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Puisse ce sujet être un support à la réflexion, avec pour support cette excellente référence proposée par @af90 écrite par mme Weil : Note sur la suppression générale des partis politiques.
L'idée est ici de discuter et comprendre la défiance d'une partie du monde vis à vis des invocations de la démocratie à des fins d'ingérences amorales parfois violentes.
Également, peut-on jauger de la compatibilité de ces invocations avec l'idéal républicain que nous serions tenté d'attendre de tels parangons ?
Les digression sur les questions de la démocratie ou de son illusion dans notre régime politique ne me sont pas malvenues non plus après tout : ce n'est pas parceque l'on invoque un précepte qu'on le vit ni le défend réellement après tout. A la discrétion de la modération pour ses limites.
Citons ainsi notre support :
Mais il faut d’abord reconnaître quel est le critère du bien.
Ce ne peut être que la vérité, la justice, et, en second lieu, l’utilité publique.
La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison.
Où mme Weil semble considérer que "voir en la Démocratie une fin" serait une erreur grossière.
Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.
Notre idéal républicain procède entièrement de la notion de volonté générale due à Rousseau. Mais le sens de la notion a été perdu presque tout de suite, parce qu’elle est complexe et demande un degré d’attention élevé.
Rousseau partait de deux évidences. L’une, que la raison discerne et choisit la justice et l’utilité innocente, et que tout crime a pour mobile la passion. L’autre, que la raison est identique chez tous les hommes, au lieu que les passions, le plus souvent, diffèrent. Par suite, si, sur un problème général, chacun réfléchit tout seul et exprime une opinion, et si ensuite les opinions sont comparées entre elles, probablement, elles coïncideront par la partie juste et raisonnable de chacune et différeront par les injustices et les erreurs.
C’est uniquement en vertu d’un raisonnement de ce genre qu’on admet que le consensus universel indique la vérité.
La vérité est une. La justice est une. Les erreurs, les injustices sont indéfiniment variables. Ainsi les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger. L’union étant une force matérielle, on peut espérer trouver là une ressource pour rendre ici-bas la vérité et la justice matériellement plus fortes que le crime et l’erreur.
Il y faut un mécanisme convenable. Si la démocratie constitue un tel mécanisme, elle est bonne. Autrement non.
Où mme Weil, developpant Rousseau signifie qu'une démocratie soumise aux passions serait un mal à éviter.
En effet :
Il y a plusieurs conditions indispensables pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux doivent particulièrement retenir l’attention.
L’une est qu’au moment où le peuple prend conscience d’un de ses vouloirs et l’exprime, il n’y ait aucune espèce de passion collective.
Il est tout à fait évident que le raisonnement de Rousseau tombe dès qu’il y a passion collective. Rousseau le savait bien. La passion collective est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle. Les impulsions mauvaises, en ce cas, loin de se neutraliser, se portent mutuellement à la millième puissance. La pression est presque irrésistible, sinon pour les saints authentiques. (...)
Quand il y a passion collective dans un pays, il y a probabilité pour que n’importe quelle volonté particulière soit plus proche de la justice et de la raison que la volonté générale, ou plutôt ce qui en constitue la caricature.
La seconde condition est que le peuple ait à exprimer son vouloir à l’égard des problèmes de la vie publique, et non pas à faire seulement un choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables. Car la volonté générale est sans aucune relation avec un tel choix. (...)
Il est indéniable que furent exacerbées les passions pour pousser l'opinion publique à accepter les dernières ingérences de l'Occident au cours des dernières années.
Aux lumières de cet essai de mme Weil, n'est-ce pas une contradiction totale avec l'esprit démocratique et plus particulièrement notre idéal républicain ?
Se pose également la question de la compatibilité de nos média de masse avec ces idéaux, observant leur dépendance assumée à une oligarchie ploutocratique.
En effet, ces passions étant fortement relayées par les moyens de cette oligarchie, ces invocations de la Démocratie ne sont-elles alors pas uniquement des manipulations oligarchiques ?
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Cette perception ne serait-elle alors pas plus criante à qui subirait ces ingérences dans leur plus violentes conséquences, subissant de leurs chairs l'injustice et les maux les plus flagrants en totale contradiction avec l'idéal revendiqué ?
Si le monde non-occidental juge ainsi ces ingérences du monde occidental au nom de la Démocratie comme un injuste mal, ne pointe-t-il pas là une contradiction majeure de notre idéal, ou pire, l'infâme déguisement d'une malfaisante oligarchie dont nous serions complice ?
Le rejet facile de ces accusations ne serait-il alors pas une triste conséquence d'une propagande bien ficelée qui contrôle et enferme nos systèmes politiques en des fins injustes et malfaisantes par l'usage des passions ?