Donc, après la mort de Charlemagne, l'Eglise fit face à de nouveaux périls.
Ce fut une période extrêmement douloureuse, de violences, de désordres et de dégradation. Alors que Charlemagne avait su donner un demi-siècle de lumière à l'Europe, 200 ans d'enfoncement dans la nuit succédèrent.
Le problème qui allait seposer de la façon la plus tragique aux descendants de Charlemagne pouvait sembler résolu mais il ne l'était pas, celui de la menace barbare, de la reprise de l'invasion. Les coups frappés vers le Nord, vers l'Est ou vers le Sud avaient évidemment eu pour résultat de tenir en respect les agresseurs éventuels. Ce fut probablement le plus saisissant des spectacles de l'époque des temps barbares que cet écroulement d'une entreprise que l'intelligence, le courage et la foi semblaient avoir consacrée pour durer. Quand l'Empire romain avait cédé sous les coups des hordes barbares, cette ruine avait pu paraître logique mais la débacle du 9ème siècle, déconcerte, à première vue. Pourtant, les raisons qui l'expliquent se dénombrent sans peine.
Le problème qui allait se poser de la façon la plus tragique aux descendants de Charlemagne pouvait sembler résolu, il ne l'était pas, en fait, qu'en apparence, celui de la menace barbare, de la reprise de l'invasion. Les Slaves , grande vague de l'inépuisable marée aryenne qui venait de s'installer jusqu'à l'Elbe, ont été non seulement contenus mais utilisés contre Witikind. En Méditerranée, les Sarrasins, ramassis de pirates, sont les maîtres de la Mare Nostrum, dont ils ont disloqué la vie économique pour des siècles. Contre ce péril, les tours de guets et de résistance de Corse et de Ligurie, peuvent paraître efficaces parce qu'une flotte appuyée sur les Baléares est prête à la riposte et que les Musulmans, au fait de la puissance de l'Empire, ne sont pas très enclins à l'attaquer. Mais rien n'a été fait contre leurs bases, notamment celles d'Afrique, et il suffira d'un fléchissement dans la défense pour que les côtes d'Europe voient foncer sur elles ces grands ravageurs. Sur l'Atlantique, la situation est exactement la même, où le péril est pire encore. Les Vikings manifestent une énergie agressive et une fièvre de conquête. Charlemagne a lancé ses flottes, mais il n'a pu faire davantage, anéantir leurs bases de départs en Norvège et au Danemark. Un chroniqueur de cette époque, un certain Saint-Gall, a évoqué Charlemagne qui, au cours d'un voyage sur le bord de l'Océan, regardait impuissant défiler les voiles des Vikings, comme des oiseaux noirs sur l'horizon, dit-il, conscient du anger que pèserait sur ses successeurs, ces agressifs barbares venus du Nord.
Charlemagne a rassemblé et unifié le plus qu'il a pu de la race germanique et réalisé à bien des aspects d'une haute civilisation. Mais quand une masse humaine déjà civilisée prétend intégrer une autre masse demeurée encore primitive, l'influence du vaincu sur le vainqueur ne peut être que désastreuse. Les forces brutes étaient encore trop vivaces pour qu'un humanisme d'intellectuels et de clercs, pût les contenir. Pour faire front à de tels dangers, il eût fallu que l'Empire demeurat une réalité puissante, avec une volonté de discipline et d'unité qu'il avait été au temps de Charlemagne. Mais tout se disloquait. Malheureusement, son oeuvre ne lui survécut guère, en partie par sa faute et en partie sans qu'il n'y fut pour rien. Son erreur fut de n'avoir pas réglé dans le sens qu'eut exigé toute sa politique, le problème de sa succession.