[supprimé]
1- L'antisémitisme est un concept né au XIXème siècle dans le cadre des débats sur les races, et les peuples. Il est question d'attribuer des caractères ou propriétés à des peuples ou races : en tant qu'il est sémite, il est ceci ; ou, en tant qu'il est juif, il est ceci. Il s'agit d'une propriété qui résulte nécessairement de l'être de la race, ou de l'être du peuple à laquelle l'individu considéré participe ou appartient. La réflexion sur les peuples est équivalente à la réflexion sur les races lorsque « la race » fait le peuple.
L'étape suivante consiste à hiérarchiser lesdits peuples, ou lesdites races en fonction de critères déterminés : on parle alors de racisme. Dans sa forme la plus systématique, cela pourrait donner une classification des races ou peuples, fondée sur des propriétés conçues comme résultant nécessairement de l'être des peuples, présentes dans tous les individus qui participent des peuples en question.
2- Les diverses sectes chrétiennes sont-elles « antisémites » ? Pour commencer, je concède que je ne les connais pas toutes dans le détail, sachant qu'elles ont commencé à proliférer dès la génération qui suit le Christ. Pour répondre à cette question, il faudrait examiner les doctrines considérées, sachant qu'en plus elles ne brillent vraiment pas toutes par leur cohérence : d'autant moins à mesure qu'elles se rapprochent de simples mouvements d'opinions. Ce n'est pas vraiment un caractère propre aux sectes théologiques.
Disons quand même que les diverses sectes se réclament du Christ, et pour une grande majorité d'entre elles le considèrent comme annoncé par les prophéties. Au contraire, les diverses sectes juives comme en témoigne leur non-conversion ne le reconnaissent pas. L'hostilité repose sur ce fait, et tend à croître me semble-t-il à mesure que les sectes juives sont accusées de déni.
Il y a accusation d'« antisémitisme » : de racisme antijuif, parce que l'accusation tend à passer des individus, à la communauté juive dans l'ensemble : ce n'est plus tel juif de telle secte qui est accusé de déni, mais les juifs dans l'ensemble ; de la même façon, l'accusation ne porte plus sur quelques juifs qui ont voulu ou participé à la mort du Christ, mais sur l'ensemble du peuple juif.
Néanmoins, l'accusation ne repose pas sur une supposée propriété partagée par ces individus, en raison de leur race ou de leur peuple conçu comme une race. Il est plus question d'une instruction et d'une éducation qui poussent à considérer, le Christ comme un faux messie, un hurluberlu, qui a très bien réussi. D'ailleurs, conformément à l'élément de doctrine précédent partagé par une grande majorité des sectes chrétiennes, l'hostilité envers "le juif" cesse s'il se convertit, ce qui ne serait pas possible si cette dernière reposait sur sa « race » ou sur son peuple conçu comme une race,
3- Tel chrétien de telle secte est hostile à toutes les autres sectes religieuses, qu'elles se disent chrétiennes ou d'une autre grande « religion ». Il est également hostile aux sectes philosophiques, et même aux individus qui voudraient échapper à son sujet. Plus généralement, il en va de même pour tel individu de telle secte, quelle que soit la politique de la secte, à l'égard des autres.
Même dans le cas de la coexistence pacifique pratiquée, cela n'empêche pas les individus de la secte de considérer qu'elle est la seule à pratiquer la bonne et vraie religion, ou la bonne et vraie politique, ou la bonne et vraie philosophie, et de considérer tous les individus qui ne sont pas de sa secte, comme des adversaires ou ennemis à mesure que leurs idées ou croyances s'éloignent de celles de la secte. Dans le cas d'une secte chrétienne, les adversaires ou ennemis sont soit des impies, soit des infidèles, soit des idolâtres, soit des hérétiques… Concernant les sectes juives, toujours pour les sectes chrétiennes, il faut ajouter le grief précédemment évoqué.
Si l'on considère, à présent, la mutation opérée dans la définition du peuple juif au XIXème siècle, de peuple fondé sur une religion, à peuple fondé sur une histoire commune, un destin commun, un nationalisme si je résume, dans la mesure où les individus dits juifs appartiennent de moins en moins à des sectes de la religion juive, l'hostilité des sectes chrétiennes envers ces « juifs » change. Par exemple, quand ils étaient socialistes et sionistes, ils étaient devenus... des impies.
Si je me plaisais à exposer les contradictions qui viennent des opinions humaines, qui en général, je le répète, se soucient assez peu de cohérence, je signalerais que ces juifs sont devenus des non-juifs, en raison du rejet de leur religion qui fonde leur nation, qui continuent de s'affirmer Juifs, au nom d'une conception de la nation différente, qui n'a absolument aucun rapport avec la doctrine d'une quelconque secte juive, qui est donc venue des non-juifs. Il y a possibilité d'affirmer qu'ils sont devenus des Juifs corrompus plutôt que des non-Juifs, autre interprétation qui pour le coup suppose peut-être une doctrine raciste.
4- Je ne sais pas si ce point vous concerne, mais la précision sera utile : il y a une différence entre constater l'hostilité entre des communautés, et en faire une faute imputable à ces communautés. Soit cela sous-tend que leur hostilité repose sur une mauvaise raison, soit qu'il n'y a jamais de raison d'être hostile, ce qui implique aussi par extension soit condamnation des guerres qu'elles se livrent, soit de la guerre plus simplement.
Seconde précision, à peu près de même nature : il y a une différence entre décrire ou établir la politique que dans telle cité, à telle époque, tel souverain, a mené à l'encontre d'une autre communauté, et en faire une faute imputable à telle cité et tel souverain. C'est une question de philosophie politique : appartient-il au souverain de chaque cité de décider quelle politique il mènera vis-à-vis de telle ou telle communauté ?
Dans le cas d'un souverain d'une secte chrétienne qui fait de sa foi le facteur d'unité de son royaume, les juifs deviennent une menace au même titre qu'une autre religion, ou qu'une autre secte que celle du souverain. La politique la plus en adéquation est évidemment la persécution, qui d'ailleurs peut même prendre la forme d'un devoir pour le souverain pour protéger la vraie religion.
Une telle considération s'oppose aujourd'hui à certains de nos dogmes politiques : 1- liberté de religion comme droit fondamental ;2- liberté d'expression ; 3- tout souverain qui ne garantit pas les droits fondamentaux est un tyran ; ou si vous préférez une autre formulation : toute cité dont le souverain ne garantit pas les droits fondamentaux n'est pas une res publica...
Plus généralement, il s'agit d'un des problèmes majeurs de l'histoire ou enquête : des faits passés à traiter, et le plus souvent d'une autre société, ce qui signifie aussi bien d'autres mœurs que d'autres idées que l'historien qui les traite. Même séparer l'enquête comme description de l'enquête comme critique ne résout pas la difficulté, en raison des concepts utilisés : à partir de quelles idées l'historien juge-t-il est toujours une question à se poser. L'enquête en question doit supposer comme un dialogue entre celui qui la mène et son sujet, pour être bien menée, si je résume un peu rapidement, d'examiner le plus possible en faisant fi de ses préjugés ou opinions, d'éviter de jouer les juge d'instruction avec procédure inquisitoire à partir de ce qu'il croit et aime.
5- Notons que dans la mesure où la critique des précédents dogmes n'existe que très peu, ou disons plus exactement, est très peu diffusée dans notre cité, il n'est pas vraiment possible à nos concitoyens d'imaginer qu'un point de vue contraire puisse être ne serait-ce que raisonnable.
Allez, brièvement : l'appartenance à une secte religieuse suppose si je résume un dogme ou des croyances, un culte, des mœurs ; la coexistence d'individus aux croyances, voire aux mœurs différentes suppose dans le meilleur des cas, celui où ils acceptent de souffrir ce qu'ils considèrent comme les bizarreries ou imbécillités des autres, qu'ils vivront les uns à côté des autres, dans la mesure où ils ne sont pas contraints à coopérer, par exemple au travail : toujours dans le meilleur des cas, la tolérance suppose de renoncer à l'amitié ou fraternité des différents citoyens comme principe de la cité, ou disons si vous trouvez cette considération trop utopique, à introduire une cause de division ou dissension de plus entre citoyens, sachant que les cités n'en manquent pas. Dans le pire des cas, celui où les individus ne comprennent pas, ou plus, que la tolérance suppose souffrance ou effort sur soi, cette coexistence devient le prétexte d'une guerre politique de tous les instants au sein de la cité, avec instrumentalisation possible de l'idéologie de la cité, de ses lois, par telle ou telle des factions…
Sachant qu'en fait, les hommes aux croyances et mœurs différentes s'apprécient très peu, souvent même se comprennent très peu, et ne présentent d'ailleurs pas vraiment la volonté de se comprendre plus, se contentant dans le pire des cas, des opinions ou ouï-dire de leur petite chapelle à propos des autres, dans le meilleur des cas, des productions scientifiques allant dans leur sens, il est certainement plus raisonnable pour une cité d'avoir des idées ou croyances dites orthodoxes, et des règles en matière de mœurs, de les imposer, et de les défendre ; point de vue évidemment peu compatible, répétons-le, avec nos divers droits naturels ou fondamentaux.
Évidemment, je n'omets pas comme inconvénient relatif qu'un tel dogmatisme ne favorise pas l’élévation des débats et des esprits, une misère certes pour ceux qui aiment la réflexion, mais en considération du précédent propos, la présence de sectes aux idées différentes ne le favorise pas plus.