af90 Vous m'avez bien compris : je vise l'existentialisme, comme lorsque je parle de l'homosexuel. Disons que l'existentialisme me semble être la misère de la philosophie, sa crise.
(Je ne suis pas philosophe).
Nous nous éloignons du sujet initial, mais pourquoi pas.
L’existentialisme, c’est un peu comme l’immigrationisme, niveau cheminement. En premier lieu ça s’est également passé durant l'après-guerre, période propice s’il en est aux initiatives irréfléchies Au début ça se voulait constructif (dans la déconstruction), ça participait d’une intention louable (affranchissement moral de l’individu, thésaurisation en degrés de liberté), ça sonnait bien dans une humanité en quête de nouvelles règles sociales, politiques. Tout allait pour le mieux.
Et comme lui ça s’est très mal terminé, cette histoire.
En déléguant à chacun le pourvoir décisionnel sur sa propre existence, cette approche (très parisienne) a installé l’idée dangereuse selon laquelle aucune règle morale ne serait prééminente, qu’aucune loi ne pourrait prévaloir sur les desiderata de l’individu. Le Dieu des hommes devait être suppléé par l’homme-Dieu qui vivrait en chacun, très avantageusement. Chaque petit propriétaire de lui-même se voyait remettre la clef dorée du temple moral commun. A chacun alors d’en assurer sa part d'entretien, d'en poser les conditions du pérenne.
Sauf qu’instauré comme dogme édificateur de l’homme nouveau, à la manœuvre sur lui-même et sur son environnement social, cette fumeuse polygonation nouvelle de sa cartographie individuelle a débouché sur son annexion totale, son embastillement en de nouvelles geôles éthiques, celles que nous connaissons tous et que tu as décrites.
L’homme libre ne peut plus revendiquer pour lui-même une sexualité non-déviante, ne doit plus s’étonner de celle du voisin, ne peut plus afficher son appartenance à sa nation, ne doit plus considérer que celui qui n’en est pas a moins de droit que celui qui l’habite depuis les siècles des siècles. L’homme-sans-Dieu ne peut non seulement plus rire de celui du voisin, mais doit apprendre à le respecter. L’homme-sans-Dieu est devenu l’homme qui vit avec le Dieu des autres, sous sa férule.
Force est de constater qu’aux appétits les plus féroces en direction de la chair(e) des curés que déployaient nombre d’intellectuels en goguette en cette deuxième partie du siècle passé a succédé le doute structurel quant à la pertinence de cette approche, au vu de ses effets dévastateurs. C’est du moins mon inflexion actuelle. Note que Malraux avait vu venir le coup et avançant que le XXIème serait religieux ou ne serait pas.
Bref, sur ce coup, je te donne le point.