af90 A-t-on affaire à une théorie en neurobiologie seulement, ou à une théorie aussi biologique que « philosophique » ? Ne retrouve-t-on pas étonnamment les accointances entre le féminisme et l'existentialisme ? Ne s'agit-il pas de fonder l'égalité politique chère aux féministes sur l'égalité naturelle ? Catherine Vidal est-elle une véritable neurobiologiste lorsqu'elle parle ainsi, ou une Lyssenko du féminisme ?
Je rejoins cette critique que j'étendrais volontiers à l'intégralité des mouvements progressistes. Ils sont avant tout existentialistes. J'ai une critique de fond sur la démarche : si l'on réclame l'égalité, c'est qu'elle ne va pas de soi. Si elle ne va pas de soi, c'est qu'elle n'est pas naturelle, si elle n'est pas naturelle, il est illégitime de la réclamer. L'idée est, pour les progressistes, de réformer une organisation sociale et sociétale due exclusivement au hasard et jugée injuste. Evidemment, privée de la transcendance que les progressistes récusent, l'idée de justice est elle-même rendue inopérante, mais ils ne s'attardent pas à cette incohérence. Ils lui substituent le fantasme d'un ordre social estimé parfait qui tient lieu d'idole en lieu et place de dieu.
C'est pour moi une démarche fondamentalement religieuse, qui consiste à abhorrer le monde sensible et les indéniables merveilles de la biologie humaine pour leur préférer un arrière-monde qui n'est jamais advenu et dont rien ne vient justifier, à priori qu'on le considère comme idéal.
af90 N'est-ce pas le principe même qui nous conduit à l'indifférenciation des sexes ? S'il n'y a plus inégalité politique, l'homme n'a plus de devoirs envers la femme : par exemple, de protection. Je demande donc aux féministes au moins d'être logiques : d'être en accord avec les principes qu'elles défendent, quitte à conduire certaines femmes en enfer.
Tout à fait, mais je ne doute pas que vous ayez vu clair dans cette manipulation.
Il y a, derrière les revendications avancées, la simple pression antagoniste d'intérêts jugés divergents. A titre personnel, cette divergence perçue m'apparaît comme une hérésie. Cela dit, si les femmes devaient être traitées strictement comme les hommes, nous obtiendrions un putain de carnage. Les féministes réclament trop souvent l'identité plutôt que l'égalité. Là encore, ce que l'on réclame n'est, par définition, pas acquis.
af90 Je constate également qu'il est admis de facto que l'homme n'est que matière, que ses facultés n'en sont que l'effet. C'est un principe posé, qu'il faudrait prouver
La présomption quant au fait que l'homme n'est que matière me semble incontournable . J'incline à penser que c'est la preuve de l'inverse qui devrait être faite. Pour moi, ça ne disqualifie pas l'idée du sacré.
af90 Je remarque enfin que les défenseurs d'une telle thèse doivent aussi nous expliquer la volonté ? Comment est-elle liée à la matière ? Si elle est liée, la matière est-elle cause ou moyen ? Si elle est ainsi liée, comment peut-on parler de liberté ?
On pourra me répondre, que l'on peut tout aussi bien nier la volonté : expliquer qu'il s'agit d'une illusion, par exemple. Dans tous les cas, comment nos amis peuvent-ils être les apôtres de la liberté de l'homme en philosophie ?
J'irais volontiers chercher du côté du Conatus, en ce qui concerne cette considération. Et sûrement du côté de la volonté de puissance.