courtial Meuh non, je vous dis ! Le Chrétien est incité au contraire à ne pas confondre les deux ordres. Vous avez gagné au loto ? C'est très bien, mais n'appelez pas cela un miracle. N'invoquez pas en vain le Seigneur dans des choses où Il n'a rien à voir. Je parle du Chrétien éduqué et intelligent - ce qui n'implique nulle contrariété avec son christianisme - pas du Chrétien obtus et confus.
Vous vous trompez. La distinction raison / foi n'implique pas qu'il ne faut pas soumettre la première à la seconde, même chez le chrétien intelligent : elle implique que pour lui, il n'y a pas contradiction entre l'une et l'autre, en tant que les deux sont des sources de connaissance : Dieu, par la révélation donne des certitudes, des connaissances vraies, ou infaillibles.
Prenons notre sujet, cher ami : il est de foi pour la plupart des sectes chrétiennes qu'il y a eu création. Dès lors, que vous défendez une thèse opposée, par exemple : l'éternité du monde, vous vous constituez… hérétique, en tant que c'est en contradiction avec un point de dogme. Citons le symbole de Nicée-Constantinople : Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Dès lors que vous pensez qu'il s'agit d'une certitude infaillible, apportée par Dieu, en quoi allez-vous investiguer en sens contraire ? Il reste possible d'examiner pour réfuter : de faire de l'apologétique, ou d'expliquer que l'éternité du monde peut être tout aussi conforme à la raison naturelle que la création, mais… il y a la révélation comme autre et meilleure source de connaissance.
courtial Pour reprendre un fameux exemple, l'affaire Galilée sur la question de la rotation de la Terre, on a caricaturé la position de l'Eglise, alors qu'elle s'en est tenue, en gros, à l'attitude thomiste que j'ai indiquée. Leur position n'était pas : la rotation de la Terre, ça nous ennuie, alors on va brûler tous ceux qui le soutiennent. Je ne dis pas que cela n'ait pas existé quelque part, parce qu'il y a aussi des obtus, dans l'Eglise, et sur une période comme ce qu'on appelle "le Moyen Age", qui a duré 1000 ans (476-1492, disons), on n'a pas un bloc et tout le monde qui pense la même chose en même temps.
Non, le propos a été de dire : l'immobilité de la Terre, elle a été démontrée par Aristote, dont le paganisme ne fait pas de doute, et maintenant votre science profane vient nous dire que c'est faux. Alors, vous vous mettez d'accord entre vous, vous nous dites qu'elle est la position effective de "La science" (de la connaissance naturelle), et quand vous serez clairs, nous examinerons si nous pouvons nous adapter et comment. Mais vous faites d'abord le ménage chez vous et nous dites qu'elle est la position précise.
C'est un débat entre la science nouvelle et la science en place, comme vous dites : en l'occurrence, on dirait aujourd'hui que les conceptions d'Aristote faisaient consensus. Il y a néanmoins un élément que vous oubliez : si comme vous, je pense que toute pensée est individuelle, que la spéculation est le domaine de l'éclatement le plus total, que vous ne trouverez donc jamais deux esprits qui pensent exactement la même chose, même deux théologiens, disons, de l'école thomiste, affiliés à l'Eglise catholique, il n'en demeure pas moins qu'ils servent une institution qui admet des dogmes, qui peuvent limiter la pensée. Il y a des choses qu'il n'est pas autorisé de penser, ou des dogmes qui sur telle ou telle question vont limiter le champ d'investigation. Il en est de l'Eglise à ce propos, comme il en serait de tout parti, secte, journal même, de toute organisation qui prétend à une « pensée collective » : le concept est confus, mais je ne trouve pas mieux pour l'instant.
Notons quand même à titre de contre-indication, que les considérations d'Aristote ne sont pas sans présenter un certain nombre de problèmes du point de vue de la foi catholique : par exemple, l'esthétique dont il était question avec le hardi ne relève-t-elle pas de considérations… astrologiques, d'astres qui tendent à être… divins ? Ne sommes-nous pas dans la contradiction avec le commandement : tu n'auras pas d'autres dieux face à moi ?
Je suis toutefois content que vous indiquiez que la position de l'Eglise a été caricaturée dans l'histoire, que l'on tende notamment à faire passer Bellarmin, qui était un sage, malgré les limites de sa sagesse chrétienne, pour un idiot. Mais, si vous cherchez bien, vous verrez que l'épisode dit du « miracle de Josué » est typique d'un théologien, qu'il illustre ce passage d'un de mes précédents posts :
af90 S'il y a contradiction entre la science et la bible, ou la philosophie et la bible, dans la mesure où le théologien admet comme premier principe et suprême argument l'autorité de Dieu, en raison de la nature même qu'il prête à Dieu, et que l'inerrance biblique en est une simple conséquence, soit la science ou la philosophie se trompe, soit le théologien a mal interprété la Bible : quels que soient les arguments opposés, le théologien tend à l'irréfutabilité ; car sa démarche ne consiste pas à chercher la vérité, mais à développer une vérité qu'il connaît déjà, et à la défendre, parfois au moyen des nouvelles connaissances, qui ne sont au passage pour lui qu'un moyen de faire progresser sa théologie
Soit la théologie dit vrai et la science se trompe ; soit la science dit vrai, et la théologie est en partie fausse, à corriger : en l'occurrence, il faut passer à une lecture non littérale du passage en question.
courtial Au plan "épistémologie", terme auquel vous tenez, on va le garder, je n'en fais pas une affaire, on va parler d'une question de paradigme. (Qui s'oppose à l'enfergme). Ce que ne comprennent pas ces bons Pères, et je ne les en blâme pas, car c'est en effet difficile à comprendre, c'est que dans la science, les vérités d'aujourd'hui peuvent parfaitement être reconnues comme des erreurs demain matin. Bachelard ou d'autres ont pu dire qu'en science, la vérité est le résultat de la réfutation des erreurs (erreurs scientifiques, je veux dire), si bien qu'il faut admettre l'idée d'une vérité en mouvement, ce qui ne semble pas bien raccord avec l'idée que la Vérité, c'est Dieu, et qu'Il est éternel, Cela implique une dialectique - je note que vous aimez les gros mots, je peux le faire aussi, c'est bien terroriste et planquant l'indigence effective du contenu - qui est une difficulté. Dieu ne change pas d'avis toutes les cinq minutes, comme j'ai eu l'honneur de vous le faire observer, remarque dont vous n'avez tenu aucun compte, vous contentant de m'envoyer péter en exigeant que je me tape la lecture de tous les messages de ce fil.
Je peux vous concéder aussi qu'il s'agit d'une distinction pensée / action, qui lorsque l'on passera à l'examen des œuvres, imaginons le discours de la méthode de Descartes, reviendra à dire pour tel et tel passage : cela, c'est épistémologie, cela c'est application… Je comprends donc que vous puissiez trouver ma distinction factice : cela se défend.
La vérité semble en mouvement pour l'opinion des hommes, mais elle ne l'est pas réellement : telle science change, progresse, régresse, ou reste équivalente. Gardons les deux premières possibilités : soit elle progresse, elle devient un peu plus vraie qu'avant ; soit elle régresse, elle le devient un peu moins qu'avant. Toute science est toujours mélange de « science » si vous voulez, et de « pseudo-science » dans la mesure des paralogismes, des sophismes qu'elle contient, des limites de tels et tels principes admis.
Pour moi la contradiction est dans l'idée que le scientifique ou le savant plus généralement pourrait être demi-sceptique. Bah non, soit l'on se comporte en dogmatique, soit en sceptique : soit j'examine, soit je n'examine plus. Soit j'accepte que ce que je sais mérite d'être examiné, par exemple telle affirmation, ou telle thèse, et que si elle s'avère fausse, je suis un peu moins savant qu'avant, un peu plus pseudo-savant, soit je ne l'accepte pas, et il ne s'agira au mieux que de la défendre âprement.
Ajoutons qu'il faut tenir compte de deux choses : 1- le savant en question a une place, ou situation, à défendre, qu'il tient de sa science ; 2- il a sué sang et eau pour maîtriser sa doctrine, et l'étude attache, ou l'effort : on aime ce que l'on a acquis, et plus on l'aime, plus on aura du mal à l'abandonner, plus on le vit comme un déchirement.