Tout rejet de son propre corps est nécessairement pathologique, à plus forte raison si ce rejet touche son essence même et conduit jusqu'à la mutilation génitale et à une transformation complète. Dans ce cas c'est même un trouble psychiatrique grave.
1- Derrière tout ces questions, il y a cette histoire d'identité : vouloir être identique à l'image que l'on se fait de soi ; et cette idée qu'il suffit de s'affirmer une chose pour l'être, et même qu'une fois que l'on se définit telle chose, il ne reste plus qu'à porter son petit projet personnel d'identité, se façonner, «s'actualiser », conformément à la façon dont on s'est défini. Le refus dont vous parlez s'exprime contre ce qui n'a pas été choisi, par conséquent est vécu comme subi. ==> Je suis libre d'être ce que je veux, indépendamment de ce qui est. Une fois cela dit, je crois que nous pouvons établir une relation entre ces opinions et un courant philosophique, l'existentialisme, qu'il soit bien ou mal compris, par les concernés.
Il y a me semble-t-il une différence entre sacrifier à ces idées, et pousser la chose jusqu'aux mutilations et opérations ? J'ai peut-être tort, mais j'aurais tendance à en faire un symptôme de plus, qui me laisse assez perplexe : il traduit tout autant une volonté forte, qu'un refus total de ce qui est. Je fais de mon désir une « réalité », quoi qu'il en coûte… Ces cas, d'une certaine façon sont moins superficiels que les autres : ils croient vraiment, jusqu'au bout à l'affirmation qu'ils font de ce qu'ils sont.
Le spectre du suicide ne cesse d'être agité : la moitié des transgenres se suicide. Sauf que la statistique porte sur la génération précédente, souvent atteinte de malformation congénitale, et que la corrélation n'est pas une causalité : on rejette son propre corps sans doute parce que l'on souffre de problèmes mentaux.
2- Quand il ne s'agit pas d'une lubie passagère, la question sera surtout : en considération de leurs désirs, peuvent-ils être vraiment heureux ? C'est pourquoi, dans ma réponse à Courtial, il était question d'une « solution » ou « pseudo-solution », si vous voulez, afin d'être le moins malheureux possible.
Il est toujours possible de me répondre, que si les cas considérés sont assez bêtes pour être dupes de l'illusion, pour croire par exemple qu'ils sont hommes, avec une prothèse entre les jambes, alors pourquoi pas ?
Se pose quand même aussi la question pour celui qui opère : s'agit-il d'un véritable soin pour la personne que j'opère ? Mes actes sont-ils conformes à mon serment d'Hippocrate ? Il me semble assez difficile de répondre qu'un médecin doit être complaisant avec ses patients, s'il les juge du ressort de la psychiatrie. Plus largement, qu'en est-il de la chirurgie esthétique ? Revenons à la précédente citation : jugez-vous que les cas qui font de la chirurgie esthétique sont pathologiques ?
3- Prenons un cas d'étude. Cela permettra d'illustrer une partie de mon précédent post. Une femme se fait refaire les seins, parce qu'elle se trouve trop plate, ou est plate. Avoir des petits seins ne l'empêche pas d'être une femme, mais avoir de plus gros seins la fera peut-être paraître plus "féminine" aux yeux du monde. Elle ne plaît pas, ou ne se plaît pas, et passe donc au garage.
Je ne sais pas s'il s'agit d'un bon désir, mais si elle a été capable de passer au garage une fois pour ses seins, peut-être que la fois d'après, ce sera pour son nez ou pour autre chose. De quoi est-il question ? Madame a en tête ce qu'elle voudrait être, une image, et est prête à passer sur le billard pour y correspondre. Elle voudrait pouvoir se contempler : Narcisse. A partir de quel critère exactement passe-t-on d'un trait de caractère, qui passe par des désirs, à un mauvais trait de caractère, et à partir de quel stade passe-t-on à un cas pathologique ?