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Si je peux me permettre de corriger, je ne dirais pas qu'en prison, il y a majoritairement des prisonniers, mais majoritairement des innocents.
Et c'est toujours une joie de voir que les grands esprits se rencontrent, surtout quand c'est un peu inattendu : qui l'eût cru, vous rejoignez la pensée de Bertrand Blier. (Vous nous aviez confié que vous n'étiez pas trop cinoche, c'est pourquoi je parle de rencontre et non d'influence). Cette conjonction astrale d'intellects aussi divers est amusante...
Dans Buffet froid, il nous est expliqué pourquoi il y a surtout des innocents en prison : c'est parce qu'on évite d'y mettre des coupables, et en voici la raison : il ne faut pas arrêter les coupables, car ils sont beaucoup plus dangereux en prison qu'en liberté. En prison, ils contaminent les innocents.
Et dans Grosse Fatigue (sauf erreur), Michel Blanc se retrouve injustement mis en taule. Il se met à tambouriner contre la porte de la cellule en clamant son innocence et Gégé Depardieu, qui est dans la même cellule avec deux trois autres détenus, lui dit d'arrêter de gueuler, ça ne sert à rien. Nous sommes tous innocents, lui dit-il : tu vois, par exemple, le Dédé, c'est un innocent qui viole, le Bébert c'est un innocent qui fait des braquages, moi je suis un innocent qui tue, etc.
Et sur le fond, vous raison, qu'est-ce que c'est que cette mystique naïve, empreinte de pensée magique, du Procès, comme si cette formalité administrative était l'alpha et l'omega de la Vérité Judiciaire ? Ca prouve quoi, le procès ? Vous êtes donc parfaitement fondé à dire que ce n'est pas la prison qui change la nature de l'innocent : même condamné, il reste innocent, le mec.
Bon, plus sérieusement : je crois aussi que "présumé innocent" veut dire en droit des choses comme ce que vous mentionnez : tant qu'on n'a pas prouvé et condamné, on fait comme s'il était innocent et c'est aux accusateurs de démontrer le contraire et pas à lui de prouver qu'il est innocent. Cela a donc un sens juridique, mais ce qui se passe, c'est qu'on en use dans les média, dans les bistrots dans un autre sens, qui est pervers. Qui permet au politicard surpris la main dans le pot de confiture, qui en a encore plein la bouche, dont les vêtements sont maculés par la marmelade, de dire qu'il est innocent tant qu'il n'y aura pas eu procès, procès qui aura lieu dans trente ans.
Mais si nous prenons les mots dans leur sens obvie, le juge ne va pas se ridiculiser dans un procès s'il n'a rien dans son dossier, s'il n'a pas de fortes présomptions - et des présomptions de culpabilité, pas d'innocence - au minimum, des preuves le plus souvent, c'est-à-dire qu'il croit que le type est coupable. Et le procès est là pour authentifier cette croyance.