On en sait maintenant plus sur les intentions ukrainiennes dans leur offensive vers Koursk. Une telle opération pouvait consister en un grand raid ou en une opération de conquête de territoire. L’ampleur des moyens déployés semblent indiquer le choix de la seconde option. Pour être plus précis, on s’oriente vers une conquête limitée visant à prendre une zone suffisamment significative stratégiquement. Il est très peu probable, et sans doute pas souhaitable, que les Ukrainiens aillent très au-delà de la zone actuelle en direction de Koursk.
[Les gains] sont déjà considérables et d’abord politiques. Après quelques jours de sidération, Vladimir Poutine a montré qu’il avait finalement plus peur des réactions internes à une mobilisation guerrière que des Ukrainiens.
Cette attaque ukrainienne a testé la population russe, en particulier celle des « épargnés » de la guerre. De ce côté-là, on assiste plutôt à un réflexe patriotique de soutien aux défenseurs de la patrie, mais il est passif.
Pas de surprise non plus du côté des Alliés occidentaux placés devant le fait accompli. C’est une évolution considérable qui peut, en liaison avec la décision américaine de fournir également des missiles air-sol à longue portée, doper la campagne de frappes ukrainienne. Au regard de cette impuissance russe, on ne peut que regretter la faiblesse de notre attitude face à la Russie depuis des années, et particulièrement juste avant la guerre en 2022.
L’autre nouveauté stratégique de cet été est la montée en puissance des frappes en profondeur ukrainiennes. Les plus productives pour déjouer la stratégie de pression et d’étouffement russe sont les frappes d’interdiction sur les bases, dépôts, postes de commandement, en clair tout le réseau arrière permettant aux forces de manœuvre de fonctionner.
Tout semble indiquer une volonté ukrainienne d’éviter autant que possible d’attaquer le front difficile du Donbass pour privilégier partout ailleurs les raids ou conquêtes terrestres et les frappes [dans la profondeur]. On rappellera cependant que cette stratégie périphérique est très rarement décisive en soi, et [est] parfois même désastreuse. Il y a toujours aussi le risque que l’ennemi contre défensivement cette stratégie ou adopte la même [NDR : lapalissade!].
En attendant, les Ukrainiens usent l’adversaire et remonte le moral de tous à coups de communiqués de victoires. Pour gagner vraiment une guerre il faut livrer des batailles et planter des drapeaux sur des villes. Il y a peut-être à cet égard un espoir même si les dernières nouvelles dans la région de Toretsk et de Pokrovsk ne sont pas bonnes.
J’ai le sentiment qu’à force d’efforts à l’avant et d’usure à l’arrière les Russes commencent à atteindre leur point culminant face aux forces ukrainiennes aidées puissamment par les Occidentaux, les Américains en premier lieu. La prise de Pokrovsk serait effectivement une catastrophe, mais elle n’est sans doute pas près d’arriver. Pour autant, il faudra que les Ukrainiens gagnent à nouveau des batailles offensives dans la région s’ils veulent gagner la guerre, et ça non plus cela ne semble pas près d’arriver. Il faudra sans doute attendre 2025 et peut-être 2026 pour voir quelque chose qui ressemble à une victoire pour l’un des deux camps, puis des négociations de paix. Peut-être.