Une introduction au travail génial d’axiomatisation des probabilités dû à Kolmogorov
Le 3 mai 2010 - Ecrit par Denis Talay
L’histoire des probabilités connaît une date charnière : en 1933, parution des Grundbegriffe des Wahrscheirlichkeitsrechnung (Fondements de la Théorie des Probabilités) d’Andreï Kolmogorov. Cet ouvrage magnifique est une révolution scientifique et culturelle.
Avant 1933, comment pensait-on le hasard ? Pour faire court, deux visions n’ont cessé de cohabiter.
Premièrement, faute de mieux, on appelle hasard l’ensemble des phénomènes qu’on ne sait pas prévenir et qu’il est inutile d’étudier parce que la volonté des dieux est de les imposer à la condition humaine. Il est intéressant de rapprocher Sophocle et Bernanos. Dans Œdipe Roi, Jocaste s’écrie
« Que pourrait craindre un homme ? La destinée le mène, rien ne lui est prévisible. Le mieux est vivre au hasard, comme peut » (La Pléïade p. 685),
tandis que Sœur Constance, dans le Dialogue des Carmélites, s’interroge
« Oh ! J’ai beau être jeune, je sais bien déjà qu’heurs et malheurs ont plutôt l’air tirés au sort que logiquement répartis ! Mais, ce que nous appelons hasard, c’est peut-être la logique de Dieu ? » (La Pléïade p. 1613).
La seconde vision du hasard est à la fois rationaliste et empreinte d’empirisme. Inspirés par l’étude des jeux de hasard ou par l’observation de phénomènes physiques apparemment désordonnés, de nombreux scientifiques énoncent des lois qui en décrivent des propriétés immuables. Ainsi, quelle que soit la pièce de monnaie, quelle que soit la manière de la jeter « au hasard », le nombre moyen d’apparitions d’une des faces tend vers une limite (1/2 si la pièce est fabriquée de manière homogène) quand le nombre de lancers tend vers l’infini. C’est la fameuse loi des Grands Nombres établie en premier par J. Bernoulli. Une autre propriété, bien plus complète, découverte par de Moivre et Laplace, est le Théorème Limite Central : j’y reviendrai dans un prochain billet. [1]
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