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1° Le dogme de la diversité repose sur certaines institutions républicaines qui le défendent et sur une grande partie de l'opinion publique qui l'accepte = consensus. C'est tout le mensonge de notre société d'avoir des dogmes non - affichés mais qui existent tout de même.
2) Je reproche à Hegel d'user de son imagination : son idéalisme, à savoir projeter son imagination sur la réalité ; et à Spinoza de s'être laissé abuser par sa raison, d'en avoir largement surestimé les possibilités. Je reproche à mon époque de considérer leurs systèmes avec plus de respect que d'autres métaphysiques antérieures, alors qu'elles sont au moins tout aussi mystérieuses.
Je ne suis pas un scientiste. Je sais qu'en tout homme, même le plus savant, la somme des préjugés excède largement la somme des avis reposant sur le savoir.
3) Je veux surtout signifier que l'Etat est aujourd'hui une sorte de machine - Léviathan. Ses applications sont immodérées : il peut légiférer sur absolument tout. Sa limite véritable : la rotation des hommes, même s'ils sont tous les descendants du XVIIIème : les clivages sont en matière économique et sociale.
Je l'ai comparé à l'Ancien Régime qui dispose toujours du même souverain, mais qui est bien plus limité dans ses applications :1) Il existe des contre-pouvoirs puissants, qui reposent sur des privilèges : parlements, corporations, Eglise ; 2) même absolu, le roi doit respecter l'orthodoxie catholique, qui est clairement définie, et les coutumes du royaume = lois fondamentales.
Paradoxalement, l'Etat est plus proche du Leviathan de Hobbes, que l'était le monarque absolu d'Ancien Régime. Hobbes, je pense aurait rêvé de l'Etat d'aujourd'hui : il aurait juste remplacé notre anarchie élective, par un monarque d'Ancien Régime, et aurait abouti à un despotisme oriental. Je pense que toute la critique contemporaine du totalitarisme commence ici : la machine - Etat + un tyran.
Les limites que nous nous fixons ont toute été inefficaces:
a) Ce que l'homme fait, il peut le défaire. Ainsi aucune constitution ne nous protégera jamais. Il est beaucoup plus facile de changer la constitution pour notre Vème République, que pour un roi d'Ancien Régime de changer l'orthodoxie catholique ou les lois fondamentales. La constitution de la Vème censée nous protéger, a été amendée illico presto, chaque fois qu'elle n'était pas conciliable avec le projet européen.
b) La soi - disant séparation des pouvoirs. Sauf qu'il y a unité entre le Parlement et le Gouvernement lorsqu'ils sont menés par les hommes d'un même parti : une même volonté de corps. Une vraie séparation des pouvoirs serait une cohabitation permanente : autant dire une guerre permanente entre le Parlement et le Gouvernement, ce qui ne serait guère mieux.
c) Les élections au suffrage universel. Ce qui pose la question de l'opinion publique. Qui influence l'opinion publique, pour ne pas dire : qui fabrique l'opinion publique ?
La difficulté qui se présente à moi et que je n'arrive pas encore à résoudre est la suivante : l'apparente contradiction entre l'anarchie qu'est notre régime, lutte permanente de partis ; et l'unité et la direction qu'il arrive à suivre sur certains sujets : la construction européenne par exemple. Etre les fils ennemis d'une même philosophie-mère n'explique pas tout.
4) Pour bien faire, il aurait fallu que je distingue entre la période où les idées modernes concernent une élite, et aujourd'hui, où elles concernent l'ensemble de la population.
Par modernité, j'entends surtout ce qui suit la révolution opérée par la Renaissance, première matrice de notre époque : à savoir que l'homme mesure de toutes choses remplace Dieu mesure de toutes choses. Les conséquences en ont été dans un premier temps le déisme : négation de la Providence de Dieu, un Dieu qui ne s'occupe de rien ; dans un second temps l'athéisme : le premier qui fait de l'homme son Dieu ; le second qui fait de la Nature son Dieu. Qu'est ce que la modernité ? la Raison devenue folle ; le chrétien dirait : parce qu'elle se coupe de la foi. Dans un premier temps la philosophie souhaite assassiner la théologie ; dans un second soit elle assassine la métaphysique, soit elle en constitue une par l'invention. Vous avez raison : j'ai oublié ce distinguo, je suis allé trop vite en besogne.
Spinoza et Hegel sont deux exemples : le premier par le mauvais emploi qu'il fait de la géométrie, réduisant toute réalité à objet mathématique ; le second projetant son imagination sur la réalité, reproche que l'on peut faire à tous les idéalistes. Spinoza, c'est encore le XVIIème ; Hegel, c'est le XIXème = la philosophie devenue folle. Nos contemporains tentent de ressusciter une métaphysique que leurs glorieux ancêtres ont participé à détruire en en faisant une pure œuvre de l'imagination. On en revient à mon précédent post : j'aurais pu examiner Kant, son impératif catégorique, sa Providence, comme Hegel ou Spinoza.*
Lorsque vous parlez d'intuition, ce n'est jamais que le "génie" d'un homme qui comprend le supérieur parce qu'il en est partie : mais ce me semble, même si le lapin fait partie de la nature, il ne dispose que peu d'intuition, non ? L'intuition c'est au moins aussi mystérieux que la révélation : je perçois une réalité et je sais. Il y a une grande différence cependant : l'homme mesure de toutes choses, remplace Dieu mesure de toutes choses ; l'inférieur qui comprend le supérieur, plutôt que le supérieur qui se révèle à l'inférieur.**
Le culte des génies de l'humanité est idolâtrique : c'est une partie du culte que l'homme se rend à lui même depuis la Renaissance. L'homme invente des concepts, l'homme produit le monde intelligible ; et non le découvre ou le trouve. Si Dieu ou la Nature existe, ce qu'elle est ne dépend pas de l'homme ; de même pour les notions de l'ordre intelligible comme la vérité, le bien, le beau. L'homme peut juste se les approprier, c'est -à-dire s'en faire une idée complètement tronquée, biaisée...
Et même lorsque l'homme ne perd pas de vue qu'il découvre, il se rend quand même ce culte. Citons l'usage qui veut que les scientifiques donnent leur nom aux réalités qu'ils découvrent. Ainsi Yersin avec la bacille de la peste. J'imagine que si Linné avait eu le même esprit, nous parlerions non pas d'homo sapiens, mais d'homo Linnius. Citons aussi l'usage qui veut que nous encensions ceux qui découvrent les lois du monde sensible, comme si ces dernières n'existaient avant eux. L'abus en l'occurrence n'est pas de les tenir en haute estime pour leurs découvertes, mais qu'il est quasiment impossible de parler de ses découvertes sans citer leur nom : ils ont un copyright.
Deus absconditus ne signifie pas que Dieu ne peut être objet de connaissance : cela signifie que l'on peut l'atteindre que par les vérités de la foi, et la théologie. C'est un débat qui a cours dans toute l'histoire de l'Eglise depuis la patristique sur la place accordée à la raison humaine par rapport à la révélation divine : Saint Bonaventure contre Saint Thomas d'Aquin au XIIIème. Il y a les minimalistes de la raison humaine, et les maximalistes. L'Eglise défend les maximalistes depuis de nombreux siècles. Elle a même infligé un dernier coup de massue aux minimalistes par l'encyclique aeterni patris en 1879, à l'origine de la naissance des néo-thomistes.
Que les thomistes aient gagné dans l'Eglise ne signifient pas nécessairement qu'ils soient plus proches de la vérité. Pour l'Eglise, si ; dans l'absolu, je ne sais pas. Le vainqueur impose ses idées : elles n'en sont pas nécessairement justes. Je m'adresse à ceux qui défendent l'université ou leur parti, comme d'autres défendent leur Eglise.
5) L'industrie du divertissement nommé culture n'est pas cause d’athéisme. Elle permet juste d'oublier le vide, de ne pas se questionner : de l'abus du divertissement dans la signification qu'on lui donne. Le sport, comme occupation centrale de la vie, ou les lettres, ou l'art : le l'art pour l'art de certains...
*Petite remarque supplémentaire sur notre ami Spinoza. Il accuse les hommes de projeter leur imagination sur la réalité, de se constituer un ordre dont ils sont la mesure, qui n'existe que dans leur tête. Mais lui ô grand Spinoza, est visiblement plus qu'un homme lorsqu'il écrit la première partie de son éthique, et arrive à considérer le réel ordre existant. L'homme être d'imagination, sauf le grand Spinoza qui est être de raison, et a tout compris.
**Entendez - moi bien, je ne nie pas forcément l'intuition, je dis que c'est bien mystérieux, et j'explique pourquoi on accueille bien plus favorablement cette idée aujourd'hui. Si c'est l'homme le fondement, tout passe.