Nous sommes d'accord sur l'essentiel.

ultravires C'est pour moi une démarche fondamentalement religieuse, qui consiste à abhorrer le monde sensible et les indéniables merveilles de la biologie humaine pour leur préférer un arrière-monde qui n'est jamais advenu et dont rien ne vient justifier, à priori qu'on le considère comme idéal.

Vous savez : l'aveuglement, ou le refus de la réalité n'est pas un phénomène spécifiquement religieux. Il peut tout simplement s'agir de refuser ce qui nous déplaît ; un phénomène qui a d'autant plus de chance de se produire lorsque l'on affirme le primat de la volonté sur l'intelligence, lorsque l'on considère que le sujet définit le phénomène, et non qu'il s'y soumet.

Pour cette dame, c'est plus particulièrement une conséquence de son féminisme existentialiste. Voyez-vous, je pense que vous oubliez que la philosophie peut tout autant déformer que la religion : il suffit qu'elle admette de mauvais principes, des bêtises.

ultravires
Tout à fait, mais je ne doute pas que vous ayez vu clair dans cette manipulation.
Il y a, derrière les revendications avancées, la simple pression antagoniste d'intérêts jugés divergents. A titre personnel, cette divergence perçue m'apparaît comme une hérésie. Cela dit, si les femmes devaient être traitées strictement comme les hommes, nous obtiendrions un putain de carnage. Les féministes réclament trop souvent l'identité plutôt que l'égalité. Là encore, ce que l'on réclame n'est, par définition, pas acquis.

Je suis d'accord avec vous : les féministes nous mènent à la barbarie. Elles passent leur temps à donner des leçons aux autres sociétés alors que notre société connaît célibat de masse, divorce de masse, des rapports chaotiques entre l'homme et la femme. Si elles ne passaient pas leur temps à ignorer la réalité, elles feraient preuve d'un peu plus d'humilité.

Je crains aussi la réaction des hommes. Les féministes sont désormais passées au stade supérieur : le refus de l'homme, son humiliation même.

ultravires La présomption quant au fait que l'homme n'est que matière me semble incontournable . J'incline à penser que c'est la preuve de l'inverse qui devrait être faite. Pour moi, ça ne disqualifie pas l'idée du sacré.

Il faudrait que je fasse la démonstration de l'existence de l'âme. En son absence, pas plus de raison de l'accepter, vous avez raison.

ultravires J'irais volontiers chercher du côté du Conatus, en ce qui concerne cette considération. Et sûrement du côté de la volonté de puissance.

Il y a équivoque. Je ne voulais pas dire que les philosophes existentialistes n'abordent pas la question de la volonté. En fait, toute leur philosophie est conséquence du primat de la volonté sur l’intelligence.

Je souhaitais mettre en exergue que les scientifiques ont leur théorie matérialiste et athée de l'intelligence réduite au QI, presque localisable, somme de diverses "intelligences" ; mais qu'ils n'ont pas à ma connaissance d'équivalent pour la volonté. S'il n'y a pas d'âme, la volonté ne peut en être une faculté : il faut donc la trouver dans la matière. Si l'on ne peut la trouver dans la matière ? Si elle n'est même que liée à la matière ?

    af90 Vous savez : l'aveuglement, ou le refus de la réalité n'est pas un phénomène spécifiquement religieux. Il peut tout simplement s'agir de refuser ce qui nous déplaît ; un phénomène qui a d'autant plus de chance de se produire lorsque l'on affirme le primat de la volonté sur l'intelligence, lorsque l'on considère que le sujet définit le phénomène, et non qu'il s'y soumet.

    Pour cette dame, c'est plus particulièrement une conséquence de son féminisme existentialiste. Voyez-vous, je pense que vous oubliez que la philosophie peut tout autant déformer que la religion.

    Vous avez raison, ce n'est pas un phénomène purement religieux. En réalité, c'est le procès que je réserve plus spécifiquement aux religions ouraniennes, qui ont délaissé les vérités viscérales, non pas par aveuglement, mais par répugnance à les sanctifier. C'est sous la férule de divinités chtoniennes que la civilisation occidentale s'est épanouie, en sanctifiant ce qui était plutôt que ce qu'elle eût voulu qu'il advînt. Elle n'éprouvait alors aucune répugnance à être.
    Aussi je réfute la qualité philosophique de l'existentialisme qui manifeste le même symptôme.

    Nietzsche aurait probablement été très peu amène avec Sartre, comme il l'a été avec Socrate. Comment un être comme Sartre, si contrefait, aurait-il pu tolérer l'image que ses propres sens lui donnait de lui-même ? Il ne pouvait se réaliser qu'au moyen d'une fiction intellectuelle qui permettrait de réparer, tout au moins de compenser, ce que la nature avait si mal fait. En somme, si j'étais un gros con, je dirais que la philosophie même de Sartre était conditionnée, déterminée par sa biologie. Une négation même de son essence. Ça n'enlève rien à la qualité du bonhomme, notez bien.

    Selon la même logique, les féministes détestent être des femmes. Les qualités qui leur sont propres les révulsent.
    Qu'elles restent loin de moi, je ne suis pas psy et la haine de soi me dégoûte.

    af90 Je suis d'accord avec vous : les féministes nous mènent à la barbarie. Elles passent leur temps à donner des leçons aux autres sociétés alors que notre société connaît célibat de masse, divorce de masse, des rapports chaotiques entre l'homme et la femme. Si elles ne passaient pas leur temps à ignorer la réalité, elles feraient preuve d'un peu plus d'humilité.

    Je crains aussi la réaction des hommes. Les féministes sont désormais passées au stade supérieur : le refus de l'homme, son humiliation même.

    Je suis d'avis que tout ce qui est décrété contre l’organisation spontanée du monde est d'essence et de finalité tyrannique. Je suis aussi assez optimiste. Les quelques lubies idiotes d'une poignée d'aliénés n'infléchiront pas des millénaires de déterminisme. Sitôt débarrassées de l'artefact de l'institution, qui seul assure la promotion de ces fictions, les sociétés reprendront leur forme initiale. Et vous avez raison : La réaction est déjà constatée, et une polarisation s'effectue sous nos yeux mêmes. Les progressistes n'obtiendront que d'accentuer temporairement les phénomènes contre lesquels ils croient lutter. Avec nos impôts.

    af90 Il faudrait que je fasse la démonstration de l'existence de l'âme. En son absence, pas plus de raison de l'accepter, vous avez raison.

    Si vous en aviez le loisir, je vous lirais avec le plus grand intérêt.

    af90 Il y a équivoque. Je ne voulais pas dire que les philosophes existentialistes n'abordent pas la question de la volonté. En fait, toute leur philosophie est conséquence du primat de la volonté sur l’intelligence.

    Je souhaitais mettre en exergue que les scientifiques ont leur théorie matérialiste et athée de l'intelligence réduite au QI, presque localisable, somme de diverses "intelligences" ; mais qu'ils n'ont pas à ma connaissance d'équivalent pour la volonté. S'il n'y a pas d'âme, la volonté ne peut en être une faculté : il faut donc la trouver dans la matière. Si l'on ne peut la trouver dans la matière ? Si elle n'est même que liée à la matière ?

    Non pas ! Ce n'est pas par hasard que je convoquais Spinoza et Nietzsche, qu'on pourra difficilement qualifier d'existentialistes, à notre savoureux échange.
    Je me permets quelques vagabondages sur ce sujet, et j'espère que vous aurez la bonne grâce de m'y accompagner.
    L'être humain n'est pas le sujet de sa propre volonté, elle est une qualité propre de ce dernier, comme le serait la force physique, mettons. Comment imaginer que l'être humain puisse s'appliquer à lui même sa propre rigueur, comme il le ferait à quelque sujet autre, sans le considérer comme être dual ? En réalité, il est la source et la destination de cette qualité propre. Il est volonté. Comme la notion de Conatus, cette volonté est cause de soi-même. Les chrétiens répugnent souvent à trouver chez l'humain sa propre cause au sens spirituel (ce concept étant réservé à dieu), mais la dichotomie entre chair et esprit n'est pas une prémisse incontournable de ce questionnement.

    Je n'entends pas les existentialistes s'attarder sur ce terrain dont je soupçonne qu'ils le savent périlleux. Il faudrait que j'exhume Sartre de ma bibliothèque pour approfondir sa vision de la chose, à l'occasion. Il m'en apprendrait sans doute beaucoup, l'affreux.

    • af90 a répondu à ça.
      6 jours plus tard

      J'accepte le débat philosophique avec grand plaisir. Vous savez, lorsque je préconise la chasse aux opposants à la doctrine de la cité, et vous n'êtes d'ailleurs pas forcément mon opposant, c'est au nom de son bien, de son unité. Dans la cité que je préconise, j'aurais aussi sûrement intérêt à raser les murs.

      ultravires Vous avez raison, ce n'est pas un phénomène purement religieux. En réalité, c'est le procès que je réserve plus spécifiquement aux religions ouraniennes, qui ont délaissé les vérités viscérales, non pas par aveuglement, mais par répugnance à les sanctifier. C'est sous la férule de divinités chtoniennes que la civilisation occidentale s'est épanouie, en sanctifiant ce qui était plutôt que ce qu'elle eût voulu qu'il advînt. Elle n'éprouvait alors aucune répugnance à être.
      Aussi je réfute la qualité philosophique de l'existentialisme qui manifeste le même symptôme.

      Honnêtement, je ne connais pas cette théorie : je ne peux donc la critiquer.

      Je ne vois pas trop ce que vous appelez les vérités viscérales. Vous saisissez, ce me semble, l'intérêt du dogme, quand il est vrai : une autorité qui promeut une vérité, et la défend. Vous comprenez également, qu'en l'absence de dogmes, on se fait sceptique, et qu'il s'agit de la maladie de la philosophie : que le scepticisme est destructeur, parce qu'il n'aboutit qu'à un homme creux, vide, sujet à l'angoisse, qu'il aboutit au malheur pour l'homme ; qu'il provoque aussi la destruction de la société, parce qu'il est négateur de tout principe, de toute idée du bien ou du vrai.

      Pour le sceptique ou pyrrhonien, le plus grand mal est d'être dogmatique, de défendre des principes, des certitudes ; le sage, le bon philosophe est celui qui prend acte de la diversité des choses, de leur relativité au temps, au lieu, à la matière : le sage est celui qui suspend son jugement, qui vit en fonction des codes de son époque et de sa cité, car tout est opinion, tout se vaut.

      Dites-moi si j'ai mal compris, si j'ai répondu à côté.

      ultravires Nietzsche aurait probablement été très peu amène avec Sartre, comme il l'a été avec Socrate. Comment un être comme Sartre, si contrefait, aurait-il pu tolérer l'image que ses propres sens lui donnait de lui-même ? Il ne pouvait se réaliser qu'au moyen d'une fiction intellectuelle qui permettrait de réparer, tout au moins de compenser, ce que la nature avait si mal fait. En somme, si j'étais un gros con, je dirais que la philosophie même de Sartre était conditionnée, déterminée par sa biologie. Une négation même de son essence. Ça n'enlève rien à la qualité du bonhomme, notez bien.

      Nietzsche aurait été peu amène avec Sartre, comme Platon aurait été peu amène avec les néo-platoniciens ou l'Eglise. C'est l'avantage des morts : on peut les récupérer, ils ne peuvent plus combattre.

      Je comprends ce que vous dites en relevant néanmoins une petite erreur : même en admettant qu'il n'y a pas de liberté face à la nature, que nous sommes nos gènes, alors il faut conclure que Sartre est déterminé par ce qu'il est en tant que sujet ou individu, substance première, non par son essence.

      ultravires Selon la même logique, les féministes détestent être des femmes. Les qualités qui leur sont propres les révulsent.
      Qu'elles restent loin de moi, je ne suis pas psy et la haine de soi me dégoûte.

      Pour les féministes, cela se tient, car que l'on dise qu'elles rejettent leur essence, la qualité qui fait leur nature, les fait femme, ou leurs propriétés, qualités substantielles, les accidents par soi toujours présents chez une femme, c'est bien le fait d'être femme qui est en question.

      En principe, avant une discussions philosophique, il faut s'accorder sur la définition des mots en question. Je suis thomiste sur la question de l'essence et de la substance.

      Mais, je ne vous suis pas : suivre la loi naturelle, c'est être déterminé ; la refuser, c'est aussi être déterminé. Il y a une erreur logique : tout et son contraire, ne peut être déterminé. Vous ne pouvez constater les divers choix, qui ne sont jamais que la manifestation du libre – arbitre, et les attribuer à la nécessité.

      ultravires Je suis d'avis que tout ce qui est décrété contre l’organisation spontanée du monde est d'essence et de finalité tyrannique. Je suis aussi assez optimiste. Les quelques lubies idiotes d'une poignée d'aliénés n'infléchiront pas des millénaires de déterminisme. Sitôt débarrassées de l'artefact de l'institution, qui seul assure la promotion de ces fictions, les sociétés reprendront leur forme initiale. Et vous avez raison : La réaction est déjà constatée, et une polarisation s'effectue sous nos yeux mêmes. Les progressistes n'obtiendront que d'accentuer temporairement les phénomènes contre lesquels ils croient lutter. Avec nos impôts.

      1- Il faudrait déjà prouver qu'il y a organisation spontanée du monde ; car s'il y a un ordre dans le monde, qu'il n'est pas chaos, il faut se demander pourquoi. On en arrive à une grande question métaphysique : pourquoi il y a unité du monde derrière sa diversité, unité par les lois naturelles, diversité par les individus, sujets...

      Je comprends quelle peut être votre théorie : celle du hasard, ou disons histoire de ne pas la caricaturer, que le monde serait produit de diverses possibilités ou probabilités qui se sont réalisées ; qu'il aurait pu être tout autre. Cette théorie ressemble pour moi à une théorie de l'absurde : c'est un peu le défendre avec virtuosité, car quoi de plus absurde qu'une suite d'infimes possibilités ?

      Toutefois, si je reste bon philosophe, même très improbable, c'est possible. De toute façon, il faut comprendre qu'en dernier ressort, toutes nos théories reposent sur des premiers principes : ils ne sont pas démontrables ; on ne peut qu'en constater les effets. Si je me fais athée comme Schopenhauer, je peux donc expliquer qu'en dernier ressort, notre vision du monde repose sur l'absurde.

      Toujours si je reste athée, ce que je ne suis pas, j'envisage alors la révélation, comme un premier postulat possible mais absurde : Dieu qui se révèle à l'homme afin de suppléer à son insuffisance pour comprendre la Création.

      2- La loi naturelle doit déterminer les sociétés, et les actes des individus. La religion chrétienne ne dit pas autre chose. Mais vous oubliez une chose : l''homme comprend les phénomènes naturels par l'action de son intelligence. Nous percevons le monde par les sens, l'intelligence l'éclaire. En fait, je sens chez vous, la bêtise des Lumières : réduire la pensée à une sensation améliorée, et la vérité à l'évidence, ce qui saute aux yeux. Je ne suis donc pas surpris que vous parliez de Spinoza.

      Si je reviens à mon propos : même s'il y a un ordre dans la nature, une Loi naturelle. Il y a diverses façon d'interpréter cet ordre, dont une bonne certainement : la raison droite dans l'homme, qui correspond à la raison droite dans la nature, car l'homme est partie prenante de cette nature ; et que tous deux ont été ordonnés par un même Créateur ou Législateur.

      Je pense que vous ne me suivrez pas là-dessus, mais pour mon propos il suffit de vous proposer une interprétation différente de l'ordre dans la nature, pour vous faire entendre que la vérité n'est pas forcément évidence, que l'erreur si elle existe concernant l'ordre en question, peut être de bonne foi, produit de l'intelligence.

      3- Concernant la tyrannie maintenant. Il s'agit à l'origine de l'opposition à la royauté, d'un gouvernement qui en usurpe la charge : de l'homme qui fait de sa volonté, la loi, en dehors de toutes les limitations possibles, aussi bien des lois, qu'une doctrine. Ainsi, par exemple l'absolutisme différait tout de même de la tyrannie, par sa soumission à la doctrine catholique. C'est une idée envisageable de défendre que l'opposition à la loi naturelle, justement définie, est tyrannique.

      Vous savez, le chrétien vous expliquerait que la loi naturelle est conséquence de la loi éternelle du Créateur, qu'elle en est une partie ; que le bon chrétien est celui qui agit conformément à cette dernière ; que la bonne société chrétienne doit s'y plier. Comment la définit-il ? Les moyens doivent être en adéquation avec la fin.

      Par exemple, l'acte sexuel est en adéquation avec la fin : faire un enfant, même si tout acte sexuel ne produit pas un enfant. A contrario, la GPA s'y oppose, car il s'agit d'un moyen détourné d'arriver à une même fin. Toujours si je continue : la bonne société chrétienne ne peut donc admettre la GPA.

      ultravires Si vous en aviez le loisir, je vous lirais avec le plus grand intérêt.

      Il faut savoir différencier ce que l'on sait, de ce que l'on ne sait pas : je suis encore en formation sur ce sujet. Je ne vais qu'affirmer, sans démontrer, afin que vous preniez connaissance d'une autre idée. Prenez la suite avec beaucoup de circonspection.

      Qu'est – ce que l'âme ? Le souffle de vie, le principe de vie, qui permet au corps d'être animé, de bouger. C'est la cause de la vie chez l'être vivant. Vient alors la difficulté : la différence entre les êtres vivants.

      La plante a une âme végétative : elle peut se nourrir et se reproduire. L'animal dispose d'une âme sensitive : il peut sentir, percevoir par les sens, avoir des désirs, connaître le plaisir et la douleur. L'animal supérieur peut se mouvoir, dispose de l'imagination, peut estimer et poursuivre un but, forme d'intelligence réduite par rapport à l'homme. L'homme a une âme intellectuelle : la capacité de spéculer, de connaître parce qu'il possède l'intellect. Par les facultés, on établit une hiérarchie parmi les âmes.

      Je me contente de résumer Aristote, afin de ne conserver que ce qui est du domaine de la raison naturelle : mon but se limite à vous inciter à la réflexion sur cette question. Chaque chose en son temps. Je rajoute la considération suivante : si l'âme est principe de vie, qu'est-ce que la mort ? séparation de l'âme et du corps comme le dit le théologien ? L'âme meurt-elle avec le corps ou survit-elle au corps ?

      J'insiste bien sur ce point : le corps vivant est matière formée, il est union indissociable de l'âme et du corps. On ne peut séparer les deux. Aristote avait coutume de reprocher à son maître Platon, de « séparer », de doubler les réalités, d'introduire un monde intelligible, alors que les principes métaphysiques sont sous-jacents, indissociables des phénomènes. Le chrétien ajoute à Aristote sa théologie. Je ne développe pas, disons par prudence, pour le moment.

      A la lumière de ces affirmations vous comprenez mieux je pense les questions de mes précédents posts. Si je ne puis encore critiquer, étape prochaine dans ma formation à ce sujet, je peux quand même m'interroger.

      ultravires Non pas ! Ce n'est pas par hasard que je convoquais Spinoza et Nietzsche, qu'on pourra difficilement qualifier d'existentialistes, à notre savoureux échange.
      Je me permets quelques vagabondages sur ce sujet, et j'espère que vous aurez la bonne grâce de m'y accompagner.
      L'être humain n'est pas le sujet de sa propre volonté, elle est une qualité propre de ce dernier, comme le serait la force physique, mettons. Comment imaginer que l'être humain puisse s'appliquer à lui même sa propre rigueur, comme il le ferait à quelque sujet autre, sans le considérer comme être dual ? En réalité, il est la source et la destination de cette qualité propre. Il est volonté. Comme la notion de Conatus, cette volonté est cause de soi-même. Les chrétiens répugnent souvent à trouver chez l'humain sa propre cause au sens spirituel (ce concept étant réservé à dieu), mais la dichotomie entre chair et esprit n'est pas une prémisse incontournable de ce questionnement.

      Je n'entends pas les existentialistes s'attarder sur ce terrain dont je soupçonne qu'ils le savent périlleux. Il faudrait que j'exhume Sartre de ma bibliothèque pour approfondir sa vision de la chose, à l'occasion. Il m'en apprendrait sans doute beaucoup, l'affreux.

      1- La force physique est effet de notre corps en tant que matière, si vous êtes matérialiste seulement : cela se tient, semble possible. La volonté au contraire ne se voit pas : on en constate les effets, par nos choix. Si vous voulez être matérialiste, il faut prouver qu'elle se rapporte au corps, afin de conclure qu'elle existe. Si vous n'y parvenez pas, soit il faut conclure qu'il n'y a pas que la simple matière, soit que la volonté n'existe pas vraiment.

      Personnellement, j'aurais plutôt tendance à affirmer qu'elle est une faculté de notre âme, comme l'intelligence. Mais si vous admettez l'idée, que l'homme en tant que substance, est matière formée : substance indiscernable du corps et de l'âme, il est possible que lorsque nous voulons, ou que nous raisonnons, les deux interviennent. Pour aller plus loin, il faudrait que je connaisse mieux le sujet. Je me limite afin d'éviter toute erreur comme dit précédemment.

      2- La deuxième question s'est posée aussi bien dans l'Eglise, que dans la philosophie profane. Si l'on reconnaît deux facultés essentielles à l'âme de l'homme, laquelle prime sur l'autre : l'intelligence ou la volonté ?

      L'Eglise a tranché en faveur de l'intelligence avec Saint Thomas d'Aquin, en laissant tomber les contradicteurs de la tradition opposée dans l'oubli. La philosophie moderne tranche en faveur de la volonté. Il a d'abord été question de Dieu ou de la Nature en tant qu'essence, et que substance, de la conséquence sur ses attributs.

      Je ne suis pas spécialiste de ces questions. Je n'ai pas autant médité les auteurs dont vous parlez que ma propre philosophie, même si je les ai étudiés. J'ai l'impression que les existentialistes ont appliqué à l'homme ce qu'Hegel disait de son Dieu, de son esprit du monde devrais-je dire pour éviter toute controverse : son essence est d'être actif, sa substance est d'être libre, de changer incessamment. La volonté prime sur l'intelligence.

      Je peux le démontrer pour Dieu, si vous le souhaitez. Si la volonté prime, Dieu agit comme il l'entend. Il n'a pas de limitation. Si l'intelligence prime, Dieu se pose ses propres limitations et les respecte : il a ordonné le monde, en fonction des meilleures lois possibles ; et les respecte, sauf lorsqu'il agit pour un plus grand bien, l'exception, admise car la loi étant générale par nature, elle n'est bonne que dans la plupart des cas, et non tous ; d'où l'existence du miracle ; et que de toute façon en tant que Législateur et gouverneur, il reste supérieur à ses lois. De l'une ou de l'autre, dépend une conception différente de la liberté de Dieu : si la volonté prime il fait ce qu'il veut ; si l'intelligence prime, il sert le vrai, le bien, dont il est le fondement.

      Précisons toutefois que ce sont des conceptions de Dieu que l'intelligence de l'homme formule. Il s'agit de comprendre ce qu'est Dieu, par le raisonnement, opération qui implique de séparer ou distinguer, ce qui ne l'est pas en réalité : en Dieu, la volonté s'identifie à l'intelligence, il n'y a pas d'abord intelligence ou d'abord volonté. Disons que l'homme comprend ce qu'il peut grâce à son intelligence, en considération de ses limites.

      Dieu pour le chrétien se définit comme le fondement de l'être, celui qui est par lui-même : une essence qui le limite, qui ne peut lui permettre d'accomplir le mal. Ce ne saurait être une incompétence, ou une limitation, car pourquoi l'être parfait, voudrait-il accomplir le mal ? Ce serait renoncer à sa perfection, à ce qui fait son être, ne plus être Dieu, impossibilité logique.

      On en arrive à la mauvaise conception de la liberté des modernes. L'être libre pour le chrétien est celui qui sert le bien. Servir le mal est une incapacité qui résulte du libre-arbitre de l'homme justement, une faculté qui n'est pas sa gloire, mais la preuve qu'il est inférieur à Dieu dans la hiérarchie des êtres.

      Pour le moderne, la liberté est tout : elle est idole, elle est un bien en soi ; alors que le chrétien oppose la liberté, à la licence. Qu'est ce que la licence ? La profession de foi du moderne : je fais ce que je veux, indépendamment du bien ou du vrai, faut-il rajouter, le même credo que Lucifer, le même péché qu'Adam.

      Comme dernière critique, voici ce que je demande au moderne : comment en arrivent-ils à de telles définitions de l'essence ou de la substance ? Le Chrétien a sa révélation, argument d'autorité, qu'il mêle à la philosophie d'Aristote, s'il est question de l'essence et de la substance. Le moderne me semble juste idéaliste : le sujet qui définit, sans se référer à la réalité ; alors qu'Aristote arrive à ses définitions par induction, à partir de l'observation. Évidemment, c'est contestable aussi.

      Dites-moi si vous trouvez que je vais trop loin.

      3- Les chrétiens opposent la chair à l'esprit ; mais pas forcément comme vous l'entendez. Il ne faut pas mal interpréter le : vivre selon la chair, vivre selon l'esprit.

      Pour le chrétien, il résulte du péché originel la révolte de la chair contre l'esprit, la désunion en l'homme : il a sa raison qui lui dit une chose s'il se conforme à la loi naturelle, et ses passions qui lui disent une autre. En lui, depuis le péché originel, il y a lutte de l'un contre l'autre. Qu'est-ce que le bon chrétien ? Celui qui par sa raison, et grâce au secours de la foi et de la grâce, soumet ses passions à sa raison : il vit alors selon l'esprit. Qu'est – ce que le mauvais chrétien ou le non chrétien ? L'homme qui est tyrannisé par les passions de son âme, qui est esclave de ses désirs, qui pèche donc incessamment, qui vit selon la chair.

      Soumettre ses passions à sa raison, est le but de toute éthique, même philosophique. Le chrétien explique par le péché originel, pourquoi l'homme est obligé d'user de l'éthique pour soumettre ses passions, pourquoi ce phénomène existe.

      J'espère ne pas vous avoir ennuyé. Je me suis permis d'être assez bref sur certains points, certainement trop.

        17 jours plus tard

        af90 J'accepte le débat philosophique avec grand plaisir. Vous savez, lorsque je préconise la chasse aux opposants à la doctrine de la cité, et vous n'êtes d'ailleurs pas forcément mon opposant, c'est au nom de son bien, de son unité. Dans la cité que je préconise, j'aurais aussi sûrement intérêt à raser les murs.

        Je vous en sais gré et salue votre honnêteté : une théorie valide n'a pas vocation à s'appliquer au bénéfice exclusif de celui qui la formule.

        af90 Je ne vois pas trop ce que vous appelez les vérités viscérales.

        Me permettrez vous d'en douter, dès lors que vous êtes capable d'envisager chair et esprit séparément ? Il y a peu à dire sur la vérité fondamentale du monde que l'instinct n'ait pas déjà révélé.

        af90 Vous saisissez, ce me semble, l'intérêt du dogme, quand il est vrai : une autorité qui promeut une vérité, et la défend. Vous comprenez également, qu'en l'absence de dogmes, on se fait sceptique, et qu'il s'agit de la maladie de la philosophie : que le scepticisme est destructeur, parce qu'il n'aboutit qu'à un homme creux, vide, sujet à l'angoisse, qu'il aboutit au malheur pour l'homme ; qu'il provoque aussi la destruction de la société, parce qu'il est négateur de tout principe, de toute idée du bien ou du vrai.

        Plus simplement, je refuse le relativisme. C'est une maladie dont certains philosophes ont été affligés, sans qu'on puisse parler de maladie de la philosophie selon moi. Le doute me convient, en revanche. Je trouve qu'il s'agit d'une forme suprême de foi que de se permettre de remettre en question ses propres convictions avec la confiance de celui qui sait qu'elles résisteront à l'inquisition. C'est ce que vous faites, me semble t-il, en justifiant la foi par la raison.

        af90 Je comprends ce que vous dites en relevant néanmoins une petite erreur : même en admettant qu'il n'y a pas de liberté face à la nature, que nous sommes nos gènes, alors il faut conclure que Sartre est déterminé par ce qu'il est en tant que sujet ou individu, substance première, non par son essence.

        Je ne souscris pas à la dichotomie Aristotélicienne entre substance et accident. J'ai peut être matière à apprendre sur ce point, et je compte un peu sur vous pour m'y aider. Mais je ne lui trouve que peu d'intérêt sur ce point. Elle n'existe que dans le degré d'imprécision que l'on s'autorise en énonçant ces deux propositions : "Sartre est un homme", et "Sartre est un homme aux instincts malades". Ou tout autre qualificatif que nous choisirions afin d'affiner notre description.

        af90 Pour les féministes, cela se tient, car que l'on dise qu'elles rejettent leur essence, la qualité qui fait leur nature, les fait femme, ou leurs propriétés, qualités substantielles, les accidents par soi toujours présents chez une femme, c'est bien le fait d'être femme qui est en question.

        Là encore, je ne vois pas l'intérêt de séparer l'accident de la substance. Mais pourquoi pas. Le dénominateur commun à toutes les femmes résumant leur substance, et les accidents déclinant les individualités.

        af90 Mais, je ne vous suis pas : suivre la loi naturelle, c'est être déterminé ; la refuser, c'est aussi être déterminé. Il y a une erreur logique : tout et son contraire, ne peut être déterminé. Vous ne pouvez constater les divers choix, qui ne sont jamais que la conséquence du libre – arbitre, et les attribuer à la nécessité. Soit il y a nécessité, pas de libre-arbitre ; soit il y a libre-arbitre, pas de nécessité ; soit il y a libre-arbitre, et nécessité conditionnelle, un moyen terme.

        Ce n'est pas mon propos. Je dis : Sartre est déterminé comme tout un chacun, et l'est y compris lorsqu'il croit ne pas l'être. En revanche, il réprouve cet état de fait. Il n'y a pas deux propositions antagonistes dans cette position. Sinon à supposer que les décisions, que l'on supposera comme l'expression du libre arbitre aux fins de notre discussion, ne sont le produit d'aucun calcul, et d'aucune nécessité, comme vous l'avez justement souligné. En apparthée, c'est d'ailleurs un problème lorsque l'on considère l'intelligence. Si l'on convient qu'elle consiste à considérer tous les paramètres pour prendre la décision la plus conforme aux intérêts de celui qui l'exerce, elle serait antagoniste au libre arbitre, mais passons. Sur cette question de libre arbitre, je suis un partisan de l'âne de Buridan.

        af90 Il faudrait déjà prouver qu'il y a organisation spontanée du monde ; car s'il y a un ordre dans le monde, qu'il n'est pas chaos, il faut se demander pourquoi. On en arrive à une grande question métaphysique : pourquoi il y a unité du monde derrière sa diversité, unité par les lois naturelles, diversité par les individus, sujets...

        En toute honnêteté, je ne le pense pas. Ce qui est spontané se constate, ne se prouve pas. Il y a d'ailleurs une grande unité sur les constats que peuvent faire les différents courants de pensée sur nombre de sujets à priori clivant. Les membres du mouvement Black Lives Matter et les suprématistes blancs se rejoignent sur nombre de leurs postulats, mais les uns les réprouvent tandis que les autres s'en félicitent.
        Plus simplement, la gravité est constatée sans qu'il soit besoin de la prouver.
        Le pourquoi est la question suivante en effet, mais pas la constatation première. Et elle conduit irrémédiablement à la causa sui et à l'incommensurable, ce que je tiens pour être les deux caractéristiques du divin.

        af90 Je comprends quelle peut être votre théorie : celle du hasard, ou disons histoire de ne pas la caricaturer, que le monde serait produit de diverses possibilités ou probabilités qui se sont réalisées ; qu'il aurait pu être tout autre. Cette théorie ressemble pour moi à une théorie de l'absurde : c'est un peu le défendre avec virtuosité, car quoi de plus absurde qu'une suite d'infimes possibilités ?

        Le hasard est une commodité de langage pour exprimer l'incommensurabilité de la foultitude de facteurs impliqués dans la création telle qu'elle se présente à nous. Il en résulte qu'elle n'aurait pu être autrement au contraire, ou alors que les variations infimes nécessaires à l'altérer nous sont à ce point incompréhensibles qu'en autant que notre entendement est concerné, le résultat est identique. J'avais coutume de dire que "dieu se cachait derrière le mur de Planck", ce qui faisait beaucoup râler Haaaa.

        af90 Toujours si je reste athée, ce que je ne suis pas, j'envisage alors la révélation, comme un premier postulat possible mais absurde : Dieu qui se révèle à l'homme afin de suppléer à son insuffisance pour comprendre la Création.

        D'accord là dessus. Il est le principe créateur, causa sui et incommensurable.

        af90 La loi naturelle doit déterminer les sociétés, et les actes des individus. La religion chrétienne ne dit pas autre chose. Mais vous oubliez une chose : l''homme comprend les phénomènes naturels par l'action de son intelligence. Nous percevons le monde par les sens, l'intelligence l'éclaire. En fait, je sens chez vous, la bêtise des Lumières : réduire la pensée à une sensation améliorée, et la vérité à l'évidence, ce qui saute aux yeux. Je ne suis donc pas surpris que vous parliez de Spinoza.

        C'est vrai. Je tiens l'intelligence pour une expression articulée, enrichie des mécaniques syntaxiques du langage, des pulsions instinctives qui nous meuvent. L'évidence est une contre-mesure efficace contre la décadence. Je prône volontiers le constat plutôt que le décret. L'individu se prémunit ainsi contre les dérives des théories du genre et autres purulences d'instincts malades.

        af90 Qu'est – ce que l'âme ? Le souffle de vie, le principe de vie, qui permet au corps d'être animé, de bouger. C'est la cause de la vie chez l'être vivant. Vient alors la difficulté : la différence entre les êtres vivants.

        Je peux souscrire à ça.

        af90 La plante a une âme végétative : elle peut se nourrir et se reproduire. L'animal dispose d'une âme sensitive : il peut sentir, percevoir par les sens, avoir des désirs, connaître le plaisir et la douleur. L'animal supérieur peut se mouvoir, dispose de l'imagination, peut estimer et poursuivre un but, forme d'intelligence réduite par rapport à l'homme. L'homme a une âme intellectuelle : la capacité de spéculer, de connaître parce qu'il possède l'intellect. Par les facultés, on établit une hiérarchie parmi les âmes.

        Les supériorités sont souvent conjoncturelles, mais ne nions pas l'évidence. L'être humain peut anéantir ce qui lui plaît sur un caprice, et a tout loisir de disposer de toute vie sur terre ou presque. Il prévaut sans ambiguïté.

        af90 La force physique est effet de notre corps en tant que matière, si vous êtes matérialiste seulement : cela se tient, semble possible. La volonté au contraire ne se voit pas : on en constate les effets, par nos choix. Si vous voulez être matérialiste, il faut prouver qu'elle se rapporte au corps, afin de conclure qu'elle existe. Si vous n'y parvenez pas, soit il faut conclure qu'il n'y a pas que la simple matière, soit que la volonté n'existe pas vraiment.

        Vous ne voyez pas plus la force physique que la volonté. Vous en constatez les effets. En outre, la volonté, sur un plan philosophique, n'implique pas nécessairement le choix. Ce serait l'assimiler à la notion de libre arbitre, très discutable selon moi. J'évoquais, dans mes précédents messages, les notions de conatus, et de volonté de puissance, précisément car elles renvoient bien à la notion de volonté sans jamais évoquer le choix. Supposer que le choix est illusion tout en affirmant la primauté de la volonté, de la capacité à "persévérer dans son être" n'est pas antagonique. Je pense que vous utilisez à tort la définition vulgaire de la volonté, de cette notion éthérée et arbitraire, qui est déjà le stigmate sémantique d'une conception désincarnée de l'entendement humain. Une sorte de "vouloir" indépendant de la causalité, dont on ne sait trop ce qui l'anime.

        af90 Personnellement, j'aurais plutôt tendance à affirmer qu'elle est une faculté de notre âme, comme l'intelligence.

        C'est un choix. Vous conviendrez que votre conception de l'âme humaine, comme "principe de vie" (que j'aime beaucoup au demeurant) n'entraîne pas mécaniquement que l'on doive lui attribuer des qualités d'entendement ou de vouloir. Pour ma part, je n'en prête même pas à dieu.

        af90 Comme dernière critique, voici ce que je demande au moderne : comment en arrivent-ils à de telles définitions de l'essence ou de la substance ? Le Chrétien a sa révélation, argument d'autorité, qu'il mêle à la philosophie d'Aristote, s'il est question de l'essence et de la substance. Le moderne me semble juste idéaliste : le sujet qui définit, sans se référer à la réalité ; alors qu'Aristote arrive à ses définitions par induction, à partir de l'observation. Évidemment, c'est contestable aussi.

        Dites-moi si vous trouvez que je vais trop loin.

        Les modernes ont leur propre révélation. Je ne crois pas leurs mécaniques différentes. Vous parlez de définir sans se référer à la réalité. Je parle de décréter sans constater, mais nous nous rejoignons sur le fond.
        Et vous n'allez pas trop loin. J'abhorre toutes les timidités de la pensée de toute façon, et je vous lis avec un grand plaisir.
        Merci sincèrement pour cet échange.
        Je n'ai guère plus de temps pour vous répondre, et il y a tellement de choses à dire, mais j'espère que nous pourrons poursuivre prochainement.

        18 jours plus tard

        Me permettrez vous d'en douter, dès lors que vous êtes capable d'envisager chair et esprit séparément ? Il y a peu à dire sur la vérité fondamentale du monde que l'instinct n'ait pas déjà révélé.

        Comment l'instinct pourrait-il révéler la vérité ? Etre cause de la connaissance ? De quoi parle-t-on exactement ? De la nature de l'homme ? D'une faculté ?

        Nous nommons vérité, le juste rapport entre ce qui est, et ce que nous pensons qui est : l'adéquation entre le phénomène - la réalité observée - et la pensée produite par l'intelligence. Il faut non seulement se soumettre à l'observation de cette réalité, mais aussi bien l’interpréter. Je poursuivrai plus loin.

        Plus simplement, je refuse le relativisme. C'est une maladie dont certains philosophes ont été affligés, sans qu'on puisse parler de maladie de la philosophie selon moi. Le doute me convient, en revanche. Je trouve qu'il s'agit d'une forme suprême de foi que de se permettre de remettre en question ses propres convictions avec la confiance de celui qui sait qu'elles résisteront à l'inquisition. C'est ce que vous faites, me semble t-il, en justifiant la foi par la raison.

        1- Vous refusez le relativisme tout en n'établissant pas le bon diagnostic. Qu'est-ce que le relativisme ? La nouvelle forme du scepticisme ou du pyrrhonisme. Comment naît le scepticisme ? Du doute. Vous n'avez pas encore compris qu'il existe un bon et un mouvais doute : le bon doute existe avant examen du sujet, permet d'en arriver à la connaissance vraie ; le mauvais doute intervient une fois que l'on a examiné, que l'on pense avoir trouvé la vérité. Le bon doute est sain car il permet de produire; le mauvais est malsain car il conduit à la destruction.

        Qu'est-ce qu'un sceptique ? C'est un homme qui ne cesse jamais de douter, d'examiner un sujet. Il doute même lorsqu'il n'y a plus de raison de douter. Les sceptiques divisaient la philosophie en philosophie dogmatique, et philosophie sceptique, une distinction qui me semble plutôt heureuse : la première cherche des vérités, dont elle fera des dogmes ; la seconde se contente de détruire la première.

        Pourquoi le sceptique peut-il exister en tout temps ? La lumière de l'intelligence de l'homme est telle, que les démonstrations des dogmatiques peuvent être fausses. Le scepticisme vit sur la difficulté qu'a l'homme à trouver la vérité. Plus la matière s'éloigne des phénomènes, plus la vérité est difficile à trouver, plus le scepticisme peut croître. Vous l'aurez donc compris, le scepticisme trouve son meilleur terreau en métaphysique. Les sceptiques de tout temps prolifèrent car les dogmatiques avaient promu dogmes des vérités qui n'en étaient pas.

        Le combat contre les sceptiques est difficile, car leur doute n'est pas sans fondement. L'homme est-il capable de vérité ? Quelle que soit la discipline, il semble bien que les théories ne cessent de se répondre car elles s'avèrent toutes en partie fausses, donc sujettes à une juste critique. L'historien le constate, le scientifique qu'il soit médecin ou physicien aussi. A sa sortie, une théorie est toujours présentée comme la panacée ; après des années d'examen, elle s'effondre toujours en partie.

        Une des limites de notre faculté à trouver la vérité, se trouve dans l'opération que le moderne tient en la plus haute estime : le raisonnement. Raisonner nécessite toujours de diviser, séparer, de considérer successivement un même objet sous divers points de vue ; une opération qui force la réalité, la défigure.

        Nous n'avons pas connaissance de l'objet même ; nous nous en faisons une conception, qui n'est jamais qu'une image produite en notre intelligence de l'objet donné, une copie par rapport au modèle qui ne saisit qu'en partie le modèle. Nous connaissons l'être de l'objet par la médiation de la pensée, si vous préférez. Par exemple, AF90 a une conception donnée du pyrrhonisme, qui pour partie s'identifie au phénomène : les pyrrhoniens.

        Si je m'improvise théologien, j'explique que Dieu ne connaît pas par le raisonnement, mais par l'intuition, qu'il saisit d'un seul coup un phénomène dans son ensemble. J'explique aussi qu'en tant que fondement de l'être, la connaissance en lui s'identifie pleinement à l'être des objets, qu'il connaît avec certitude, sans erreur, pour cette raison. C'est au moins utile pour percevoir les limites de l'homme en matière de connaissance.

        2- Qu'est-ce qu'une opinion ? Un jugement établi sur sa propre expérience, un moyen terme entre le savoir et l'ignorance. Croire se rapporte à l'opinion. Quand on sait une chose, on peut la démontrer ; quand on croit, on ne peut que la professer. Le moderne s'estime supérieur à ce qu'il appelle le « croyant » tout en n'étant pas plus capable de démontrer les opinions qu'il professe. En cela, il pêche par orgueil, simplement.

        Il y a équivoque même aujourd'hui sur le terme de conviction : parle-t-on d'une opinion renforcée par le sentiment, ou d'une certitude établie en matière de connaissance ? Même si elle s'avère certitude, elle ne l'est pour tel homme, que s'il est capable d'en fournir la démonstration. Le croyant aujourd'hui est présenté comme un imbécile, et reçu comme tel par la plupart des gens, alors qu'ils ne sont capables que de professer une opinion contraire.

        En vérité, la foi est un phénomène très mal compris des modernes : placer sa confiance en Dieu, lui être fidèle. Ils ne comprennent pas qu'ils placent juste leur confiance en une autorité différente, la plupart du temps les opinions professées par les hommes de leur temps : l'orthodoxie présente, qui est athée, matérialiste, et non plus chrétienne. Ils ne comprennent pas que la somme des vérités qu'ils reçoivent pour vraies, sont en grande majorité plus des objets d'opinion en eux, que des certitudes établies par la connaissance. L'homme croit toujours plus de choses, qu'il n'en sait.

        L'opinion est un phénomène prépondérant dans une cité : qu'est-ce qui est orthodoxe ou opinion droite ? Qu'est-ce qui est hétérodoxe ? Comment seront traitées les idées hétérodoxes ? Les termes « théorie du complot », « obscurantisme »... ne sont jamais que des anathèmes modernes : désigner un tel comme imbécile, sans même la plupart du temps se donner la peine de le démontrer. L'on pourrait objecter assez justement que parmi les hétérodoxes, il y a une grande majorité de drôles, de fantaisistes. Figurez-vous que l'Eglise observait la même chose avec les hérétiques.

        Je ne souscris pas à la dichotomie Aristotélicienne entre substance et accident. J'ai peut être matière à apprendre sur ce point, et je compte un peu sur vous pour m'y aider. Mais je ne lui trouve que peu d'intérêt sur ce point. Elle n'existe que dans le degré d'imprécision que l'on s'autorise en énonçant ces deux propositions : "Sartre est un homme", et "Sartre est un homme aux instincts malades". Ou tout autre qualificatif que nous choisirions afin d'affiner notre description.

        La dichotomie est être et accident dans la substance. Elle existe déjà dans Sartre est un homme : car en tant que sujet ou substance première quelle est la qualité qui le fait homme, qui fait sa nature d'homme. Qu'est-ce que l'homme ? La réponse sera la quiddité. Qu'est-ce qui dans un homme, ne le fait pas homme, mais existe toujours ? Les propriétés par soi. Qu'est-ce qui est particulier à cet homme en tant qu'individu ?

        Là encore, je ne vois pas l'intérêt de séparer l'accident de la substance. Mais pourquoi pas. Le dénominateur commun à toutes les femmes résumant leur substance, et les accidents déclinant les individualités.

        On ne sépare pas l'accident de la substance : il est le non-être dans la substance. La substance est le fondement de l'accident. Il s'agit de pouvoir dissocier l'être du non-être, afin de bien définir une chose. Si vous ne faites pas ce travail, votre définition tentera d'embrasser l'ensemble du phénomène comme réalité : plutôt que de définir l'essence, vous définissez l'ensemble du sujet ou substance. Vous ne discernez alors plus l'essence, des propriétés, et des particularités du sujet en tant que sujet. Vous produisez alors de très mauvaises définitions, qui en plus s’avéreront très difficiles à utiliser dans le raisonnement, car à vouloir tout définir avec précision, vous risquez de vous perdre dans l'analyse, d'aller vers l'infini.

        Ce n'est pas mon propos. Je dis : Sartre est déterminé comme tout un chacun, et l'est y compris lorsqu'il croit ne pas l'être. En revanche, il réprouve cet état de fait. Il n'y a pas deux propositions antagonistes dans cette position. Sinon à supposer que les décisions, que l'on supposera comme l'expression du libre arbitre aux fins de notre discussion, ne sont le produit d'aucun calcul, et d'aucune nécessité, comme vous l'avez justement souligné. En apparthée, c'est d'ailleurs un problème lorsque l'on considère l'intelligence. Si l'on convient qu'elle consiste à considérer tous les paramètres pour prendre la décision la plus conforme aux intérêts de celui qui l'exerce, elle serait antagoniste au libre arbitre, mais passons. Sur cette question de libre arbitre, je suis un partisan de l'âne de Buridan

        1- Pour répondre, il faut étudier les choix possibles de l'homme face à une situation donnée. Les partisans de la nécessité ne font jamais qu'expliquer qu'en puissance, il n'y aurait qu'un choix donné pour un homme, car comme le dit Schopenhauer, de l'être suit l'action. Cet homme est d'un tel tempérament, donc il choisit ceci. Il n'y a alors pas de libre-arbitre, car ses actes sont le produit de ce qu'il est. Au contraire, les partisans du libre – arbitre de la volonté expliquent que tous les choix sont possibles, que l'homme est tabula rasa, se fait par ses choix.

        Qu'es-ce que le libre-arbitre ? Il faudrait déjà utiliser l'expression complète de Saint Augustin, qui je pense éclairera le lecteur : « libre-arbitre de la volonté ». Le libre-arbitre est la volonté en tant qu'elle opère un choix. Qu'est-ce que la volonté ? La faculté en l'âme de choisir le bien, plus exactement ce que l'on pense être un bien. Sans libre – arbitre, il est donc difficile de parler de volonté.

        La question devient plus épineuse si l'on considère les autres animaux. L'animal peut-il délibérer quant à la poursuite d'un objet comme l'homme ? Le calcul ou estimation des moyens par rapport à un but est-il manifestation de la volonté ? L'animal poursuit-il une proie plutôt qu'une autre ? Poursuit-il l'animal en question parce qu'il se le figure comme un bien, ou est-il mû par ce que vous appelez l'instinct ?

        Les équivoques quant à la définition de la volonté procèdent de la différence, ou de l'absence de différence que l'on établit entre l'homme et les autres animaux, selon le parti que l'on choisit. En général, plus on nie le libre – arbitre de l'homme, plus on se le représente comme un autre animal. Notez bien que c'est plus fréquent que l'erreur contraire : attribuer le libre – arbitre aux animaux.

        Restons-en au choix pour le moment. Observons un Saint Augustin qui de débauché par exemple devient saint, qui donc change totalement. Si l'homme était totalement déterminé par son tempérament, cela n'aurait pas été possible. On ne peut pas faire face à des situations analogues, des choix totalement opposés, si l'on est pleinement déterminé. Saint Augustin change de conduite, il ne change pas d'être. Il change de doctrine philosophique ou religieuse.

        Face aux mêmes désirs, il délibère désormais différemment, donc agit différemment. La soumission qu'il s'impose à l'éthique chrétienne, est soumission de cette volonté qui reconnaît un bien possible en un objet, à l'intelligence qui examine ce bien afin de déterminer s'il est vraiment bien. On voit ainsi que lorsque l'on parle de liberté face à l'action, cela suppose non seulement d'examiner la volonté, mais aussi l'intelligence.

        2- « De l'être suit l'action » dites vous si je résume. Certes, mais le caractère est-il être ou non-être dans l'homme en tant que substance ? Son caractère est-il accidentel ou essentiel ? En tant qu'accident est-il effet de la forme, ou effet de la matière à laquelle s'applique la forme ? Je vous accorde que l'homme en tant qu'être se meut dans les limites de sa condition : il agit en tant qu'homme. Cela n'implique pas que son caractère est destin, car son caractère ne le fait pas homme, mais individu ou sujet.

        En toute honnêteté, je ne le pense pas. Ce qui est spontané se constate, ne se prouve pas. Il y a d'ailleurs une grande unité sur les constats que peuvent faire les différents courants de pensée sur nombre de sujets à priori clivant. Les membres du mouvement Black Lives Matter et les suprématistes blancs se rejoignent sur nombre de leurs postulats, mais les uns les réprouvent tandis que les autres s'en félicitent.
        Plus simplement, la gravité est constatée sans qu'il soit besoin de la prouver.
        Le pourquoi est la question suivante en effet, mais pas la constatation première. Et elle conduit irrémédiablement à la causa sui et à l'incommensurable, ce que je tiens pour être les deux caractéristiques du divin.

        Si l'on ne peut trouver la cause d'un principe, puisqu'il est première cause, on peut au moins en apprécier la validité, en considérant ses supposés effets : expliquer que tel phénomène en est la conséquence, donc le suppose. C'est ce que tente de faire Saint Thomas d' Aquin par les cinq voies, qui remontent à Dieu comme première cause.

        Partons de la réalité, notre monde. Qu'est-il ? On observe qu'il y a diversité des phénomènes, des êtres ; mais qu'il y a aussi des lois qui s'appliquent à l'ensemble des êtres, des phénomènes. Le monde est univers : uni par des lois, vers un but donné, mais présente l'apparence de la diversité. Le monde est cosmos, ordonné.

        Que suppose cet ordre ? Comme vous dites, pourquoi est-il ordonné ? Est-il un être premier, trouve-t-il sa cause en lui-même ? Est-il animal, âme dans un corps, matière formée, la Nature si vous préférez ? Ou, le principe de l'univers se trouve-t-il hors de la matière ? Le monde est-il simple création ordonnée par un législateur ? Est-il alors en plus conservé par ce même législateur ? Je réduis la question, aux deux seules possibilités intéressantes selon moi : Dieu est-il le monde, ou à l'origine du monde ?

        Ce sont des questions métaphysiques, pas physiques, qui en appellent d'autres, pas vraiment plus faciles ; par exemple, qu'est-ce que la matière ? Un principe peut-il se trouver dans la matière ? Est-il nécessaire de postuler l'absolu, l'éternité, l'immuable, l'infini ? Sont-ce des notions conciliables avec la matière ?

        Je laisse ces questions à plus savant que moi. Heureusement, pour vous répondre, il suffit d'expliquer qu'un ordre spontané, c'est postuler l'absurde. Vous postulez en bon matérialiste, que le monde n'a pas besoin de principe pour être ordonné : l'ordre serait le principe même. Le monde serait unité derrière la diversité, harmonie, par ses lois, librement : que non seulement ce miracle s'est opéré un jour, mais qu'il perdure. Dans votre théorie, la notion de chaos n'existe pas : il y a ordre miraculeusement. Comment même peut-on parler d'un ordre qui se produit librement, sans contrainte ? Que faut-il entendre par librement ? C'est semblable à la théorie du marché des libéraux.

        Le hasard est une commodité de langage pour exprimer l'incommensurabilité de la foultitude de facteurs impliqués dans la création telle qu'elle se présente à nous. Il en résulte qu'elle n'aurait pu être autrement au contraire, ou alors que les variations infimes nécessaires à l'altérer nous sont à ce point incompréhensibles qu'en autant que notre entendement est concerné, le résultat est identique. J'avais coutume de dire que "dieu se cachait derrière le mur de Planck", ce qui faisait beaucoup râler Haaaa.

        1- L'absurde continue. L'univers est le fruit d'un concours de circonstances – un hasard-, qui implique une infinité de facteurs, donc d'autant moins probable et possible, et qui crée un ordre. L'ordre n'est donc plus principe comme dans le paragraphe précédent. Une fois la machine créée, elle ne peut fonctionner que d'une façon donnée, donc l'ordre perdure nécessairement. Voilà comment vous répondez aux questions précédentes.

        Ajoutons qu'il s'agit d'une négation même de l'idée de substance, entendue comme principe et cause de l'être, de son unité, de sa pérennité : le monde n'est même plus substance. C'est une négation en bon philosophe matérialiste de toute la métaphysique.

        2- Qu'est-ce que la métaphysique ? La science des premiers principes, de l'être particulièrement. Qu'est-ce que la physique ? La connaissance de la nature, du monde si vous préférez, de ses phénomènes. La première science étudie les principes qui président aux phénomènes, la seconde les phénomènes même. Les deux « sciences » sont donc évidemment complémentaires.

        Tout scientifique, homme qui aujourd'hui étudie la « physique » - au sens large-, est obligé d'admettre des définitions données, des postulats comme base de son raisonnement. Peut-on faire une classification sans la notion d'espèce ? Peut – on s'improviser physicien sans porter une conception du temps, de l'espace, du vide... ? Le scientifique peut éviter la question métaphysique, car elle ne relève pas de son objet d'étude ; mais doit quand même admettre qu'elle la suppose. Il ne doit pas nier l'unité de la connaissance.

        Je le mets en garde contre un danger : défendre des conceptions philosophiques sous le masque du physicien ou du biologiste, mésuser de l'autorité acquise par la « science » sur les modernes. S'il veut le faire, qu'il change de casquette, qu'il explique que même physicien ou biologiste, il parle alors en philosophe qui est grand connaisseur des phénomènes naturels par les études qu'il s'est imposé toute sa vie.

        C'est vrai. Je tiens l'intelligence pour une expression articulée, enrichie des mécaniques syntaxiques du langage, des pulsions instinctives qui nous meuvent. L'évidence est une contre-mesure efficace contre la décadence. Je prône volontiers le constat plutôt que le décret. L'individu se prémunit ainsi contre les dérives des théories du genre et autres purulences d'instincts malades.

        1- Comme vous ne séparez pas l'être de l'accident, vous ne pouvez exprimer la quiddité d'un objet. Vous tenez alors les noms pour de simples étiquettes, puis vous jargonnez. Vos définitions non seulement n'expriment pas pour partie la réalité du phénomène ; mais en plus elles sont proprement inutilisables si l'on veut raisonner. Comment peut-on prendre comme postulat votre définition du hasard ou de l'intelligence ? Mes définitions simples sont certainement limitées, sujettes à la critique, mais elles ont le mérite d'être claires.

        2- Qu'est-ce que l'intelligence ? La faculté en l'âme qui permet de discerner le vrai du faux. Vous pensez avoir trouvé un critère valide dans l'évidence, parce que vous ne le définissez pas. Qu'est-ce que l'évidence ? Ce qui se voit. Vous confondez donc réalité et vérité ; vous pensez que le monde est vérité, comme si cette dernière se trouvait dans les choses : les phénomènes, les événements... Un peu comme lorsque vous parliez des « vérités viscérales ».

        Qui voit ? L'homme. Vous oubliez que si l'homme perçoit la réalité par les sens, il faut encore qu'il l'interprète justement au moyen de son intelligence ; et que s'il l'interprète, il peut le faire plus ou moins bien. Les sens perçoivent la réalité : ce sont des impressions propres à l'individu. L'intelligence interprète en comprenant l'essence : elle s'élève ainsi à l'universel, donc ce qui n'est pas propre à vous ou à moi. L'animal aussi perçoit ; peut estimer un but, le poursuivre ; mais seul l'homme peut spéculer : les animaux voient les triangles, mais seul l'homme comprend l'idée ou forme ou essence : la triangularité.

        Pourquoi l'homme peut-il comprendre la dite réalité ? Le chrétien dit qu'il est partie de ce monde en tant que réalité, en tant que tout. Il a été ordonné par le même créateur que le monde : la raison présente en lui s'identifie à celle présente dans le monde. Il a reçu les facultés dans la mesure donnée pour le comprendre, car Dieu a établi l'homme comme maître de la Création. Il ne suffit pas d'expliquer qu'il est être vivant, partie prenante du monde pour expliquer qu'il le comprenne : le chat aussi fait partie de la nature, peut-il la comprendre pour autant, spéculer à son sujet ?

        3- Vous nommez en fait évidence vos propres jugements. Les vérités ne sont pas acceptées de tous car elles sont évidentes. Elles le sont parce qu'elles font autorité : elles sont reçues comme vraies par le consensus des savants, elles ont le poids de l'opinion pour les ignorants, et elles sont enseignées. En un mot, elles sont orthodoxes, l'opinion droite.

        Les vérités dont nous parlons sont niées, parce qu'elles sont de nature à remettre en question l'opinion droite en matière philosophique ou politique. Il peut y avoir confrontation entre des vérités découvertes, et les opinions reçues pour droite, qui légitimement ne devraient être que des vérités.

        4- Comment un homme peut-il en arriver à fermer les yeux face à la réalité, à la nier ? Soit parce qu'il ne dispose pas du jugement suffisant pour comprendre qu'il s'agit de fausses idées ; soit parce qu'il aime tellement ces fausses idées, qu'elles altèrent son jugement, qu'il reconnaît ces idées, comme étant un bien, qu'elles soient vraies ou fausses. Dans le premier cas, l'erreur procède de l'intelligence ; dans le second elle procède de la volonté : l'homme qui ne sait pas soumettre sa volonté à son intelligence.

        Quel est maintenant le contexte, la situation dans laquelle l'homme en question vit ? Précisons : dans sa société donnée, quelle est l'orthodoxie ? Quelle est l'influence de cette dernière sur l'individu dont il est question ? N'est-ce pas de cette dernière que dépend en grande partie ce qu'il pense vrai, et bien ? Les idées qu'il aime ?

        J'affirme simplement ceci : l'orthodoxie en question peut tout autant être de nature à produire un homme sensé, qu'un homme insensé, selon si les idées en questions sont vraies ou fausses. Cependant, l'homme en tant qu'individu peut toujours refuser cette orthodoxie, à condition de disposer des qualités suffisantes : l'inné, caractère et intelligence ; mais aussi que ces facultés aient pu arriver à maturité : l'acquis, bonne éducation pour le caractère, bonne instruction pour l'intelligence. Il faut également qu'il soit prêt à payer le prix que ses opinions déviantes impliquent, que même s'il les reconnaît comme étant le bien, il l'assume, car il ne fait jamais bon être hétérodoxe : on risque au pire la persécution, au mieux le simple ostracisme, l'échec aussi. Je concilie encore destin et libre – arbitre de la volonté de l'homme.

        Les supériorités sont souvent conjoncturelles, mais ne nions pas l'évidence. L'être humain peut anéantir ce qui lui plaît sur un caprice, et a tout loisir de disposer de toute vie sur terre ou presque. Il prévaut sans ambiguïté.

        1- Pourquoi l'homme domine-t-il la terre ? Examinons les dires du chrétien, qui certes ne sont pas sans limites. Il répond par genèse 1.26 : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre ». Autrement dit, l'homme est à l'image de Dieu ; en conséquence, il est le maître ou roi de la Terre : qu'il doit la gouverner, si possible en bon monarque, non en tyran.

        L'homme prévaut parce qu'il est le plus intelligent, et en raison de sa faculté de choisir le bien, la volonté. Il ne se distingue des animaux que par les facultés qui en font l'image de Dieu : il a une condition mixte, image de Dieu par l'âme, animal par le corps. Ses facultés sont supérieures à celle de l'animal parce que son âme diffère de celle de l'animal. Son âme diffère de celle de l'animal car Dieu lui a prévu une condition différente : gouverner la terre implique la volonté et l'intelligence de l'homme, se retrouve dans sa condition d'homme.

        2- Si l'homme perd de vue la Providence de Dieu, son rôle dans la création, la juste expression de ses facultés, sa responsabilité dans ses actes… comment voulez-vous qu'il ne dégénère pas en tyran de la Création ? Nous avons déjà dit que l'intelligence se rapporte au vrai, la volonté au bien. Si l'homme perd de vue le vrai, et le bien, comment ne pourrait-il pas abuser de ses facultés ?

        Si le monde n'est plus que simple machine, pourquoi l'homme le respecterait-il ? Pourquoi alors ne pas en user, comme d'une simple matière, une simple ressource à exploiter ? Si l'homme n'est plus qu'un animal, simple égal des grands mammifères, pourquoi aurait-il une responsabilité morale ? N'est-il pas qu'une simple espèce parmi les autres ? Pourquoi son intelligence devrait aboutir à plus qu'au simple calcul, à la simple estimation des moyens par rapport à une fin, quelle qu'elle soit ? Pourquoi devrait-il vouloir le bien ? Pas simplement la satisfaction de ses désirs ou appétits ? Nous sommes destructeurs parce que nous sommes matérialistes.

        Mais nous disposons de notre puissance actuelle également parce que nous sommes matérialistes : nous disposons de cet avantage, le développement ou progrès technique, parce que nous n'avons plus de limites, car tout n'est plus que matière, que ressource, que gisement d'un côté ; et que de l'autre, en l'absence de Providence de Dieu, qu'il soit hors de la matière ou en la matière, de doctrine du salut, la responsabilité n'existe plus, donc tout est permis.

        Prenons l'exemple de la médecine. On progresse en considérant le corps comme simple matériau, gisement, tas de chair et d'os à restaurer, découper. Considérez tous les progrès qui sont devenus accessibles pour cette raison pendant le dernier siècle : ce que l'on pouvait soigner il y a un siècle, ce que l'on peut soigner aujourd'hui.

        Seulement, nous en payons aussi la facture. Comment concilier de telles pratiques avec la « dignité de l'homme » ? N'est-elle plus qu'une simple formule vide de sens ? Comment même justifier un principe tel que l'indisponibilité du corps humain si l'on est matérialiste ? Il n'est pas surprenant donc que dans le même temps, nous pratiquions l'eugénisme, nous utilisions les embryons comme matière, nous sommes en passes d'accepter PMA, GPA, et autres horreurs. La légalisation de l'avortement de masse est-elle possible si l'on pense que l'embryon a une âme ? Si au contraire l'on pense qu'il est simple matière, dont n'a pas encore émergé la conscience ?

        Je conclus. L'on ne peut pas être matérialiste, et regretter ses conséquences logiques. Mais je nuance : le matérialisme a ses avantages, disons notre condition actuelle d'occidental si l'on résume.

        3- Vous reprochez aux progressistes dans vos posts précédents de commettre le mal : agir à leur guise indépendamment de l'ordre naturel conçu comme le bien, tout en raisonnant parfois en matérialiste, donc par-delà bien et mal, car le bien même ainsi défini reste une notion métaphysique. Vous voulez des règles, tout en détruisant les fondements de ces règles. Voyez - vous, devenir plus intelligent quant aux sciences de la matière, est parfaitement conciliable avec le fait de devenir complètement stupide dès lors que l'on s'éloigne de leur objet.

        A-t-on véritablement progressé en métaphysique, dans les sciences de l'homme, et de la cité ? Ou admet-on que l'on a progressé de facto, parce que l'on pense le Progrès uniforme, plutôt que de penser un ou des progrès ? Certaines de nos sciences n'usurpent-elles pas le prestige acquis par les progrès des autres ? Ne passe-t-on pas à côté de régressions dès lors que le progrès n'est conçu que comme développement technique, ou simple accroissement de richesse, l'un étant lié à l'autre, de toute façon ? Quel est par exemple l'état de notre cité ? Que dire de l'homme moderne ? Je ne développe pas plus : c'est mon sujet habituel.

        4- L'homme peut-il détruire l'univers ? Non. L'homme peut-il détruire son monde ? Non plus. Il peut, en bon tyran, plutôt qu'en bon monarque, le rendre invivable. Il peut l'altérer : soit que l'on entend simplement par-là le transformer en une immense décharge, soit que l'on pense qu'il peut le rendre en partie chaotique. Quelle est la puissance exacte de l'homme en tant que maître ou tyran de la Création ?

        C'est d'ailleurs une grande contradiction des modernes : l'homme est à la fois minuscule, l'égal du chat face au grand tout ; mais en même temps très grand parce qu'il peut provoquer l'Armageddon. Il me semble que les modernes ne parviennent plus à répondre de manière satisfaisante aux questions suivantes : qu'est-ce que l'homme relativement au monde ? Quelle est la condition de l'homme ? Que peut-il en conséquence ? Comment doit-il agir en conséquence ? Voilà ce que j'affirme : même si l'homme se fait tyran plutôt que monarque, il se meut toujours dans les limites de sa condition. Il n'échappe pas au cercle que Dieu lui a tracé.

        Vous ne voyez pas plus la force physique que la volonté. Vous en constatez les effets. En outre, la volonté, sur un plan philosophique, n'implique pas nécessairement le choix. Ce serait l'assimiler à la notion de libre arbitre, très discutable selon moi. J'évoquais, dans mes précédents messages, les notions de conatus, et de volonté de puissance, précisément car elles renvoient bien à la notion de volonté sans jamais évoquer le choix. Supposer que le choix est illusion tout en affirmant la primauté de la volonté, de la capacité à "persévérer dans son être" n'est pas antagonique. Je pense que vous utilisez à tort la définition vulgaire de la volonté, de cette notion éthérée et arbitraire, qui est déjà le stigmate sémantique d'une conception désincarnée de l'entendement humain. Une sorte de "vouloir" indépendant de la causalité, dont on ne sait trop ce qui l'anime.

        1- Vous confondez volonté, et désir : le mouvement de l'âme vers un objet qui l'attire. Il faut encore reconnaître cet objet comme étant un bien, par la soumission de la volonté à l'intelligence, car je peux me figurer un bien qui ne l'est en fait pas, ce qui n'empêche que je le souhaitais car je l'imaginais comme un bien.

        On ne sait trop si vous acceptez encore les idées de vrai et de bien, ou s'il s'agit d'illusions ? Ou si le bien sera alors la simple satisfaction du désir ? Ce serait encore envisager la volonté comme se rapportant à un bien, même si vicié ! Quelle sera alors l'opération de l'intelligence ? J'imagine, le simple calcul : le moyen pour parvenir à la fin ?

        Vous réduisez aussi l'homme à un désir particulier, celui de puissance : expliquez-nous donc ce que sont les libido sentiendi et libido sciendi ? En quoi sont-elles des déclinaisons du désir de puissance ? Comment expliquez – vous d'ailleurs la capacité de résister au désir ? Reconnaître donc que ce qui semble un bien, n'en est en fait pas un ?

        Vous parlez enfin de "persévérer dans être". Si l'on considère que l'être de l'homme est moral, par ce qui le fait homme : la possibilité de spéculer, et que ses facultés : en premier lieu volonté et intelligence s'y rapportent, l'éthique ne sera jamais que l'art de persévérer dans son être, d'observer le bien ; et l'homme qui observera l'éthique, qu'il faut encore déterminer, sera celui qui se comporte dignement. Il faut alors expliquer pourquoi l'homme peut mal agir, par sa condition particulière, double comme dit précédemment : la raison contre les passions, comme symptôme de la désunion en l'homme si l'on reste philosophe ; résultat du péché originel si l'on se fait théologien.

        Pourquoi l'éthique existe comme art, selon vous ? Comment l'homme peut-il commettre le mal selon vous ? L'homme a-t-il une responsabilité ? Si oui, quel fondement ? S'il s'agit de son être, doit-il assumer ce à quoi il ne concourt pas ? L'animal et la machine ont-ils alors une responsabilité ? Puis-je poursuivre en justice le chat de mon voisin s'il se soulage dans mon jardin par exemple ?

        2- En niant l'âme, il ne reste plus au matérialiste soit qu'à tout attribuer au corps, soit qu'à créer un ersatz de l'âme. Il est tenté de faire de la conscience le réceptacle de la volonté, par exemple. Emerge-t-elle de la matière en fonction de la disposition de la matière, de sa complexité, de son agencement ? C'est une émanation alors ? Comment peut-elle être le siège, ou participer des dites facultés ?

        Les modernes ont leur propre révélation. Je ne crois pas leurs mécaniques différentes. Vous parlez de définir sans se référer à la réalité. Je parle de décréter sans constater, mais nous nous rejoignons sur le fond.
        Et vous n'allez pas trop loin. J'abhorre toutes les timidités de la pensée de toute façon, et je vous lis avec un grand plaisir.
        Merci sincèrement pour cet échange.
        Je n'ai guère plus de temps pour vous répondre, et il y a tellement de choses à dire, mais j'espère que nous pourrons poursuivre prochainement.

        Les questions dont nous traitons sont difficiles à éclairer en totalité ; elles sont pour partie mystérieuses, et il est fort probable qu'elles le resteront ; elles ne sont en aucun cas évidentes. Nous y répondons différemment : je le conçois. Mes réponses sont pour partie mystérieuses, je le conçois aussi.

        En vérité, pour cette raison, toute discussion philosophique commence ou aboutit à une logomachie, et bien souvent ne peut même dépasser ce stade. En l'occurrence : qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce que le monde ou premier Etre, ou Dieu ? Qu'est-ce que l'homme ? Qu'est-ce que l'âme s'il a une âme ? Quelles sont alors ses facultés ? Qu'est ce que l'intelligence ? La volonté ? La conscience si l'on préfère cette idée à l'âme ?

        Mon but n'a jamais été la polémique, la guerre illimitée dans la discussion. J'espère ne pas vous avoir heurté par mes réponses : il est parfois difficile d'être sans concession, tout en restant courtois.

          af90 Tout scientifique, homme qui aujourd'hui étudie la « physique » - au sens large-, est obligé d'admettre des définitions données, des postulats comme base de son raisonnement. Peut-on faire une classification sans la notion d'espèce ? Peut – on s'improviser physicien sans porter une conception du temps, de l'espace, du vide... ? Le scientifique peut éviter la question métaphysique, car elle ne relève pas de son objet d'étude ; mais doit quand même admettre qu'elle la suppose. Il ne doit pas nier l'unité de la connaissance.

          Les théories scientifiques reposent sur des présupposés dont on peut déduire des conséquences, par le moyen des mathématiques, reposant elles-même sur la logique, dans le cas des sciences dites exactes, je préfèrerais le terme de sciences mathématisées. Elles doivent être capable de de faire des prédictions vérifiables, relatives à de futures expériences ou observation. C'est le critère de réfutabilité de Karl Popper. Si une théorie fait des prédictions fausses, elle doit être rejetée, et avec elle tout ou partie de ses présupposés. Une théorie scientifique n'est donc valide que jusqu'à preuve du contraire. pour revenir à ce qui était dit au début de votre message, le doute, pour un scientifique, ne disparait jamais totalement pour un scientifique. Le doute doit être raisonnable et on doute très peu de théories éprouvées qui ont été maintes fois corroborées.
          Même des présupposés qui semble intangibles peuvent être remis en cause, comme ce fut le cas pour le temps et l'espace avec les théories de la relativité.
          Resteraient comme présupposés intangibles ceux des mathématiques et de la logique, mais même les systèmes logiques et les théories mathématiques peuvent être réfutés, le critère de validité étant l'absence de contradictions internes : les mathématiques d'aujourd'hui reposent principalement sur la logique de Gottlob Frege et la théorie des ensembles de Georg Cantor.
          Comme l'a clairement expliqué Bertrand Russel elles conduisaient à des auto-contradiction et ont du être réparées. Jusqu'à présent, elles tiennent la route.

          Les vérités absolues n'ont pas leur place en sciences.

          Je reviendrai à l'occasion sur la notion d'espèces en sciences du vivant.

          1- Les mathématiques ont pour vocation de remplacer la métaphysique ? La question de l'être, - et de l'existence si l'on parle d'une abstraction- comme fondement de tout phénomène ? Il ne me semble pas que ce soit l'usage que l'on en fait.

          2- Comment interpréter ou qualifier le phénomène observé, sachant que les connaissances requises ne sont pas forcément seulement "physiques" - sens large, le même que dans mon précédent post- ? Les chimpanzés ne feraient-ils pas désormais de la politique ? Mais qu'est-ce donc que la politique ? S'il s'agit simplement d'intriguer ou de se réconcilier, on peut sans doute l'affirmer. S'il s'agit de l'art - la discipline si vous préférez ou "science" - qui étudie comment assurer la pérennité de la cité, à commencer par comment l'organiser, on peut en douter. J'imagine que l'on nous dira pourtant que c'est scientifiquement établi. Dans l'exemple donné, l'usage du raisonnement par analogie entre le naturel et l'artificiel, dont je ne conteste pas la pertinence, introduit cette difficulté.

          Pour toute théorie, il faudrait en fait examiner les jugements qui découlent de ce que le savant pense savoir, et ceux qui découlent de ce qu'il croit : de la science qu'il a acquise ; et de l'opinion qu'il reçoit comme vraie. Parmi cette science ou connaissance, ce qui est effectivement vrai, ce qui ne l'est pas ; parmi ce qu'il croit, même travail, ce qui est effectivement opinion vraie, ce qui ne l'est pas.

          Vous parlez du doute qui doit rester raisonnable. J'imagine qu'il est donc établi qu'il serait assez peu raisonnable alors de réfuter les théories qui sont réputées valides : qu'elles sont donc de facto dogmes, et que je serai alors conséquemment accusé de scepticisme, si j'applique cette idée.

          Vous oubliez que je fonde également le doute des sceptiques sur la vérité suivante : toute doctrine, même la mienne, même lorsque cohérente, est toujours en partie fausse ; en plus d'avoir disons ses avantages et ses inconvénients. On pourrait affirmer qu'AF90 est homme infecté par le scepticisme qui combat le scepticisme, tandis que les modernes, qu'il combat aussi, aiment se présenter en sceptiques, alors qu'ils sont en certaines matières des dogmatiques.

          3- Qu'est-ce que la logique ? Il s'agit de l'art qui permet de bien raisonner : que le raisonnement soit cohérent. Mais, si effectivement tout raisonnement incohérent est faux, il n'en résulte pas forcément que tout raisonnement cohérent est vrai. En l'espèce, vous semblez confondre un moyen possible pour parvenir à la vérité - la logique comme instrument - et la fin, la vérité elle-même.

          Si je parle du catholicisme, par exemple, que j'en observe la cohérence : les conclusions par rapport aux principes posés, il sera cohérent, disons en grande partie : l’œuvre des conciles a été justement d'en arriver à ce résultat. Est-il pour autant vrai pour cette partie ? Vous me répondrez que non, en partant d'autres principes qui vous semblent plus vrais. C'est tout à fait possible.

          @ultravires @af90
          J'ai procédé à un excision chirurgicale de votre hors-sujet.
          J'espère que le nouveau titre vous plait.
          Dorénavant, veuillez discuter de ce genre de choses ici.

            cheshire-cat a renommé le titre en Ontologie, métaphysique, religion. le .
            • [supprimé]

            • Modifié

            af90 le bon doute existe avant examen du sujet, permet d'en arriver à la connaissance vraie ; le mauvais doute intervient une fois que l'on a examiné, que l'on pense avoir trouvé la vérité. Le bon doute est sain car il permet de produire; le mauvais est malsain car il conduit à la destruction.

            Bof ... Le doute est toujours sain, tant qu'il ne devient pas paralysant.

            Cette question est relative à la connaissance humaine en général : le moderne pense qu'elle est établie sur des certitudes ; l'ancien pense qu'elle est établie sur des mystères. Si elle est effectivement établie sur des mystères, que l'on a conscience de ce fait, et que l'on admet comme seul moyen d'y parvenir la raison naturelle, ne finit-on pas forcément sceptique ?

            8 mois plus tard

            af90 Si l'on prend par exemple la notion d'espèce. Quelle est la conception de l'espèce des scientifiques ? Quelle est celle qui est sous-jacente lorsque nous développons toute la philosophie des droits de l'homme ? Si je suis scientifique, c'est-à-dire que je m'en remets à la définition des biologistes, ne dois-je pas conclure qu'elle a disons quelques siècles de retard ?

            Je vous réponds ici, puisque cette question a y été abordée plus tôt.

            Je chercherai à décrire le mieux possible les idées communes en sciences du vivant, ma façon de les exprimer ayant une couleur mathématique du fait de ma formation.
            Je considèrerait des êtres vivants qu'on peut considérer comme des individus, et qui peuvent se reproduire par voie sexuée., ce qui peut être discutable pour des êtres se reproduisant par voie végétative par exemple, ou des bactéries, trop de généralité n'est pas souhaitable.

            Je vais cette fois si partir du haut, quelle propriétés attend-t-on d'un classement en espèces ?
            Un individu doit appartenir à une espèce et une seule, c'est à dire que tout individu appartient à une espèce, et deux espèces différentes n'ont pas d'individus commun.

            D'un point de vue mathématique, l'ensemble des espèces constitue donc une partition de l'ensemble des individus.
            Une partition se définit naturellement par une relation d'équivalence, pour les espèces vivantes, on utilise l'interfécondité, deux individus sont interféconds si ils peuvent avoir une descendance fertile commune.
            La relation d'interfécondité doit être une relation d'équivalence : réflexive, tout individu est interfécond avec lui même ; symétrique, si a est interfécond avec b, b est interfécond avec a ; et transitive, si a est interfécond avec b et b avec c, alors a est interfécond avec c. Ainsi un individu est interfécond avec les membres de son espèce, et seulement avec ceux-là.

            La notion d'espèces ainsi définie semble non-ambiguë, pourtant des problèmes peuvent se poser.
            Je considèrerait le genre canis qui comprend notamment les loups, les coyotes les chacals, auxquels ont peut ajouter les chiens lesquels constituent sans aucun doute autant d'espèces pour le naturalistes.
            Or ils sont interféconds entre eux, et constituent de ce point de vue une seule espèce du point de vue biologique.
            En fait, ils peuvent se reproduire dans des zoos mais cela ne se produit quasiment pas dans la nature, il faudrait toujours préciser les sens des mots "pouvoir", "possible" etc quand on les utilise.

            Malgré ses limites la notion d'espèces reste universellement utilisée.

            Pour les êtres vivants se reproduisant de façon asexuée, on utilise la notion de clones, individus génétiquement identiques.

            Il faudrait ensuite passer à la classification des espèces, ou des clones, ce qui se fait dans le cadre de la théorie de l'évolution. Ce sera pour une autre fois.

            • gth a répondu à ça.

              af90
              En ce qui concerne la notion d'Homme à utiliser pour les droits de l'homme il n'y a pas d'ambiguïté, la définition par l'interfécondité marche bien, même s'il a pu coexister plusieurs espèces dans le genre homo dans la préhistoire, avec une situation comparable à celle du genre canis aujourd'hui

              • af90 a répondu à ça.

                En réalité, je vous pose la dernière question, parce que je savais déjà ce que vous alliez répondre à la première question. Je me souviens l'avoir lu chez Huxley, ancien, je sais. Vous ne m'en voudrez pas de m'en remettre à des auteurs qui vulgarisent, et qui ont voulu apporter leur contribution au débat philosophique : ce n'est pas vraiment mon objet d'étude habituel, et si je me trompe, je suis tout à fait disposé à le reconnaître

                J'étais curieux de connaître votre réponse à ma dernière question. Ceci dit, je ne vous presse pas pour répondre. J'admets tout à fait, que la prudence en matière de jugement est une habitude ou vertu à acquérir : mieux vaut ne pas répondre, que juger à l'emporte-pièce.

                cheshire-cat
                Je n'avais pas vu cette réponse. Je ne doute pas de l'espèce homme comme collection d'individus ou substances premières données, ni que vous pouvez lui attribuer des propriétés données.

                Je doute de la conformité entre votre réflexion précédente, et la définition dont on use pour admettre que l'homme a des droits naturels, à savoir l'homme établi comme animal raisonnable, et pour cette raison comme "créature" ou "être vivant" bien différent des autres, encore le sommet de la "création".

                Questions subséquentes : peut - on si l'on est athée ou agnostique, considérer la philosophie à l'origine des droits naturels ? Peut-on fonder les droits naturels de l'homme si l'on s'en tient aux seuls développements de la science actuelle ? J'avais débattu de la première question avec Worsley sur ce fil : https://forum-politique.org/d/142987-arracher-le-mouvement-lgbt-au-monopole-de-la-gauche/221

                  af90
                  Sur le fait de fonder les droits sur un "droit naturel", je n'ai pas de réponse et ai renoncé à en chercher, une position agnostique.
                  Le droit est pour moi un fait culturel, ainsi j'admets qu'on ne peut parler de droit pour les animaux (hors humains) qui sont des êtres de nature alors que l'homme est devenu homme en devenant un être de culture.
                  On doit cependant convenir qu'il est bon qu'il y ait un droit, et oser comparer les droits.

                  Je préfère la vieille distinction naturel - artificiel, qui permet d'éviter toute équivoque : artificiel ou fruit de l'art de l'homme, qui reste un être vivant donné. Lorsque j'affirme plus, je sais que je risque l'erreur. Je me pose souvent cette question : que doit dire le philosophe réaliste, aujourd'hui, sachant que je sais très bien à qui va ma sympathie, que cela m'incite à la bêtise ?

                  Si je dois employer le terme culturel, je préfère m'en tenir à une idée plus restrictive comme au XVIIIème : l'analogie entre l'homme et le champ, instruction et éducation dans la mesure où elles forment ou déforment un individu donné.