Je souhaiterais tordre le cou à une idée encore trop largement répandue selon laquelle le secteur public serait un ogre bureaucratique qui engloutirait des sommes folles contrairement au secteur privé qui, lui, limiterait les dépenses de bureaucratie au strict minimum. Privatiser serait alors la meilleure solution pour améliorer l’efficacité des services toujours sous administration publique. C’est cette croyance que je me propose d’infirmer à l’aide d’un contre-exemple que j’ai constaté de manière fortuite à l’occasion de la crise dite du COVID-19.
Assurance santé : le système public vainqueur par KO
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S’il est un secteur qui aiguise bien des appétits c’est celui de l’assurance santé. Certains, par idéologie ou par opportunisme, rêvent de le voir très largement privatisé et même complètement pour les libertariens les plus extrêmes. Ils justifient cela en prétendant qu’un système de santé privatisé serait mieux géré et plus performant. Qu’en est-il dans la réalité ?
Les données de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) sont sans appel. Lorsque vous comparez les systèmes d’assurance publique avec ceux d’assurances privées, relativement à ce que l’OCDE nomme « les dépenses de gouvernance , administration du système de santé et des financements », vous vous apercevez que dans plus de 80 % des cas (sur 25 systèmes) la part consacrée aux dépenses de bureaucratie est plus faible dans le cas d’une assurance publique (ou de sécurité sociale) que dans le cas d’une assurance privée (obligatoire ou facultative). En outre, l’écart est, dans la plupart des cas, très marqué. Ci-dessous, un graphique présentant quelques cas dont la France.
On pourrait me faire la critique suivante : au sein de chaque pays je comparerais des régimes trop différents pour ne pas biaiser la comparaison. Cette critique repose sur l'idée que les coûts bureaucratiques seraient des coûts fixes et que les régimes publics brasseraient des sommes d'argents bien plus élevés que les régimes privés (par exemple la totalité des remboursements opérés par le public serait très supérieure à celle du privé), la conséquence serait que la part des dépenses bureaucratiques serait bien plus faible pour les régimes publics.
Je pourrais discuter sur : doit-on considérer les dépenses bureaucratiques comme des coûts fixes ou à quel point sont-elles fixes (plus il y a de remboursements, plus il y a de dossiers à traités) ? Je ne le ferais pas car ça a peu d'intérêt, je veux bien concéder cette partie de la critique. C'est la conclusion tirée qui pose problème. En effet, loin de remettre en cause l'affirmation de supériorité du public sur le privé elle la renforce en montrant qu'il est plus efficace d'avoir un régime public unique qui permet des économies d'échelle et de consacrer beaucoup moins de dépenses à la bureaucratie par rapport aux sommes versées.
Voilà qui règle son compte au poncif de la supériorité du privé sur le public, propagé par trop d’éditorialistes et de commentateurs.