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Lire Jean Tulard, historien spécialiste de la période napoléonienne.
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bianchi51 Il était Nantais d'origine.
Sans doute la Bretagne avant la Révolution?
Paix-Haine Lire Jean Tulard, historien spécialiste de la période.
La bio faite par Zweig est vraiment poignante
Jean-Pierre
Sans doute.
Certainement. Je l'ai lu il y a bien longtemps et votre intervention me donne envie d'y revenir ! Je me souviens juste de la prouesse de Zweig : il rend humain un type qui est au premier abord une ordure de la pire espèce.
Pour plus de rigueur historique, le bouquin de Tulard mentionné par Paix-Haine sera plus sûr. Très solide et donnant toutes les garanties nécessaires. Zweig est un génie, mais dans le genre littéraire.
Ce qui fascine chez Fouché, c'est la façon dont il a réussi à se maintenir dans une période où personne n'a pu gérer quoi que ce soit, emporté par le tourbillon de l'Histoire. Par exemple comment il a réussi à ne pas se faire couper la tête sous la Terreur ou après Thermidor.
Robespierre détestait Fouché et lui aurait volontiers fait couper la tête. Il n'en a pas eu le loisir, c'est Fouché (et quelques autres) qui a eu la tête de Robespierre.
Ce que Robespierre reprochait à Fouché, c'était d'abord une conception politique, et même quasi philosophique. La pensée révolutionnaire de Robespierre avait des aspects religieux, que Fouché récusait entièrement. Son athéisme et sa position anti-chrétienne radicale et éradicatrice insupportaient Robespierre.
Plus important était la question de la Vendée. Fouché s'est montré comme un grand criminel de masse . Dès que Robespierre est arrivé au Comité de Salut Public, il a réclamé le retour immédiat de Fouché, Carrier et autres facteurs d'atrocités - atrocités qui furent attribuées à Robespierre, alors qu'il les a dénoncées et a imposé le rappel immédiat à Paris de ces révolutionnaires éradicateurs...
Son parcours sous l'Empire, sa vision de la Police, enfin toute sa carrière est quelque chose d'assez fascinant et époustouflant. Un beau sujet, assurément !
Courtial toujours au top. Respect pour votre merveilleuse réponse.
courtial Zweig est un génie, mais dans le genre littéraire.
J'en conviens.
Mais je n'ai jamais rien lu de plus explosif en sensations.
Comme dit par ailleurs à l'instigateur du sujet. J'ai mis Zweig en un, et Dostoievski en deux.
Preuve que j'ai pas lu grand chose au final, mais heureux des bouquins ouverts, quand même.
courtial Son parcours sous l'Empire, sa vision de la Police, enfin toute sa carrière est quelque chose d'assez fascinant et époustouflant. Un beau sujet, assurément !
Oui, difficile de causer Histoire, en omettant des personnages de ce genre.
Complètement d'accord pour le style de Zweig, il pourrait nous donner de la compassion pour le pire des hommes.
Je crois que le premier Zweig que j'ai lu, c'était "les très riches heures de l'humanité".
Mais quelle jouissance ce livre, pourtant horrible, à encenser des échecs cuisants...
Fouché, de Zweig, c'est un livre qu'on offre à quelqu'un qui n'a pas l'habitude d'ouvrir un livre.
Le résultat est stupéfiant "ah merci, merci de m'avoir donné ce livre, depuis j'ai acheté 15 bouquins de Zweig, je ne connaissais pas, honte à moi"
Jean Tulard, je n'ai pas lu.
Mais ce qui est plaisant avec Zweig, c'est ce talent narratif.
Je crois, de mémoire, en préambule à son Marie Stuart .. "je vous préviens, j'ai romancé un peu"
Question, faut il parler et lire l'allemand, pour comprendre du Zweig? ou la traduction est elle correcte?
Dans le cas d'un Kundera, c'est plus simple, il a appris le français et a repris toutes les traductions (il fut professeur à La Sorbonne, soit dit en passant)
Si vous aimez Zweig, que pensez vous d'un Arthur Schnitzler?
courtial Plus important était la question de la Vendée.
Me souviens d'en avoir discuté avec un lepéniste.
Il disait c'est la pire page de l'histoire de France.
A cette époque, on savait inventer des mots intelligents "populicide" lol.
Merci pour vos encouragements.
Pour ce que j'ai évoqué plus vite à la fin, la Police, l'apport de Fouché - sous l'Empire puis la Restauration (1), c'est surtout le rôle du renseignement.
On a parlé de sa politique de répression, le fait qu'il a rendu la Police plus efficace en se montrant très "large" sur les moyens, son utilisation de malfrats (comme Vidocq) comme associés, etc. Ce qui est vrai, c'est que les questions de crimes et délits relevant de la Justice (des contraventions à la loi) ne l'intéressaient pas. Cela, c'était de la "basse police". Ce qui l'intéressait véritablement, c'était la Haute Police. C'est-à-dire le renseignement. Il a compris avant beaucoup d'autre que le nerf de la guerre, c'était d'avoir les infos. Donc de mettre des mouchards, des espions, ce que nous appellerions des agents. Certes, il faut mettre des flicards au coin des rues pour rassurer la population, mais cela n'est pas à la hauteur de susciter un intérêt dans l'esprit d'un type comme Fouché, voyez ?
Ce qui l'intéresse, c'est d'avoir des hordes de mouchards, qui récoltent des infos, de rassembler toutes ces données, de ficher tout cela. Dans l'univers où il se meut, il s'intéresse naturellement aux infos qu'il peut avoir sur les puissants (les rois, les ministres, les chefs religieux etc.) de manière à avoir barre sur eux au cas où ils voudraient la ramener.
Jean-Pierre fait allusion (je crois) au film Le Souper, avec Claude Rich et Claude Brasseur, un beau huis clos entre Talleyrand et Fouché. Ces questions sont longuement abordées dans ce film, servi par deux brillants acteurs.
Pour ce que j'ai dit, la faculté incroyable de ses hommes à se maintenir parfaitement en place, alors que le Monde entier chavire autour d'eux, Talleyrand mérite la Palme d'or.
Mais je préfère Fouché.
(1) Encore une fois, les mecs qui ont pu vivre la Révolution, puis l'Empire, puis la Restauration monarchique (monarchie de Juillet) au pouvoir pendant tout ce temps-là sans se faire tuer ou mettre en cabane, il y en a pas des tonnes. Je n'en vois qu'un autre : Barrère.
courtial mais cela n'est pas à la hauteur de susciter un intérêt dans l'esprit d'un type comme Fouché, voyez ?
Aaah, donc je me trompais pas.
Gestapo Stasi, KGB (ou GPU) lui doivent beaucoup.
courtial (1) Encore une fois, les mecs qui ont pu vivre la Révolution, puis l'Empire, puis la Restauration monarchique (monarchie de Juillet) au pouvoir pendant tout ce temps-là sans se faire tuer ou mettre en cabane, il y en a pas des tonnes. Je n'en vois qu'un autre : Barère.
Ah bon? Et Archambaud de Talleyrand? vous en faites quoi?
Mort à 88 ans, rédacteur de la DDH, échappant par deux fois à guillotin. Découvreur de l'Amérique.
Je crois 53 ans de politique.
A cette époque là, c'est un record, non?
Jean-Pierre Question, faut il parler et lire l'allemand, pour comprendre du Zweig? ou la traduction est elle correcte?
Dans le cas d'un Kundera, c'est plus simple, il a appris le français et a repris toutes les traductions
On a des bonnes traductions de Zweig en français. Je n'ai personnellement lu en allemand que quelques passages de La confusion des sentiments. Rien à signaler, c'est du bon vieux hochdeutsch canal historique et il n'est pas trop impitoyable par exemple sur les subordonnées et autres emmerdes...
A l'époque où on me demandait sadiquement de traduire sur-le-champ (avec un dictionnaire unilingue...) un texte inconnu, je n'étais pas trop inquiet si c'était un texte de Zweig. Si en revanche, en découvrant le sujet, je lisais, en bas de la page "Thomas Mann", je commençais déjà à bien pleurer ma mère. Je voyais s'ouvrir un chemin de douleur et de malheur.
Et j'en chiais pendant des heures à essayer de comprendre comment Thomas Mann avait tourné sa phrase. Rien de tel avec Zweig. Si on a le vocabulaire, ça se lit bien en allemand, et un allemand qui est excellent ! Il n'a été attaqué sur son allemand et son style que par les nazis. Zweig était juif.
J'adore Zweig mais je préfère Thomas Mann. Masochisme, peut-être.
Kundera, c'est pour moi le grand écrivain, ce que vous reconnaissez aussi. Il est moins prisonnier des questions de langue, je crois (on peut se demander pourquoi mais je laisse cela de côté pour l'instant). Son oeuvre se situe d'emblée dans une perspective universelle. Je vois comme un malheur, depuis qu'il est mort, que l'académie Nobel ne lui ait pas donné son Nobel de Littérature.
courtial L
L ?
Lorelei ?
Jean-Pierre Lucie ?
candidus Lucie ?
Attention, les fixettes mènent vite à la folie.
Moi, aucune fixette sur casse tête.
Ouf.
j'espère Macron sur la même ligne
courtial Zweig était juif.
Nooon
ah merde alors. C'est pas le cas de Schnitzler, aussi? Zut.
ou Zout, en allemand
courtial Je vois comme un malheur, depuis qu'il est mort, que l'académie Nobel ne lui ait pas donné son Nobel de Littérature.
Je ne savais pas.
On a perdu du lourd.
Une copine l'a eu comme directeur de thèse. J'ai trouvé ça très classe.
Sacré bonhomme le Milan, mon fils a failli avoir son prénom.
Et son style... direct indirect. j'avais jamais lu ça. "elle me proposa une tasse de café, je lui ai dit oui, pourquoi pas".
(je retranscris sans son talent, évidemment)
La vie est ailleurs, quel pur plaisir.
La plaisanterie, son premier livre, je l'avais stoppé.
Repris des années après, quel bonheur aussi. Quelle force!
Je conseillerais risibles amours, pour amorcer, un profane, qu'en dites vous?
A ma grande honte, je n'ai pas lu Risibles amours. Je m'abstiendrai donc de conseiller ! La Plaisanterie, que vous citez aussi, peut être un bon point de départ. A l'époque, ça m'avait vraiment emballé !
Sans faire forcément un lien logique, ceci m'inspire une remarque, c'est intéressant, cette idée de la plaisanterie, de l'humour qui tourne mal. Rappelons que la Plaisanterie est l'histoire d'un type qui, en pleine période de la Tchécoslovaquie soviétisée, se permet de faire (publiquement) une blague qui laisse entendre qu'il n'approuve pas tout à fait le régime et le Paradis socialiste qu'on vante partout. Sa petite vanne va lui coûter très cher.
Philip Roth a écrit La tache, un chef d'oeuvre, à mon avis, qui raconte à peu près la même histoire. Un prof de fac fait une vanne en cours, vanne qui va aussi lui coûter très cher. Il fait l'appel des élèves en début de cours, et constatant que des élèves sont toujours absents, depuis des semaines, (c'est-à-dire qu'ils sont bien inscrits, mais jamais présents), il les traite de "zombies". Mais il se trouve que le mot anglais '(dont je ne me souviens plus, je suis nul en anglais, mais qui est traduit zombie) dont il se sert est aussi un terme raciste pour désigner des Noirs. Or il se trouve que les gens en question (qu'il ne connaît pas, puisqu'ils sèchent tous les cours) sont des Noirs. Nous sommes maintenant non plus dans un pays communiste des années 50 mais dans les Etats-Unis des années 80, mais même motif, même punition, et même conclusion : le plaisantin se fait lyncher, finira par se faire virer de la fac, etc.
Ce qui prouve que l'humour est une question sérieuse. On constate d'ailleurs dans l'actualité qu'il est très fréquent que des blagues soient l'élément où se focalise la polémique. Le racisme de Le Pen, c'était souvent à travers des jeux de mots (Durafour crématoire etc.), sans parler de Charlie etc.
Deuzio : l'autre grand oublié du Nobel, c'est Philip Roth. Qui n'a pas eu non plus un Nobel mérité parce qu'il ne pense pas comme il faut. Quand un grand écrivain comme lui s'attaque à une question comme le racisme, l'idée, ça ne peut pas être que les Blancs sont des méchants et les Noirs des gentils, qui vont peut-être bien dans un discours de retape politique, mais ne sont pas une oeuvre d'art, qui est quelque chose de beaucoup plus compliqué, ça ne peut pas être quelque chose d'aussi pauvre et unilatéral.
Même motif même punition, ai-je dit : Roth n'a pas eu non plus le Nobel.
courtial A l'époque, ça m'avait vraiment emballé !
Ca a été mon premier Kundera, en première lecture, j'ai trouvé ça tellement prétentieux que j'ai vite cessé, c'est avec Risibles amours, que j'ai enfin compris l'intérêt du bonhomme.
J'ai repris plus tard "la Plaisanterie", et là, ce fut une révélation
courtial se permet de faire (publiquement) une blague qui laisse entendre qu'il n'approuve pas tout à fait le régime et le Paradis socialiste qu'on vante partout
C'est encore très subtil. Le personnage est un des éléments du régime (je crois l'équivalent du secrétaire principal du bureau des élèves de son université) Lors des grandes vacances d'été, sa dulcinée part dans un camp de vacances, typique du communisme, et lui partage son bonheur, dans une lettre, d'être dans ce camp, ou tout le monde est merveilleux et l'on y apprend des tas de choses passionnantes sur Staline ou Lenine, (je ne sais plus)
En lisant la lettre de sa dulcinée, notre héros voit rouge, rouge foncé, il est juste dégouté que sa dulcinée puisse passer du bon temps, loin de lui, sans exprimer un minimum de manque "tu me manques mon chéri", non, rien de ça dans sa lettre.
Pris de vive colère, c'est là qu'il balance sa carte postale en insultant Staline et tous ces débiles de l'embrigadement mental politique.
Les problèmes, pour lui, commencent de là. Délicieux à lire... et si passionnant, à pénétrer dans un univers socialiste lénifiant. Thème qu'on retrouvera souvent dans beaucoup des livres de Kundera.
J'ai gardé cette image de jeunes étudiants, tous bien portants cérébralement mais qui dansent tous en farandole en chantant des odes à la gloire de Lénine, avec la maitresse d'école au bandoleon ou à l'harmonium..
Chose qu'on percevra, d'une certaine manière dans n'importe quel univers de parti politique, une fois que nous sommes encartés, cela s'apparente immédiatement à une secte, débile, ou il faut invariablement suivre la ligne du parti.
Evidemment, l'effet est encore pire et plus manichéen, dans un pays socialiste, ex Comecon.
Au cinéma, nous avons eu la joie de découvrir beaucoup de pépites, relatant l'ambiance de l'Allemagne de l'Est, cet autre paradis socialiste, bien cornaqué par la Stasi, (Good Bye Lenin, la Vie des autres, pour ne citer qu'eux) quand la Tchécoslovaquie avait elle aussi sa petite police politique de prédilection.
courtial Or il se trouve que les gens en question (qu'il ne connaît pas, puisqu'ils sèchent tous les cours) sont des Noirs. Nous sommes maintenant non plus dans un pays communiste des années 50 mais dans les Etats-Unis des années 80
Une amie m'avait vivement conseillé Philipp Roth (complexe de Portnoï, c'était de lui?)
Les années 50, ça me renvoie à l'autre Philipp, K Dick, notamment à sa nouvelle toujours assez visionnaire, d'un monde américain, ou les blancs sont obligés de se cacher, pour éviter d'être conduits en "réserves d'indiens "blancs"
Certains s'évadent et se teignent en noir, pour éviter la Police. Génial (titre oublié hélas) et pas si loin de notre époque de dictature des minorités.
Pour risibles amours, franchement, c'est tellement divertissant, que ça vaut vraiment la peine.
(la nouvelle Edouard et Dieu, magnifique , et les autres, tout autant)
Quant à la valse aux Adieux, ça m'a rappelé immédiatement un fait divers existant, un gynécologue arrêté, qui inséminait toutes ses clientes avec sa semence ...(quel livre, aussi!!)
Je vous propose, pour le débat ultérieur, une approche chronologique, et donc moins littéraire.
Fouché se manifeste dans l'Histoire dans un premier moment : le bourreau de Lyon.
Je rappelle le contexte : on est en 1793 et la Terreur est, dit-on, "à l'ordre du jour". Paris envoie en province des sortes de Préfets de la République pour épurer un peu les hordes antirévolutionnaires, qu'elles soient réelles ou imaginaires. Autrement dit, il faut faire marcher un peu la guillotines dans nos belles provinces.
Le souci, avec la guillotine, c'est la lenteur. On ne peut faire passer qu'un client à la fois, il arrive que le type soit récalcitrant (sans doute le fait de ses opinions monarchistes) et qu'on perde du temps à le présenter, etc.
Eh bien, Fouché a le sens pratique : il ramasse un certain nombre d'indésirables, il les concentre en un point, puis il fait tirer au canon sur ces méchants anti-révolutionnaires. Il préfère la vitesse ; on n'a pas pris le temps non plus de donner à ces gens un procès équitable pour attester qu'ils représentent vraiment un danger pour la République, on bombarde tout le monde et le tour est joué.
Fouché se présente donc d'abord dans l'Histoire comme un criminel de masse.
Maintenant, quel est l'intérêt de cela ? A l'évidence, cela ne continue à intéresser que par la grâce de Furet et ses épigones, qui consiste à montrer que la Révolution est l'antichambre du nazisme. Quelle est intrinsèquement totalitaire.
A partir de ce schéma ultra simpliste (aux yeux mêmes de Furet), vous avez des hordes de pseudo historiens, de politistes semi-habiles qui brodent la panoplie.
Mais bref, la première apparition en scène de Fouché, c'est la question du totalitarisme.