Plariste-le-Revanite Il s'abstient, en effet, de fournir à ses esclaves simplement de quoi végéter

Tu veux dire quoi par là précisément ?

je subodore la perlouze de compète noyée dans un océan de bouses

    Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste

    V. - Illustration de la loi générale de l'accumulation capitaliste

    c) La population nomade. ‑ Les mineurs. (ça parle des jeuens de banlieux t'as vu XD.)

    Les nomades du prolétariat se recrutent dans les campagnes, mais leurs occupations sont en grande partie industrielles. C'est l'infanterie légère du capital, jetée suivant les besoins du moment, tantôt sur un point du pays, tantôt sur un autre. Quand elle n'est pas en marche, elle campe. On l'emploie à la bâtisse, aux opérations de drainage, à la fabrication de la brique, à la cuite de la chaux, à la construction des chemins de fer, etc. Colonne mobile de la pestilence, elle sème sur sa route, dans les endroits où elle assoit son camp et alentour, la petite vérole, le typhus, le choléra, la fièvre scarlatine, etc [1]. Quand des entreprises, telles que la construction des chemins de fer, etc., exigent une forte avance de capital, c'est généralement l'entrepreneur qui fournit à son armée des baraques en planches ou des logements analogues, villages improvisés sans aucunes mesures de salubrité, en dehors de la surveillance des autorités locales, mais sources de gros profits pour monsieur l'entrepreneur, qui exploite ses ouvriers et comme soldats de l'industrie et comme locataires. Suivant que la baraque contient un, deux ou trois trous, l'habitant, terrassier, maçon, etc., doit payer par semaine un, deux, trois shillings [2]. Un seul exemple suffira : En septembre 1864 rapporte le docteur Simon, le président du Nuisance Removal Committee de la paroisse de Sevenoaks dénonça au ministre de l'Intérieur, Sir George Grey, les faits suivants :

    « Dans cette paroisse, la petite vérole était encore, il y a un an, à peu près inconnue. Un peu avant cette époque, on commença à percer une voie ferrée de Lewisham à Tunbridge. Outre que le gros de l'ouvrage s'exécuta dans le voisinage immédiat de cette ville, on y installa aussi le dépôt central de toute la construction. Comme le grand nombre des individus ainsi occupés ne permettait pas de les loger tous dans des cottages l'entrepreneur, M. Jay, afin de mettre ses ouvriers à l'abri, fit construire sur différents points, le long de la voie, des baraques dépourvues de ventilation et d'égouts, et de plus nécessairement encombrées, car chaque locataire était obligé d'en recevoir d'autres chez lui, si nombreuse que fût sa propre famille et bien que chaque hutte n'eût que deux chambres. D'après le rapport médical qu'on nous adresse, il résulta de tout ceci que ces pauvres gens, pour échapper aux exhalaisons pestilentielles des eaux croupissantes et des latrines situées sous leurs fenêtres, avaient à subir pendant la nuit tous les tourments de la suffocation. Des plaintes furent enfin portées devant notre comité par un médecin qui avait eu l'occasion de visiter ces taudis. Il s'exprima en termes amers sur l'état de ces soi‑disant habitations, et donna à entendre qu'il y avait à craindre les conséquences les plus funestes, si quelques mesures de salubrité n'étaient pas prises sur‑le‑champ. Il y a un an environ, M. Jay s'engagea à faire préparer une maison où les gens qu'il occupe devaient passer aussitôt qu'ils seraient atteints de maladie contagieuse. Il a renouvelé sa promesse vers la fin du mois de juillet dernier, mais il n'a rien fait, bien que depuis lors on ait eu à constater plusieurs cas de petite vérole dans les cabanes mêmes qu'il me décrivit comme étant dans des conditions effroyables. Pour votre information (celle du ministre) je dois ajouter que notre paroisse possède une maison isolée, dite la maison des pestiférés (pesthouse), où les habitants atteints de maladies contagieuses reçoivent des soins. Cette maison est depuis des mois encombrée de malades. Dans une même famille, cinq enfants sont morts de la petite vérole et de la fièvre. Depuis le 1° avril jusqu'au 1° septembre de cette année, il n'y a pas eu moins de dix cas de morts de la petite vérole, quatre dans les susdites cabanes, le foyer de la contagion. On ne saurait indiquer le chiffre des cas de maladie, parce que les familles qui en sont affligées font tout leur possible pour les cacher [3] ».

    Les houilleurs et les autres ouvriers des mines appartiennent aux catégories les mieux payées de la classe ouvrière anglaise. A quel prix ils achètent leur salaire, on l'a vu précédemment [4]. Mais ici nous ne considérons leur situation que sous le rapport de l'habitation. En général, l'exploiteur de la mine, qu'il en soit le propriétaire ou le locataire, fait construire un certain nombre de cottages pour ses ouvriers. Ceux-ci reçoivent en outre du charbon gratis, c'est‑à‑dire qu'une partie de leur salaire leur est payée en charbon et non en argent. Les autres, qu'on ne peut loger de cette façon, obtiennent en compensation quatre livres sterling par an.

    Les districts des mines attirent rapidement une grande population composée des ouvriers mineurs et des artisans, débitants, etc., qui se groupent autour d'eux. Là, comme partout où la population est très dense, la rente foncière est très élevée. L'entrepreneur cherche donc à établir à l'ouverture des mines, sur l'emplacement le plus étroit possible, juste autant de cottages qu'il en faut pour parquer les ouvriers et leurs familles. Quand on ouvre, aux environs, des mines nouvelles, ou que l'on reprend l'exploitation des anciennes, la presse devient naturellement extrême. Un seul motif préside à la construction de ces cottages, « l'abstinence » du capitaliste, son aversion pour toute dépense d'argent comptant qui n'est pas de rigueur.

    « Les habitations des mineurs et des centres ouvriers que l'on voit dans les mines de Northumberland et de Durham, dit le docteur Julian Hunter, sont peut-être en moyenne ce que l'Angleterre présente, sur une grande échelle, de pire et de plus cher en ce genre, à l'exception cependant des districts semblables dans le Monmouthshire. Le mal est là à son comble, à cause du grand nombre d'hommes entassés dans une seule chambre, de l'emplacement étroit où l'on a empilé un amas de maisons, du manque d'eau, de l'absence de latrines et de la méthode fréquemment employée, qui consiste à bâtir les maisons les unes sur les autres ou à les bâtir en flats (de manière que les différents cottages forment des étages superposés verticalement). L'entrepreneur traite toute la colonie comme si, au lieu de résider, elle ne faisait que camper [5]. » « En vertu de mes instructions, dit le docteur Stevens, j'ai visité la plupart des villages miniers de l'union Durham... On peut dire de tous, à peu d'exceptions près, que tous les moyens de protéger la santé des habitants y sont négligés... Les ouvriers des mines sont liés (bound, expression qui de même que bondage date de l'époque du servage), sont liés pour douze mois au fermier de la mine (le lessee) ou au propriétaire. Quand ils se permettent de manifester leur mécontentement ou d'importuner d'une façon quelconque l'inspecteur (viewer), celui-ci met à côté de leur nom une marque ou une note sur son livre, et à la fin de l'année leur engagement n'est pas renouvelé... A mon avis, de toutes les applications du système du troc (payement du salaire en marchandises), il n'en est pas de plus horrible que celle qui règne dans ces districts si peuplés. Le travailleur y est forcé d'accepter, comme partie de son salaire, un logis entouré d'exhalaisons pestilentielles. Il ne peut pas faire ses propres affaires comme il l'entend; il est à l'état de serf sous tous les rapports (he is to all intents and purposes a serf). Il n'est pas certain, paraît‑il, qu'il puisse en cas de besoin s'adresser à personne autre que son propriétaire : or celui-ci consulte avant tout sa balance de compte, et le résultat est à peu près infaillible. Le travailleur reçoit du propriétaire son approvisionnement d'eau. Bonne ou mauvaise, fournie ou suspendue, il faut qu'il la paie, ou, pour mieux dire, qu'il subisse une déduction sur son salaire [6]. »

    En cas de conflits avec « l'opinion publique » ou même avec la police sanitaire, le capital ne se gêne nullement de « justifier » les conditions, les unes dangereuses et les autres dégradantes, auxquelles il astreint l'ouvrier, faisant valoir que tout cela est indispensable pour enfler la recette. C'est ainsi que nous l'avons vu « s'abstenir » de toute mesure de protection contre les dangers des machines dans les fabriques, de tout appareil de ventilation et de sûreté dans les mines, etc. Il en est de même à l'égard du logement des mineurs. « Afin d'excuser », dit le docteur Simon, le délégué médical du Conseil privé, dans son rapport officiel, « afin d'excuser la pitoyable organisation des logements, on allègue que les mines sont ordinairement exploitées à bail, et que la durée du contrat (vingt et un ans en général dans les houillères) est trop courte, pour que le fermier juge qu'il vaille la peine de ménager des habitations convenables pour la population ouvrière et les diverses professions que l'entreprise attire. Et lors même, dit‑on, que l'entrepreneur aurait l'intention d'agir libéralement en ce sens, sa bonne volonté échouerait devant les prétentions du propriétaire foncier. Celui‑ci, à ce qu'il paraît, viendrait aussitôt exiger un surcroît de rente exorbitant, pour le privilège de construire à la surface du sol qui lui appartient un village décent et confortable, servant d'abri aux travailleurs qui font valoir sa propriété souterraine. On ajoute que ce prix prohibitoire, là où il n'y a pas prohibition directe, rebute aussi les spéculateurs en bâtiments... Je ne veux ni examiner la valeur de cette justification ni rechercher sur qui tomberait en définitive le surcroît de dépense, sur le propriétaire foncier, le fermier des mines, les travailleurs ou le public... Mais, en présence des faits outrageux révélés par les rapports ci‑joints (ceux des docteurs Hunter, Stevens, etc.), il faut nécessairement trouver un remède... C'est ainsi que des titres de propriété servent à commettre une grande injustice publique. En sa qualité de possesseur de mines, le propriétaire foncier engage une colonie industrielle à venir travailler sur ses domaines; puis, en sa qualité de propriétaire de la surface du sol, il enlève aux travailleurs qu'il a réunis toute possibilité de pourvoir à leur besoin d'habitation. Le fermier des mines (l'exploiteur capitaliste) n'a aucun intérêt pécuniaire à s'opposer à ce marché ambigu. S'il sait fort bien apprécier l'outrecuidance de telles prétentions, il sait aussi que les conséquences n'en retombent pas sur lui, mais sur les travailleurs, que ces derniers sont trop peu instruits pour connaître leurs droits à la santé, et enfin que les habitations les plus ignobles, l'eau à boire la plus corrompue, ne fourniront jamais prétexte à une grèves [7]. »

    Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste

    V. - Illustration de la loi générale de l'accumulation capitaliste

    d) Effet des crises sur la partie la mieux payée de la classe ouvrière.

    Avant de passer aux ouvriers agricoles, il convient de montrer, par un exemple, comment les crises affectent même la partie la mieux payée de la classe ouvrière, son aristocratie.

    On sait qu'en 1857 il éclata une de ces crises générales auxquelles le cycle industriel aboutit périodiquement. Son terme suivant échut en 1866. Cette fois la crise revêtit un caractère essentiellement financier, ayant déjà été escomptée en partie dans les districts manufacturiers, à l'occasion de la disette de coton qui rejeta une masse de capitaux de leur sphère de placement ordinaire sur les grands centres du marché monétaire. Son début fut signalé à Londres, en mai 1866, par la faillite d'une banque gigantesque, suivie de l'écroulement général d'une foule innombrable de sociétés financières véreuses. Une des branches de la grande industrie, particulièrement atteinte à Londres par la catastrophe, fut celle des constructeurs de navires cuirassés. Les gros bonnets de la partie avaient non seulement poussé la production à outrance pendant la période de haute prospérité, mais ils s'étaient aussi engagés à des livraisons énormes, dans l'espoir que la source du crédit ne tarirait pas de si tôt. Une réaction terrible eut lieu, réaction que subissent, à cette heure encore, fin mars 1867, de nombreuses industries [1]. Quant à la situation des travailleurs, on peut en juger par le passage suivant, emprunté au rapport très circonstancié d'un correspondant du Morning Star qui, au commencement de janvier 1867, visita les principales localités en souffrance.

    « A l'est de Londres, dans les districts de Poplar, Milwall, Greenwich, Deptford, Limehouse et Canning Town, quinze mille travailleurs au moins, parmi lesquels plus de trois mille ouvriers de métier, se trouvent avec leurs familles littéralement aux abois. Un chômage de six à huit mois a épuisé leurs fonds de réserve... C'est à grand‑peine que j'ai pu m'avancer jusqu'à la porte du Workhouse de Poplar qu'assiégeait une foule affamée. Elle attendait des bons de pain, mais l'heure de la distribution n'était pas encore arrivée. La cour forme un grand carré avec un auvent qui court tout autour de ses murs. Les pavés du milieu étaient couverts d'épais monceaux de neige, mais l'on y distinguait certains petits espaces entourés d'un treillage d'osier, comme des parcs à moutons, où les hommes travaillent quand le temps le permet. Le jour de ma visite, ces parcs étaient tellement encombrés de neige, que personne ne pouvait s'y asseoir. Les hommes étaient occupés, sous le couvert de la saillie du toit à macadamiser des pavés. Chacun d'eux avait pour siège un pavé épais et frappait avec un lourd marteau sur le granit, recouvert de givre, jusqu'à ce qu'il en eût concassé cinq boisseaux. Sa journée était alors terminée, il recevait trois pence (30 centimes) et un bon de pain. Dans une partie de la cour se trouvait une petite cabane sordide et délabrée. En ouvrant la porte, nous la trouvâmes remplie d'hommes pressés les uns contre les autres, épaule contre épaule, pour se réchauffer. Ils effilaient des câbles de navire et luttaient à qui travaillerait le plus longtemps avec le minimum de nourriture, mettant leur point d'honneur dans la persévérance. Ce seul Workhouse fournit des secours à sept mille personnes, et beaucoup parmi ces ouvriers, il y a six ou huit mois, gagnaient les plus hauts salaires du pays. Leur nombre eût été double, si ce n'était que certains travailleurs, leur réserve d'argent une fois épuisée, refusent néanmoins tout secours de la paroisse, aussi longtemps qu'ils ont quelque chose à mettre en gage... En quittant le Workhouse, je fis une promenade dans les rues, entre les rangées de maisons à un étage, si nombreuses à Poplar. Mon guide était membre du Comité pour les ouvriers sans travail. La première maison où nous entrâmes était celle d'un ouvrier en fer, en chômage depuis vingt-sept semaines. Je le trouvai assis dans une chambre de derrière avec toute sa famille. La chambre n'était pas tout à fait dégarnie de meubles et il y avait un peu de feu; c'était de toute nécessité, par une journée de froid terrible, afin d'empêcher les pieds nus des jeunes enfants de se geler. Il y avait devant le feu, sur un plat, une certaine quantité d'étoupe que les femmes et les enfants devaient effiler en échange du pain fourni par le Workhouse. L'homme travaillait dans une des cours décrites ci‑dessus, pour un bon de pain et trois pence par jour. Il venait d'arriver chez lui, afin d'y prendre son repas du midi, très affamé, comme il nous le dit avec un sourire amer, et ce repas consistait en quelques tranches de pain avec du saindoux et une tasse de thé sans lait. La seconde porte à laquelle nous frappâmes fut ouverte par une femme entre deux âges, qui, sans souffler mot, nous conduisit dans une petite chambre sur le derrière, où se trouvait toute sa famille, silencieuse et les yeux fixés sur un feu près de s'éteindre. Il y avait autour de ces gens et de leur petite chambre un air de solitude et de désespoir à me faire souhaiter de ne jamais revoir pareille scène... « Ils n'ont rien gagné, Monsieur », dit la femme en montrant ses jeunes garçons, « rien depuis vingt‑six semaines, et tout notre argent est parti, tout l'argent que le père et moi nous avions mis de côté dans des temps meilleurs, avec le vain espoir de nous assurer une réserve pour les jours mauvais. Voyez ! » s'écria‑t‑elle d'un accent presque sauvage, et en même temps elle nous montrait un livret de banque où étaient indiquées régulièrement toutes les sommes successivement versées, puis retirées, si bien que nous pûmes constater comment le petit pécule, après avoir commencé par un dépôt de cinq shillings, puis avoir grossi peu à peu jusqu'à vingt livres sterling, s'était fondu ensuite de livres en shillings et de shillings en pence, jusqu'à ce que le livret fût réduit à n'avoir pas plus de valeur qu'un morceau de papier blanc. Cette famille recevait chaque jour un maigre repas du Workhouse... Nous visitâmes enfin la femme d'un Irlandais qui avait travaillé au chantier de construction maritime. Nous la trouvâmes malade d'inanition, étendue tout habillée sur un matelas et à peine couverte d'un lambeau de tapis, car toute la literie était au mont‑de‑piété. Ses malheureux enfants la soignaient et paraissaient avoir bien besoin, à leur tour, des soins maternels. Dix-neuf semaines d'oisiveté forcée l'avaient réduite à cet état, et pendant qu'elle nous racontait l'histoire du passé désastreux, elle sanglotait comme si elle eût perdu tout espoir d'un avenir meilleur. A notre sortie de cette maison, un jeune homme courut vers nous et nous pria d'entrer dans son logis pour voir si l'on ne pourrait rien faire en sa faveur. Une jeune femme, deux jolis enfants, un paquet de reconnaissances du mont‑de‑piété et une chambre entièrement nue, voilà tout ce qu'il avait à nous montrer [2]. »

    Je vous invite encore une fois à lire le bas de la page avant de dire des conneries merci :

    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-25-5-d.htm

    Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste

    V. - Illustration de la loi générale de l'accumulation capitaliste

    e) Le prolétariat agricole anglais.

    Le caractère antagonique de l'accumulation capitaliste ne s'affirme nulle part plus brutalement que dans le mouvement progressif de l'agriculture anglaise et le mouvement rétrograde des cultivateurs anglais. Avant d'examiner leur situation actuelle, il nous faut jeter un regard en arrière. L'agriculture moderne date en Angleterre du milieu du siècle dernier, quoique les bouleversements survenus dans la constitution de la propriété foncière, qui devaient servir de base au nouveau mode de production, remontent à une époque beaucoup plus reculée.

    Les renseignements fournis par Arthur Young, penseur superficiel, mais observateur exact, prouvent incontestablement que l'ouvrier agricole de 1771 était un bien piteux personnage comparé à son devancier de la fin du XIV° siècle, « lequel pouvait vivre dans l'abondance et accumuler de la richesse [1] », pour ne pas parler du XV° siècle, « l'âge d'or du travailleur anglais et à la ville et à la campagne ». Nous n'avons pas besoin cependant de remonter si loin. On lit dans un écrit remarquable publié en 1777 : « Le gros fermier s'est presque élevé au niveau du gentleman, tandis que le pauvre ouvrier des champs est foulé aux pieds... Pour juger de son malheureux état, il suffit de comparer sa position d'aujourd'hui avec celle qu'il avait il y a quarante ans... Propriétaire foncier et fermier se prêtent mutuellement main‑forte pour opprimer le travailleur [2]. » Il y est ensuite prouvé en détail que de 1737 à 1777 dans les campagnes le salaire réel est tombé d'environ un quart ou vingt-cinq pour cent. « La politique moderne, dit Richard Price, favorise les classes supérieures du peuple; la conséquence sera que tôt ou tard le royaume entier se composera de gentlemen et de mendiants, de magnats et d'esclaves [3]. »

    Néanmoins la condition du travailleur agricole anglais de 1770 à 1780, à l'égard du logement et de la nourriture aussi bien que de la dignité et des divertissements, etc., reste un idéal qui n'a jamais été atteint depuis. Son salaire moyen exprimé en pintes de froment se montait de 1770 à 1771 à quatre‑vingt‑dix; à l'époque d'Eden (1797), il n'était plus que de soixante-cinq, et en 1808 que de soixante [4].

    Nous avons indiqué la situation du travailleur agricole à la fin de la guerre antijacobine (antijacobin war, tel est le nom donné par William Cobbet à la guerre contre la Révolution française), pendant laquelle seigneurs terriens, fermiers, fabricants, commerçants, banquiers, loups‑cerviers, fournisseurs, etc., s'étaient extraordinairement enrichis. Le salaire nominal s'éleva, en conséquence soit de la dépréciation des billets de banque, soit d'un enchérissement des subsistances les plus nécessaires indépendant de cette dépréciation. Son mouvement réel peut être constaté d'une manière fort simple, sans entrer dans des détails fastidieux. La loi des pauvres et son administration étaient, en 1814, les mêmes qu'en 1795. Or, nous avons vu comment cette loi s'exécutait dans les campagnes : c'était la paroisse qui, sous forme d'aumône, parfaisait la différence entre le salaire nominal du travail et la somme minima indispensable au travailleur pour végéter. La proportion entre le salaire payé par le fermier et le supplément ajouté par la paroisse nous montre deux choses, premièrement : de combien le salaire était au‑dessous de son minimum, secondement : à quel degré le travailleur agricole était transformé en serf de sa paroisse. Prenons pour exemple un comté qui représente la moyenne de cette proportion dans tous les autres comtés. En 1795 le salaire hebdomadaire moyen était à Northampton de sept shillings six pence, la dépense totale annuelle d'une famille de six personnes de trente-six livres sterling douze shillings cinq pence, sa recette totale de vingt-neuf livres sterling dix-huit shillings, le complément fourni par la paroisse de six livres sterling quatorze shillings cinq pence. Dans le même comté le salaire hebdomadaire était en 1814 de douze shillings deux pence, la dépense totale annuelle d'une famille de cinq personnes de cinquante‑quatre livres sterling dix-huit shillings quatre pence; sa recette totale de trente-six livres sterling deux shillings, le complément fourni par la paroisse de dix-huit livres sterling six shillings quatre pence [5]. En 1795 le complément n'atteignait pas le quart du salaire, en 1814 il en dépassait la moitié. Il est clair que dans ces circonstances le faible confort qu'Eden signale encore dans le cottage de l'ouvrier agricole avait alors tout à fait disparu [6]. De tous les animaux qu'entretient le fermier, le travailleur, l'instrumentum vocale, restera désormais le plus mal nourri et le plus mal traité.

    Les choses continuèrent paisiblement en cet état jusqu'à ce que « les émeutes de 1830 vinssent nous avertir (nous, les classes gouvernantes), à la lueur des meules de blé incendiées, que la misère et un sombre mécontentement, tout prêt à éclater, bouillonnaient aussi furieusement sous la surface de l'Angleterre agricole que de l'Angleterre industrielle [7] ». Alors, dans la Chambre des communes, Sadler baptisera les ouvriers des campagnes du nom « d'esclaves blancs » (white slaves), et un évêque répétera le mot dans la Chambre haute. « Le travailleur agricole du sud de l'Angleterre, dit l'économiste le plus remarquable de cette période, E. G. Wakefield, n'est ni un esclave, ni un homme libre: c'est un pauper [8]. »

    A la veille de l'abrogation des lois sur les céréales, la lutte des partis intéressés vint jeter un nouveau jour sur la situation des ouvriers agricoles. D'une part les agitateurs abolitionnistes faisaient appel aux sympathies populaires, en démontrant par des faits et des chiffres que ces lois de protection n'avaient jamais protégé le producteur réel. D'autre part la bourgeoisie industrielle écumait de rage quand les aristocrates fonciers venaient dénoncer l'état des fabriques, que ces oisifs, cœurs secs, corrompus jusqu'à la moelle, faisaient parade de leur profonde sympathie pour les souffrances des ouvriers de fabrique, et réclamaient à hauts cris l'intervention de la législature. Quand deux larrons se prennent aux cheveux, dit un vieux proverbe anglais, l'honnête homme y gagne toujours. Et de fait, la dispute bruyante, passionnée, des deux fractions de la classe dominante, sur la question de savoir laquelle des deux exploitait le travailleur avec le moins de vergogne, aida puissamment à révéler la vérité.

    L'aristocratie terrienne avait pour général en chef dans sa campagne philanthropique contre les fabricants le comte de Shaftesbury (ci‑devant Lord Ashley). Aussi fut‑il le principal point de mire des révélations que le Morning Chronicle publiait de 1844 à 1845. Cette feuille, le plus important des organes libéraux d'alors, envoya dans les districts ruraux des correspondants qui, loin de se contenter d'une description et d'une statistique générales, désignèrent nominalement les familles ouvrières visitées et leurs propriétaires. La liste suivante spécifie les salaires payés dans trois villages, aux environs de Blandford, Wimbourne et Poole, villages appartenant à M. G. Bankes et au comte de Shaftesbury. On remarquera que ce pontife de la basse église (low church), ce chef des piétistes anglais empoche, tout comme son compère Bankes, sous forme de loyer, une forte portion du maigre salaire qu'il est censé octroyer à ses cultivateurs.

    L'abrogation des lois sur les céréales donna à l'agriculture anglaise une nouvelle et merveilleuse impulsion. Drainage tout à fait en grand [10], nouvelles méthodes pour nourrir le bétail dans les étables et pour cultiver les prairies artificielles, introduction d'appareils mécaniques pour la fumure des terres, manipulation perfectionnée du sol argileux, usage plus fréquent des engrais minéraux, emploi de la charrue à vapeur et de toutes sortes de nouvelles machines-outils, etc., en général, culture intensifiée, voilà ce qui caractérise cette époque. Le président de la Société royale d'agriculture, M. Pusey, affirme que l'introduction des machines a fait diminuer de près de moitié les frais (relatifs) d'exploitation. D'un autre côté, le rendement positif du sol s'éleva rapidement. La condition essentielle du nouveau système était un plus grand déboursé de capital, entraînant nécessairement une concentration plus rapide des fermes [11]. En même temps, la superficie des terres mises en culture augmenta, de 1846 à 1865, d'environ quatre cent soixante-quatre mille cent dix-neuf acres, sans parler des grandes plaines des comtés de l'est, dont les garennes et les maigres pâturages furent transformés en magnifiques champs de blé. Nous savons déjà que le nombre total des personnes employées dans l'agriculture diminua dans la même période. Le nombre des cultivateurs proprement dits des deux sexes et de tout âge, tomba, de 1851 à 1861, de un million deux cent quarante et un mille deux cent soixante-neuf à un million cent soixante-trois mille deux cent vingt‑sept [12]. Si donc le Registrar général fait très justement remarquer que « l'accroissement du nombre des fermiers et des ouvriers de campagne depuis 1801 n'est pas le moins du monde en rapport avec l'accroissement du produit agricole [13] », cette disproportion se constate encore bien davantage dans la période de 1846 à 1866. Là, en effet, la dépopulation des campagnes a suivi pas à pas l'extension et l'intensification de la culture, l'accumulation inouïe du capital incorporé au sol et de celui consacré à son exploitation, l'augmentation des produits, sans précédent dans l'histoire de l'agronomie anglaise, l'accroissement des rentes dévolues aux propriétaires fonciers et celui des profits réalisés par les fermiers capitalistes. Si l'on songe que tout cela coïncidait avec le développement rapide et continu des débouchés urbains et le règne du libre-échange, le travailleur agricole, post tot discrimina rerum, se trouva évidemment placé dans des conditions qui devaient enfin, secundum artem, selon la formule, le rendre fou de bonheur.

    Le professeur Rogers trouve, en définitive, que, comparé à son prédécesseur de la période de 1770 à 1780, pour ne rien dire de celle qui commence au dernier tiers du XIV° siècle et se termine au dernier tiers du XVV°, le travailleur agricole anglais d'aujourd'hui est dans un état pitoyable, « qu'il est redevenu serf », à vrai dire, serf mal nourri et mal logé [14]. D'après le rapport du docteur Julien Hunter sur les conditions d'habitation des ouvriers ruraux, rapport qui a fait époque, « les frais d'entretien du hind (nom donné au paysan aux temps féodaux) ne sont point calculés sur le profit qu'il s'agit de tirer de lui. Dans les supputations du fermier il représente le zéro [15]. Ses moyens de subsistance sont toujours traités comme une quantité fixe [16] ». « Quant à une réduction ultérieure du peu qu'il reçoit, il peut dire : nihil habeo, nihil curo, « rien n'ai, rien ne me chaut ». Il n'a aucune appréhension de l'avenir, parce qu'il ne dispose de rien en dehors de ce qui est absolument indispensable à son existence. Il a atteint le point de congélation qui sert de base aux calculs du fermier. Advienne que pourra, heur ou malheur, il n'y a point part [17]. »

    Une enquête officielle eut lieu, en 1863, sur l'alimentation et le travail des condamnés soit à la transportation, soit au travail forcé. Les résultats en sont consignés dans deux livres bleus volumineux. « Une comparaison faite avec soin », y est‑il dit entre autres, « entre l'ordinaire des criminels dans les prisons d'Angleterre d'une part, et celui des pauvres dans les Workhouses et des travailleurs agricoles libres du même pays d'autre part, prouve jusqu'à l'évidence que les premiers sont beaucoup mieux nourris qu'aucune des deux autres catégories [18], tandis que « la masse du travail exigée d'un condamné au travail forcé ne s'élève guère qu'à la moitié de celle qu'exécute le travailleur agricole ordinaire [19]. » Citons à l'appui quelques détails caractéristiques, extraits de la déposition d'un témoin : Déposition de John Smith, directeur de la prison d'Edimbourg. Nr, 5056 : « L'ordinaire des prisons anglaises est bien meilleur que celui de la généralité des ouvriers agricoles. » Nr. 5075 : « C'est un fait certain qu'en Ecosse les travailleurs agricoles ne mangent presque jamais de viande. » Nr. 3047 : « Connaissez‑vous une raison quelconque qui explique la nécessité de nourrir les criminels beaucoup mieux (much better) que l'ouvrier de campagne ordinaire ? ‑ Assurément non. » Nr. 3048 : « Pensez‑vous qu'il convienne de faire de plus amples expériences, pour rapprocher le régime alimentaire des condamnés au travail forcé de celle du travailleur libre [20] ? » Ce qui veut dire : « L'ouvrier agricole pourrait tenir ce propos : Je travaille beaucoup et je n'ai pas assez à manger. Lorsque j'étais en prison, je travaillais moins et je mangeais tout mon soûl : il vaut donc mieux rester en prison qu'en liberté [21]. » Des tables annexes au premier volume du rapport nous avons tiré le tableau comparatif qui suit :

    Système de prison victorienne les gas après ça vient nous faire chier avec le goulag !

    Le lecteur connaît déjà les conclusions de la Commission médicale d'enquête sur l'alimentation des classes mal nourries du peuple anglais. Il se souvient que, chez beaucoup de familles agricoles, l'ordinaire s'élève rarement à la ration indispensable « pour prévenir les maladies d'inanition ». Ceci s'applique surtout aux districts purement agricoles de Cornwall, Devon, Somerset, Dorset, Wilts, Stafford, Oxford, Berks et Herts. « La nourriture du cultivateur, dit le docteur Simon, dépasse la moyenne que nous avons indiquée, parce qu'il consomme une part supérieure à celle du reste de sa famille, et sans laquelle il serait incapable de travailler; il se réserve presque toute la viande ou le lard dans les districts les plus pauvres. La quantité de nourriture qui échoit à la femme et aux enfants dans l'âge de la croissance est, en beaucoup de cas, et à vrai dire dans presque tous les comtés, insuffisante et surtout pauvre en azote [22]. Les valets et les servantes, qui habitent chez les fermiers eux-mêmes. sont, au contraire, plantureusement nourris, mais leur nombre va diminuant. De deux cent quatre‑vingt‑huit mille deux cent soixante-dix‑sept qu'il comptait en 1851 il était descendu à deux cent quatre mille neuf cent soixante-deux en 1861.

    « Le travail des femmes en plein champ, dit le docteur Smith, quels qu'en soient les inconvénients inévitables, est, dans les circonstances présentes, d*un gram avantage pour la famille, parce qu'il lui procure les moyens de se chausser, de se vêtir, de payer son loyer et de se mieux nourrir [23]. »

    Le fait le plus curieux que l'enquête ait relevé, c'est que parmi les travailleurs agricoles du Royaume‑Uni celui de l’Angleterre est de beaucoup le plus mal nourri (considerably the worst fed). Voici l'analyse comparée de leurs régimes alimentaires :

    « Chaque page du rapport du docteur Hunter », dit le docteur Simon dans son rapport officiel sur la santé, « atteste l'insuffisance numérique et l'état misérable des habitations de nos travailleurs agricoles. Et depuis nombre d'années leur situation à cet égard n'a fait qu'empirer. Il leur est maintenant bien plus difficile de trouver à se loger, et les logements qu'ils trouvent sont bien moins adaptés à leurs besoins, que ce n'était le cas depuis peut‑être des siècles. Dans les vingt ou trente dernières années particulièrement, le mal a fait de grands progrès, et les conditions de domicile du paysan sont aujourd'hui lamentables au plus haut degré. Sauf les cas où ceux que son travail enrichit jugent que cela vaut bien la peine de le traiter avec une certaine indulgence, mêlée de compassion, il est absolument hors d'état de se tirer d'affaire. S'il parvient à trouver sur le sol qu'il cultive un abri‑logis décent ou un toit à cochons, avec ou sans un de ces petits jardins qui allègent tant le poids de la pauvreté, cela ne dépend ni de son inclination personnelle, ni même de son aptitude à payer le prix qu'on lui demande, mais de la manière dont d'autres veulent bien exercer « leur droit » d'user de leur propriété comme bon leur semble. Si grande que soit une ferme, il n'existe pas de loi qui établisse qu'elle contiendra un certain nombre d'habitations pour les ouvriers, et que même ces habitations seront décentes. La loi ne réserve pas non plus à l'ouvrier le moindre droit sur ce soi, auquel son travail est aussi nécessaire que la pluie et le soleil... Une circonstance notoire fait encore fortement pencher la balance contre lui, c'est l'influence de la loi des pauvres et de ses dispositions [25] sur le domicile des pauvres et les charges qui reviennent aux paroisses. Il en résulte que chaque paroisse a un intérêt d'argent à limiter au minimum le nombre des ouvriers ruraux domiciliés chez elle, car, malheureusement, au lieu de garantir à ceux-ci et à leurs familles une indépendance assurée et permanente, le travail champêtre, si rude qu'il soit, les conduit, en général, par des acheminements plus ou moins rapides, au paupérisme; paupérisme toujours si imminent, que la moindre maladie ou le moindre manque passager d'occupation nécessite un appel immédiat à l'assistance paroissiale. La résidence d'une population d'agriculteurs dans une paroisse y fait donc évidemment augmenter la taxe des pauvres... Il suffit aux grands propriétaires fonciers [26] de décider qu'aucune habitation de travailleurs ne pourra être établie sur leurs domaines, pour qu'ils soient sur‑le‑champ affranchis de la moitié de leur responsabilité envers les pauvres. Jusqu'à quel point la loi et la constitution anglaises ont‑elles eu pour but d'établir ce genre de propriété absolue, qui autorise le seigneur du sol à traiter les cultivateurs du sol comme des étrangers et à les chasser de son territoire, sous prétexte « de disposer de son bien comme il l'entend » ? c'est là une question que je n'ai pas à discuter... Cette puissance d'éviction n'est pas de la théorie pure; elle se réalise pratiquement sur la plus grande échelle; elle est une des circonstances qui dominent les conditions de logement du travailleur agricole... » Le dernier recensement permet de juger de l'étendue du mal; il démontre que dans les dix dernières années la destruction des maisons, malgré la demande toujours croissante d'habitations, a progressé en huit cent vingt et un districts de l'Angleterre.

    En comparant l'année 1861 à l'année 1851, on trouvera qu'à part les individus forcés de résider en dehors des paroisses où ils travaillent, une population plus grande de cinq un tiers pour cent a été resserrée dans un espace plus petit de quatre et demi pour cent... « Dès que le progrès de la dépopulation a atteint le but », dit le docteur Hunter, « on obtient pour résultat un show-village (un village de parade), où les cottages sont réduits à un chiffre faible et où personne n'a le privilège de résider, hormis les bergers, les jardiniers, les gardes‑chasses et autres gens de domesticité ordinairement bien traités par leurs bienveillants seigneurs [27]. Mais le sol a besoin d'être cultivé, et ses cultivateurs, loin de résider sur les domaines du propriétaire foncier, viennent d'un village ouvert, distant peut‑être de trois milles, où ils ont été accueillis après la destruction de leurs cottages. Là où cette destruction se prépare, l'aspect misérable des cottages ne laisse pas de doute sur le destin auquel ils sont condamnés. On les trouve à tous les degrés naturels de délabrement. Tant que le bâtiment tient debout, le travailleur est admis à en payer le loyer et il est souvent bien content de ce privilège, même lorsqu'il lui faut y mettre le prix d'une bonne demeure. Jamais de réparations d'aucune sorte, à part celles que peut faire le pauvre locataire. La bicoque devient‑elle à la fin tout à fait inhabitable, ce n'est qu'un cottage détruit de plus, et autant de moins à payer à l'avenir pour la taxe des pauvres. Tandis que les grands propriétaires s'affranchissent ainsi de la taxe en dépeuplant les terres qui leur appartiennent, les travailleurs, chassés par eux, sont accueillis par la localité ouverte ou la petite ville la plus proche; la plus proche, ai‑je dit, mais ce « plus proche » peut signifier une distance de trois ou quatre milles de la ferme où le travailleur va peiner tous les jours. Outre la besogne qu'il fait journellement pour gagner son pain quotidien, il lui faut encore parcourir l'espace de six à huit milles, et cela n'est compté pour rien. Tout travail agricole accompli par sa femme et ses enfants subit les mêmes circonstances aggravantes. Et ce n'est pas là le seul mal que lui cause l'éloignement de son domicile, de son champ de travail : des spéculateurs achètent, dans les localités ouvertes, des lambeaux de terrain qu'ils couvrent de tanières de toute espèce, élevées au meilleur marché possible, entassées les unes sur les autres. Et c'est dans ces ignobles trous qui, même en pleine campagne, partagent les pires inconvénients des plus mauvaises habitations urbaines, que croupissent les ouvriers agricoles anglais [28]... » D'autre part, il ne faut pas s'imaginer que l'ouvrier qui demeure sur le terrain qu'il cultive y trouve le logement que mérite sa vie laborieuse. Même sur les domaines princiers son cottage est souvent des plus misérables. Combien de propriétaires qui estiment qu'une étable est assez bonne pour des familles ouvrières, et qui ne dédaignent pas de tirer de sa location le plus d'argent possible [29]. « Ou bien c'est une cabane en ruines avec une seule chambre à coucher, sans foyer, sans latrines, sans fenêtres, sans autre conduit d'eau que le fossé, sans jardin, et le travailleur est sans défense contre ces iniquités. Nos lois de police sanitaire (les Nuisances Removal Acts) sont en outre lettre morte. Leur exécution est confiée précisément aux propriétaires qui louent des bouges de cette espèce... On ne doit pas se laisser éblouir par quelques exceptions et perdre de vue la prédominance écrasante de ces faits qui sont l'opprobre de la civilisation anglaise. L'état des choses doit être en réalité épouvantable, puisque, malgré la monstruosité évidente des logements actuels, des observateurs compétents sont tous arrivés au même résultat sur ce point, savoir, que leur insuffisance numérique constitue un mai infiniment plus grave encore. Depuis nombre d'années, non seulement les hommes qui font surtout cas de la santé, mais tous ceux qui tiennent à la décence et à la moralité de la vie, voyaient avec le chagrin le plus profond l'encombrement des habitations des ouvriers agricoles. Les rapporteurs chargés d'étudier la propagation des maladies épidémiques dans les districts ruraux n'ont jamais cessé, en phrases si uniformes qu'elles semblent stéréotypées, de dénoncer cet encombrement comme une des causes qui rendent vaine toute tentative faite pour arrêter la marche d'une épidémie une fois qu'elle est déclarée. Et mille et mille fois on a eu la preuve que, malgré l'influence favorable de la vie champêtre sur la santé, l'agglomération qui active à un si haut degré la propagation des maladies contagieuses ne contribue pas moins à faire naître les maladies ordinaires. Et les hommes qui ont dénoncé cet état de choses n'ont pas passé sous silence un mal plus grand. Alors même que leur tâche se bornait à examiner le côté sanitaire, ils se sont vus presque forcés d'aborder aussi les autres côtés de la question en démontrant par le fait que des adultes des deux sexes, mariés et non mariés, se trouvent très souvent entassés pêle-mêle (huddled) dans des chambres à coucher étroites. Ils ont fait naître la conviction que, dans de semblables circonstances, tous les sentiments de pudeur et de décence sont offensés de la façon la plus grossière, et que toute moralité est nécessairement étouffée [30]... On peut voir, par exemple, dans l'appendice de mon dernier rapport, un cas mentionné par le docteur Ord, à propos de la fièvre qui avait ravagé Wing, dans le Buckinghamshire. Un jeune homme y arriva de Wingrave avec la fièvre. Les premiers jours de sa maladie il couche dans une même chambre avec neuf autres individus. Quelques semaines après, cinq d'entre eux furent pris de la même fièvre et un en mourut ! Vers la même époque, le docteur Harvey, de l'hôpital Saint‑Georges, à propos de sa visite à Wing pendant l'épidémie, me cita des faits pareils : « Une jeune femme malade de la fièvre couchait la nuit dans la même chambre que son père, sa mère, son enfant illégitime, deux jeunes hommes, ses frères, et ses deux sœurs chacune avec un bâtard, en tout dix personnes. Quelques semaines auparavant, treize enfants couchaient dans ce même local [31]. »

    Le docteur Hunter visita cinq mille trois cent soixante-quinze cottages de travailleurs ruraux, non seulement dans les districts purement agricoles, mais dans toutes les parties de l'Angleterre. Sur ce nombre deux mille cent quatre-vingt-quinze contenaient une seule chambre à coucher (formant souvent toute l’habitation); deux mille neuf cent trente en contenaient deux et deux cent cinquante plus de deux. Voici quelques échantillons pris parmi une douzaine de ces comtés.

    1) Bedfordshire.

    Wrestlingiworth : Chambre à coucher d'environ douze pieds de long sur dix de large, et il y en a beaucoup de plus petites. L'étroite cabane, d'un seul étage, est souvent partagée, au moyen de planches, en deux chambres à coucher, il y a quelquefois un lit dans une cuisine haute de cinq pieds six pouces. Loyer : trois livres sterling par an. Il faut que les locataires construisent eux-mêmes leurs lieux d'aisances, le propriétaire ne leur fournissant que le trou. Dès que l'un d'eux a construit ses latrines, elles servent à tout le voisinage. Une maison du nom de Richardson était une vraie merveille. Ses murs de mortier ballonnaient comme une crinoline qui fait la révérence. A une extrémité, le pignon était convexe, à l'autre concave. De ce côté-là se dressait une malheureuse cheminée, espèce de tuyau recourbé, fait de bois et de terre glaise, pareil à une trompe d'éléphant; pour l'empêcher de tomber on l'avait appuyée à un fort bâton. Les portes et les fenêtres étaient en losange. Sur dix-sept maisons visitées, quatre seulement avaient plus d'une chambre à coucher et ces quatre étaient encombrées. Les cottages a une seule chambre abritaient tantôt trois adultes et trois enfants, tantôt un couple marié, avec six enfants, etc.

    Dunton : Loyers très élevés, de quatre à cinq livres sterling par an. Salaire des hommes : dix shillings par semaine. lis espèrent que le travail domestique (tressage de la paille) leur permettra de payer cette somme. Plus le loyer est élevé, plus il faut être en nombre pour pouvoir I'acquitter. Six adultes qui occupent avec quatre enfants une chambre à coucher paient un loyer de trois livres sterling dix shillings. La maison louée le meilleur marché, longue de quinze pieds et large de dix à l'extérieur, se paie trois livres sterling. Une seule des quatorze maisons visitées avait deux chambres à coucher. Un peu avant le village se trouve une maison dont les murs extérieurs sont souillés d'ordures par les habitants; la putréfaction a enlevé cinq pouces du bas de la porte; une seule ouverture, ménagée ingénieusement le soir au moyen de quelques tuiles poussées du dedans au-dehors, et couverte avec un lambeau de natte. Là, sans meubles, étaient entassés trois adultes et cinq enfants. Dunton n'est pas pire que le reste de la Biggleswude Union.

    2) Berkshire.

    Beenham : En juin 1864, un homme demeurait dans un cot (cottage à un seul étage), avec sa femme et quatre enfants. Une de ses filles, atteinte de la fièvre scarlatine et obligée de quitter son emploi, arrive chez lui. Elle meurt. Un enfant tombe malade et meurt également. La mère et un autre enfant étaient atteints du typhus, lorsque le docteur Hunter fut appelé. Le père et un deuxième enfant couchaient au‑dehors, mais, ce qui montre combien il est difficile de localiser l'infection, le linge de cette famille avait été jeté là, sur le marché encombré du misérable village, en attendant le blanchissage. ‑ Loyer de la maison de H. un shilling par semaine; dans l'unique chambre à coucher, un couple et six enfants. Une autre maison, louée huit pence (par semaine), quatorze pieds six pouces de long, sept pieds de large; cuisine six pieds de haut; la chambre à coucher sans fenêtre, sans foyer, sans porte ni ouverture, si ce n'est vers le couloir, pas de jardin. Un homme y demeurait, il y a peu de temps, avec deux filles adultes et un fils adolescent; le père et le fils couchaient dans le lit, les jeunes filles dans le couloir. A l'époque où elles habitaient là, elles avaient chacune un enfant; seulement l'une d'elles était allée faire ses couches au Workhouse et était revenue ensuite.

    3) Buckinghamshire.

    Trente cottages, sur mille acres de terrain, contiennent de cent trente à cent quarante personnes environ. La paroisse de Bradenham comprend une superficie de mille acres; elle avait, en 1851, trente-six maisons et une population de quatre-vingt-quatre hommes et cinquante‑quatre femmes. En 1861, cette inégalité entre les sexes n'existait plus, les personnes du sexe masculin étaient au nombre de quatre-vingt-dix-huit et celles du sexe féminin de quatre-vingt-dix-sept, donnant une augmentation de quatorze hommes et de trente-trois femmes en dix ans. Mais il y avait une maison de moins.

    Winslow : Une grande partie de ce village a été nouvellement bâtie dans le grand style. Les maisons y paraissent être très recherchées, car de misérables huttes sont louées un shilling et un shilling trois pence par semaine.

    Water Eaton : Ici les propriétaires, s'apercevant de l'accroissement de la population, ont détruit environ vingt pour cent des maisons existantes. Un pauvre ouvrier qui avait à faire près de quatre milles pour se rendre à son travail, et auquel on demandait s'il ne pourrait pas trouver un logement plus rapproché, répondit : « Non, c'est impossible, ils se garderont bien de loger un homme avec autant de famille. »

    Tinker's End, près de Winslow : Une chambre à coucher dans laquelle se trouvaient quatre adultes et quatre enfants avait onze pieds de long, neuf de large et six pieds cinq pouces de haut dans l'endroit le plus élevé. Une autre, longue de onze pieds cinq pouces, large de neuf et haute de cinq pieds dix pouces, abritait dix personnes. Chacune de ces familles avait moins de place qu'il n'en est accordé à un galérien. Pas une seule maison n'avait plus d'une chambre à coucher, pas une seule une porte de derrière; de l'eau très rarement, le loyer de un shilling quatre pence à deux shillings par semaine. Sur seize maisons visitées, il n'y avait qu'un seul homme qui gagnât, par semaine, dix shillings. La quantité d'air pour chaque personne, dans les cas ci‑dessus, correspond à celle qui lui reviendrait, si on l'enfermait la nuit dans une boîte de quatre pieds cubes. Il est vrai que les anciennes masures laissent pénétrer l'air par différentes voies.

    4) Cambridgeshire.

    Gamblingay appartient à divers propriétaires. On ne trouverait nulle part des cots plus misérables et plus délabrés. Grand tressage de paille. Il y règne une langueur mortelle et une résignation absolue à vivre dans la fange. L'abandon dans lequel se trouve le centre du village devient une torture à ses extrémités nord et sud, où les maisons tombent morceau par morceau en pourriture. Les propriétaires absentéistes saignent à blanc les malheureux locataires; les loyers sont très élevés; huit à neuf personnes sont entassées dans une seule chambre à coucher. Dans deux cas, six adultes chacun avec deux ou trois enfants, dans une petite chambre.

    5) Essex.

    Dans ce comté, un grand nombre de paroisses voient diminuer à la fois les cottages et les personnes. Dans vingt-deux paroisses, cependant, la destruction des maisons n'a pas arrêté l'accroissement de la population, ni produit, comme partout ailleurs, l'expulsion ‑ qu'on appelle « l'émigration vers les villes ». A Fingringhœ, une paroisse de trois mille quatre cent quarante-trois acres, il y avait cent quarante-cinq maisons en 1851; il n'y en avait plus que cent dix en 1861, mais la population ne voulait pas s'en aller et avait trouvé moyen de s'accroître dans ces conditions. En 1851 Ramsden Crays était habité par deux cent cinquante‑deux individus répartis dans soixante et une maisons, mais en 1861 le nombre des premiers était de deux cent quatre‑vingt‑deux et celui des secondes de quarante-neuf. A Basilden cent cinquante-sept individus occupaient, en 1851, mille huit cent vingt-sept acres et trente-cinq maisons; dix ans après, il n'y avait plus que vingt-sept maisons pour cent quatre‑vingts individus. Dans les paroisses de Fingringhœ, South Fambridge, Widford, Basilden et Ramsden Crays, habitaient, en 1851, sur huit mille quatre cent quarante-neuf acres, mille trois cent quatre-vingt-douze individus, dans trois cent seize maisons; en 1861, sur la même superficie, il n'y avait plus que deux cent quarante-neuf maisons pour mille quatre cent soixante-treize habitants.

    6) Herefordshire.

    Ce petit comté a plus souffert de « l'esprit d'éviction » que n'importe quel autre en Angleterre. A Madby les cottages, bondés de locataires, presque tous avec deux chambres à coucher, appartiennent pour la plus grande partie aux fermiers. Ils les louent facilement trois ou quatre livres sterling par an à des gens qu'ils paient, eux, neuf shillings la semaine !

    7) Huntingdnshire.

    Hartford avait, en 1851, quatre‑vingt‑sept maisons; peu de temps après, dix-neuf cottages furent abattus dans cette petite paroisse de mille sept cent vingts acres. Chiffre de la population en 1831 : quatre cent cinquante‑deux, en 1852, huit cent trente-deux, et en 1861 : trois cent quarante et un. Visité quatorze cots dont chacun avec une seule chambre à coucher. Dans l'un un couple marié, trois fils et une fille adultes, quatre enfants, dix en tout; dans une autre, trois adultes et six enfants. Une de ce chambres, dans laquelle couchaient huit personnes, mesurait douze pieds dix pouces de long sur douze pieds deux pouces de large et six pieds neuf pouces de haut. En comptant les saillies, cela faisait cent trente pieds cubes par tête. Dans les quatorze chambres, trente-quatre adultes et trente-trois enfants. Ces cottages sont rarement pourvus de jardinets, mais nombre d'habitants peuvent louer de petits lopins de terre, à dix ou douze shillings par rood (environ dix-sept pieds). Ces lots sont éloignés des maisons, lesquelles n'ont point de lieux d'aisances. Il faut donc que la famille se rende à son terrain pour y déposer ses excréments, ou qu'elle en remplisse le tiroir d'une armoire. Car cela se fait ici, sauf votre respect. Dès que le tiroir est plein, on l'enlève pour le vider là où on en peut utiliser le contenu. Au Japon, les choses se font plus proprement.

    8) Lincolnshire.

    Langtofft : Un homme habite ici dans la maison de Wright avec sa femme, sa mère et cinq enfants. La maison se compose d'une cuisine, d'une chambre à coucher au‑dessus et d'un évier. Les deux premières pièces ont douze pieds deux pouces de long, neuf pieds cinq pouces de large; la superficie entière a vingt et un pieds trois pouces de longueur sur neuf pieds cinq pouces de largeur. La chambre à coucher est une mansarde dont les murs se rejoignent en pain de sucre vers le toit, avec une lucarne sur le devant. Pourquoi demeure‑t‑il ici ? A cause du jardin ? il est imperceptible. A cause du bon marché ? Le loyer est cher, un shilling trois pence par semaine. Est‑il près de son travail ? Non, à six milles de distance, en sorte qu'il fait chaque jour un voyage de douze milles (aller et retour). Il demeure ici parce que ce cot était à louer et qu'il voulait avoir un cot pour lui tout seul, n'importe où, à quelque prix que ce fût et dans n'importe quelles conditions.

    Voici la statistique de douze maisons de Langtofft avec douze chambres à coucher, trente-huit adultes et trente-six enfants :

    10) Northamptonshire.

    Brenworth, Pickford et Floore : Dans ces villages une trentaine d'hommes, sans travail l'hiver, battent le pavé. Les fermiers ne font pas toujours suffisamment labourer les terres à blé ou à racines, et le propriétaire a jugé bon de réduire toutes ses fermes à deux ou trois. De là manque d'occupation. Tandis que d'un côté du fossé la terre semble appeler le travail, de l'autre, les travailleurs frustrés jettent sur elle des regards d'envie. Exténués de travail l'été et mourant presque de faim l'hiver, rien d'étonnant s'ils disent dans leur patois que « the parson and gentlefolks seem frit to death at them » (que « le curé et les nobles semblent s'être donné le mot pour les faire mourir »).

    A Floore on a trouvé, dans des chambres à coucher de la plus petite dimension des couples avec quatre, cinq, six enfants, ou bien trois adultes avec cinq enfants, ou bien encore un couple avec le grand‑père et six malades de la fièvre scarlatine, etc. Dans deux maisons de deux chambres, deux familles de huit et neuf adultes chacune.

    11) Wiltshire.

    Stratton : Visité trente et une maisons, huit avec une seule chambre à coucher; Pentill dans la même paroisse. Un cot, loué un shilling trois pence par semaine à quatre adultes et quatre enfants, n'avait, sauf les murailles, rien de bon, depuis le plancher carrelé de pierres grossièrement taillées jusqu'à la toiture de paille pourrie.

    12) Worcestershire.

    La destruction des maisons n'a pas été aussi considérable; cependant, de 1851 à 1861, le personnel s'est augmenté par maison de quatre deux individus à quatre six.

    Badsey : Ici beaucoup de cots et de jardins. Quelques fermiers déclarent que les cots sont « a great nuisance here, because they bring the poor » (« les cots font beaucoup de tort, parce que cela amène les pauvres »). « Que l'on bâtisse cinq cents cots, dit un gentleman, et les pauvres ne s'en trouveront pas mieux; en réalité, plus on en bâtit, et plus il en faut. » ‑ Pour ce Monsieur, les maisons engendrent les habitants, lesquels naturellement pressent à leur tour sur « les moyens d'habitation ». ‑ Mais ces pauvres, remarque à ce propos le docteur Hunter, « doivent pourtant venir de quelque part, et puisqu'il n'y a ni charité, ni rien qui les attire particulièrement à Badsey, il faut qu'ils soient repoussés de quelque autre localité plus défavorable encore, et qu'ils ne viennent s'établir ici que faute de mieux. Si chacun pouvait avoir un cot et un petit morceau de terre tout près du lieu de son travail, il l'aimerait assurément mieux qu'à Badsey, où la terre lui est louée deux fois plus cher qu'aux fermiers. »

    L'émigration continuelle vers les villes, la formation constante d'une surpopulation relative dans les campagnes, par suite de la concentration des fermes, de l'emploi des machines, de la conversion des terres arables en pacages, etc., et l'éviction non interrompue de la population agricole, résultant de la destruction des cottages, tous ces faits marchent de front. Moins un district est peuplé, plus est considérable sa surpopulation relative, la pression que celle-ci exerce sur les moyens d'occupation, et l'excédent absolu de son chiffre sur celui des habitations; plus ce trop-plein occasionne dans les villages un entassement pestilentiel. La condensation de troupeaux d'hommes dans des villages et des bourgs correspond au vide qui s'effectue violemment à la surface du pays. L'incessante mise en disponibilité des ouvriers agricoles, malgré la diminution positive de leur nombre et l'accroissement simultané de leurs produits, est la source de leur paupérisme : ce paupérisme éventuel est lui-même un des motifs de leur éviction et la cause principale de leur misère domiciliaire, qui brise leur dernière force de résistance et fait d'eux de purs esclaves des propriétaires [32] et des fermiers. C'est ainsi que l'abaissement du salaire au minimum devient pour eux l'état normal. D'un autre côté, malgré cette surpopulation relative, les campagnes restent en même temps insuffisamment peuplées. Cela se fait sentir, non seulement d'une manière locale sur les points où s'opère un rapide écoulement d'hommes vers les villes, les mines, les chemins de fer, etc., mais encore généralement, en automne, au printemps et en été, aux moments fréquents où l'agriculture anglaise si soigneuse et si intensive, a besoin d'un supplément de bras. Il y a toujours trop d'ouvriers pour les besoins moyens, toujours trop peu pour les besoins exceptionnels et temporaires de l'agriculture [33]. Aussi les documents officiels fourmillent‑ils de plaintes contradictoires, faites par les mêmes localités, à propos du manque et de l'excès de bras. Le manque de travail temporaire ou local n'a point pour résultat de faire hausser le salaire, mais bien d'amener forcément les femmes et les enfants à la culture du sol et de les faire exploiter à un âge de plus en plus tendre. Dès que cette exploitation des femmes et des enfants s'exécute sur une plus grande échelle, elle devient, à son tour, un nouveau moyen de rendre superflu le travailleur mâle et de maintenir son salaire au plus bas. L'est de l'Angleterre nous présente un joli résultat de ce cercle vicieux, le système des bandes ambulantes (Gangsystem), sur lequel il nous faut revenir ici [34].

    Ce système règne presque exclusivement dans le Lincolnshire, le Huntingdonshire, le Cambridgeshire, le Norfolkshire, le Suffolkshire et le Nottinghamshire. On le trouve employé çà et là dans les comtés voisins du Northampton, du Bedford et du Ruthland. Prenons pour exemple le Lincolnshire. Une grande partie de la superficie de ce comté est de date récente; la terre, jadis marécageuse, y a été, comme en plusieurs autres comtés de l'Est, conquise sur la mer. Le drainage à la vapeur a fait merveille, et aujourd'hui ces marais et ces sables portent l'or des belles moissons et des belles rentes foncières. Il en est de même des terrains d'alluvion, gagnés par la main de l'homme, comme ceux de l'île d'Axholme et des autres paroisses sur la rive du Trent. A mesure que les nouvelles fermes se créaient, au lieu de bâtir de nouveaux cottages, on démolissait les anciens et on faisait venir les travailleurs de plusieurs milles de distance, des villages ouverts situés le long des grandes routes qui serpentent au flanc des collines. C'est là que la population trouva longtemps son seul refuge contre les longues inondations de l'hiver. Dans les fermes de quatre cents à mille acres, les travailleurs à demeure (on les appelle confined labourers) sont employés exclusivement aux travaux agricoles permanents, pénibles et exécutés avec des chevaux. Sur cent acres environ, c'est à peine si l'on trouve en moyenne un cottage. Un fermier de marais, par exemple, s'exprime ainsi devant la Commission d'enquête : « Ma ferme s'étend sur plus de trois cent vingt acres, tout en terre à blé. Elle n'a point de cottage. A présent, je n'ai qu'un journalier à la maison. J'ai quatre conducteurs de chevaux, logés dans le voisinage. L'ouvrage facile, qui nécessite un grand nombre de bras, se fait au moyen de bandes [35]. » La terre exige certains travaux de peu de difficulté, tels que le sarclage, le houage, l'épierrement, certaines parties de la fumure, etc. On y emploie des gangs ou bandes organisées qui demeurent dans les localités ouvertes.

    Une bande se compose de dix à quarante ou cinquante personnes, femmes, adolescents des deux sexes, bien que la plupart des garçons en soient éliminés vers leur treizième année, enfin, enfants de six à treize ans. Son chef, le Gangmaster, est un ouvrier de campagne ordinaire, presque toujours ce qu'on appelle un mauvais sujet, vagabond, noceur, ivrogne, mais entreprenant et doué de savoir‑faire. C'est lui qui recrute la bande, destinée à travailler sous ses ordres et non sous ceux du fermier. Comme il prend l'ouvrage à la tâche, son revenu qui, en moyenne, ne dépasse guère celui de l'ouvrier ordinaire [36], dépend presque exclusivement de l'habileté avec laquelle il sait tirer de sa troupe, dans le temps le plus court, le plus de travail possible. Les fermiers savent, par expérience, que les femmes ne font tous leurs efforts que sous le commandement des hommes, et que les jeunes filles et les enfants, une fois en train, dépensent leurs forces, ainsi que l'a remarqué Fourier, avec fougue, en prodigues, tandis que l'ouvrier mâle adulte cherche, en vrai sournois, à économiser les siennes. Le chef de bande, faisant le tour des fermes, est à même d'occuper ses gens pendant six ou huit mois de l'année. Il est donc pour les familles ouvrières une meilleure pratique que le fermier isolé, qui n'emploie les enfants que de temps à autre. Cette circonstance établit si bien son influence, que dans beaucoup de localités ouvertes on ne peut se procurer les enfants sans son intermédiaire. Il les loue aussi individuellement aux fermiers, mais c'est un accident qui n'entre pas dans le « système des bandes ».

    Les vices de ce système sont l'excès de travail imposé aux enfants et aux jeunes gens, les marches énormes qu'il leur faut faire chaque jour pour se rendre à des fermes éloignées de cinq six et quelquefois sept milles, et pour en revenir, enfin, la démoralisation de la troupe ambulante. Bien que le chef de bande, qui porte en quelques endroits le nom de « driver » (piqueur, conducteur), soit armé d'un long bâton, il ne s'en sert néanmoins que rarement, et les plaintes de traitement brutal sont l'exception. Comme le preneur de rats de la légende, c'est un charmeur, un empereur démocratique. Il a besoin d'être populaire parmi ses sujets et se les attache par les attraits d'une existence de bohème ‑ vie nomade, absence de toute gêne, gaillardise bruyante, libertinage grossier. Ordinairement la paye se fait à l'auberge au milieu de libations copieuses. Puis, on se met en route pour retourner chez soi. Titubant, s'appuyant de droite et de gauche sur le bras robuste de quelque virago, le digne chef marche en tête de la colonne, tandis qu'à la queue la jeune troupe folâtre et entonne des chansons moqueuses ou obscènes. Ces voyages de retour sont le triomphe de la phanérogamie, comme l'appelle Fourier. Il n'est pas rare que des filles de treize ou quatorze ans deviennent grosses du fait de leurs compagnons du même âge. Les villages ouverts, souches et réservoirs de ces bandes, deviennent des Sodomes et des Gomorrhes [37], où le chiffre des naissances illégitimes atteint son maximum. Nous connaissons déjà la moralité des femmes mariées qui ont passé par une telle école [38]. Leurs enfants sont autant de recrues prédestinées de ces bandes, à moins pourtant que l'opium ne leur donne auparavant le coup de grâce.

    La bande dans la forme classique que nous venons de décrire se nomme bande publique, commune ou ambulante (public, common or tramping gang). Il y a aussi des bandes particulières (private gangs), composées des mêmes éléments que les premières mais moins nombreuses, et fonctionnant sous les ordres, non d'un chef de bande, mais de quelque vieux valet de ferme, que son maitre ne saurait autrement employer. Là, plus de gaieté ni d'humeur bohémienne, mais, au dire de tous les témoins, les enfants y sont moins payés et plus maltraités.

    Ce système qui, depuis ces dernières années, ne cesse de s'étendre [39], n'existe évidemment pas pour le bon plaisir du chef de bande. Il existe parce qu'il enrichit les gros fermiers [40] et les propriétaires [41]. Quant au fermier, il n'est pas de méthode plus ingénieuse pour maintenir son personnel de travailleurs bien au‑dessous du niveau normal ‑ tout en laissant toujours à sa disposition un supplément de bras applicable à chaque besogne extraordinaire ‑ pour obtenir beaucoup de travail avec le moins d'argent possible [42], et pour rendre « superflus » les adultes mâles. On ne s'étonnera plus, d'après les explications données, que le chômage plus ou moins long et fréquent de l'ouvrier agricole soit franchement avoué, et qu'en même temps « le sys­tème des bandes » soit déclaré « nécessaire », sous prétexte que les travailleurs mâles font défaut et qu'ils émigrent vers les villes [43].

    La terre du Lincolnshire nettoyée, ses cultivateurs souillés, voilà le pôle positif et le pôle négatif de la production capitaliste [44].

    Encore un fois :

    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-25-5-e.htm

    Lisez les références en bas bas de la page merci.

    jipi Toi Tu comprends pas pas les réponses.

    cemab Les explications c’est pour les gens qui ont des neurones dans la caboche pas une bite à la place.

    quoikicause Encore un paté copié-collé d'un site de propagande. Au fait, le petit "soldat" cégétiste gauchiste, il sait que le communisme était tellement bien que les citoyens, là-bas, en ont cassé un mur et fait tomber un rideau de fer ?

    C’est ton excuse pour ne pas lire qu'elle que chose qui ne passe jamais à la téloche?

    cemab Bah tu connais un bon moyen de maximiser les profits? Faire bosser des gens gratos ! Même un gosse de 7 ans il comprends !

    Une moitié des catégories de travailleurs industriels ne prenait jamais de bière; un tiers, vingt-huit pour cent, jamais de lait. La moyenne d'aliments liquides, par semaine, dans les familles, oscillait de sept onces chez les couturières à vingt-quatre onces trois quarts chez les bonnetiers. Les couturières de Londres formaient la plus grande partie de celles qui ne prenaient jamais de lait. Le quantum de pain consommé hebdomadairement variait de sept livres trois quarts chez les couturières à onze et quart chez les cordonniers; la moyenne totale était de neuf livres par tête d'adulte. Le sucre (sirop, etc.) variait par semaine également de quatre onces pour les gantiers à dix onces pour les bonnetiers; la moyenne totale par adulte, dans toutes les catégories, ne s'élevait pas au‑dessus de huit onces. Celle du beurre (graisse, etc.), était de cinq onces. Quant à la viande (lard, etc.), la moyenne hebdomadaire par adulte oscillait entre sept onces et quart chez les tisseurs de soie, et dix-huit et quart chez les gantiers. La moyenne totale était de treize onces un sixième pour les diverses catégories. Les frais de nourriture par semaine, pour chaque adulte, atteignaient les chiffres moyens suivants : Tisseurs de soie, deux shillings deux pence et demi; couturières, deux shillings sept pence; gantiers, deux shillings neuf pence et demi; cordonniers, deux shillings sept pence trois quarts; bonnetiers, deux shillings six pence un quart. Pour les tisseurs de soie de Macclesfield, la moyenne hebdomadaire ne s'élevait pas au‑dessus de un shilling huit pence un quart. Les catégories les plus mal nourries étaient celles des couturières, des tisseurs de soie et des gantiers [5].

    Ajorud'hui on pourrait parler du frigo vide des GJ.

    https://gilets-jaunes-actu.fr/feeds/5c6847ba3b9b9e084f4b7091/une-gilet-jaune-avant-le-15-du-mois-le-frigo-est-vide

      Plariste-le-Revanite cemab Les explications c’est pour les gens qui ont des neurones dans la caboche pas une bite à la place.

      cemab Bah tu connais un bon moyen de maximiser les profits? Faire bosser des gens gratos ! Même un gosse de 7 ans il comprends !

      je ne vois pas l'intérêt de me dire que j'ai des neurones dans la caboche, je le sais ; en revanche, que tu y aies une bite malgré l'absence de neurones, je trouverais ça remarquable ; tu peux dire comment tu fais ?

      et c'est pas très clair ton expli

        Déjà, c'est pas 'ta' réponse, c'est un truc que tu as copié-dégueulé sur le forum.

        Il faut vraiment accepter ces chapitres copiés et collés???
        Ce mec est pénible et même toxique...

        cemab J'ai craqué j'ai balancé les explictaion quand même...

        Mais tu connais l'expression avoir une bite à la place du cerveau? ça veut dire soi que t'es un débilos pipicaca perles du fopo soit que t'es un obsédé sexuel !

        P.S : Jipi maintenant tu connais le principe d'accumulation du capital, l'accumulation primitive c'est l'accumulation du capital au tout débudébutdbut ! Tu vois commerces triangulaires Hollandes, colonies, les fabrications d'armes vers la fin de la féodalité..... La réorganisation de l'artisanat.....

        L'esclave au Portugal aux U.S.A etc etc etc...

          Plariste-le-Revanite Mais tu connais l'expression avoir une bite à la place du cerveau? ça veut dire soi que t'es un débilos pipicaca perles du fopo soit que t'es un obsédé sexuel !

          très bien, mais comme t'as craqué comme tu dis, ça ne me concerne pas.
          Donc, quel intérêt de le mettre si c'est pour se vautrer tout seul dans la foulée ?

          je suis sûr que tes pompes sont moins connes que toi

          Sauf que tu fais de l'esclavage l'alpha et l'omega de la révolution industrielle aux USA, ce qui est totalement faux !

            Pour en remettre une couche:

            Plariste-le-Revanite Y'a pas eu de l'esclavage dans le sud?

            Trente ans après la guerre de Sécession le Sud restait pour une grande part une région pauvre, beaucoup trop tournée vers l'agriculture et économiquement dépendante. L'industrie ne s'y était pas développée en dépis des avantages offerts aux investisseurs.

            http://www.medarus.org/NM/NMTextes/nm_04_02_forward.htm

              jipi Bah les capitaux se sont formés ici, avant que les barons voleurs ne viennent bâtir leur empire aux U.S.A.

              jipi J'ai jamais dit que l'esclavage n'était pas un régime archaïque qui étrangle les force productive comme le féodalisme par rapport au capitalisme et comme le capitalisme par rapport au socialisme.

              C'est vrai qu'aux Antilles avoir les esclaves qui devaient maintenant se loger se nourrir et s'habiller tout seul ça a boosté l’économie.

              Toujours est-il qu'on parle d'accumulation PRIMITIVE des capitaux.

                Tu parles de la révolution industrielle américaine due à l'esclavage, et tu en parles encore même quand on te démontre que c'est faux !

                  Plariste-le-Revanite C’est ton excuse pour ne pas lire qu'elle que chose qui ne passe jamais à la téloche?

                  Je ne lis jamais vos conneries copiées collées. Auriez-vous honte de vos sources ?
                  Au fait, concernant la chute du mur et le démembrement du rideau de fer, vous n'avez rien à dire sur cela ? Serait-ce que cela mettrait à mal votre propagande communiste si vous deviez reconnaître que les citoyens de ces pays vivaient mal ?

                    jipi Tu sursimplifie mon propos. Mais si tu prenais mon propos dans sa complexité tu verrais que j'ia raison, le sud n'a pas été pillé par le nord et il a connu une croissance rapide grâce à la fin de l'esclavage quoique retardé car il ont utilisé les prisonniers comme main d'oeurve durable.

                    https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclavage_aux_%C3%89tats-Unis

                    La part dans la production mondiale du coton brut des plantations américaines est ensuite passée brutalement de 5 % à 70 % en moins de quinze ans, entre 1790 et 1805, les nouveaux États-Unis d'Amérique tentant difficilement de suivre l'explosion de la demande des fabriques de la région de Manchester, dans l'ancienne puissance colonisatrice, où le coton est sur cette courte période le ferment de la première révolution industrielle d'Europe11.

                    Et oui le capitalisme tends à la mondialisation.

                    Plariste-le-Revanite J'ai jamais dit que l'esclavage n'était pas un régime archaïque qui étrangle les force productive comme le féodalisme par rapport au capitalisme et comme le capitalisme par rapport au socialisme.

                    C'est vrai qu'aux Antilles avoir les esclaves qui devaient maintenant se loger se nourrir et s'habiller tout seul ça a boosté l’économie.

                    Toujours est-il qu'on parle d'accumulation PRIMITIVE des capitaux.

                    Je veux dire par primitive que l'esclavage a permit de développer les capitaux qui ont servit à investir pour soutenir la révolution industrielle.

                    L'esclavage américain a aussi soutenu la révolution industrielle anglaise. Et par conséquent la révolution industrielle allemande et donc le capital des barrons voleurs qui sont venu piller erm je veux dire investir aux U.S.A.