine, ne subsiste plus que l'invocation de supposés droits, qui pour la plèbe ne sont qu'un moyen de justifier un non-serviam en matière éthique : je fais ce que je veux, mes désirs sont souverains.