Il n'y a pas tant d'écart que ça entre les meilleurs français et les top Tour, qui en fait ne sont que deux et demi.
Il fut un temps, durant les années Armstrong, où le meilleur français arrivait aux Champs avec au moins 25 minutes dans la musette : Simon en 2001, Virenque et Moncoutié en 2002... De mémoire, seul Moreau était revenu à Paris avec moins d'1/4h de débours.

Economiquement les équipes françaises sont très en-dessous. Elles ne peuvent se permettre de laisser un coureur se focaliser uniquement sur le Tour comme le font UAE et Visma pour Pogacar (relativement en 2022) et Vingegaard, elles usent leurs coureurs sur des courses annexes, imposées par les sponsors. Le Tour est tellement difficile qu'il réclame quasiment l'exclusivité de l'engagement sur une saison. Si Thomas ne s'était pas usé au Tour de Suisse, il serait dans la roue des deux autres. Pogacar a sans doute trop couru en début 2022, Tirreno, Strade Bianche, Tour des Flandres, Flèche Wallonne...il arrive sur le Tour râpé.

Pour gagner le Tour, il faut une grosse équipe à 27/30 millions de budget minimum et un coureur qui ne se consacre qu'au Tour.

Capitulation en règle du solvène du côté de Peyresourde et du final (laidissime) sur le tarmac de Peyragudes. Du tarmac Nulty devrait-on même dire tant l'ascension finale du coéquipier de Pogacar fut époustouflante.
Mais il n'y a rien à faire contre Vingegaard, son coup de pédale du Granon le laissait présager, celui du Val Louron l'a définitivement installé tout en haut, inaccessible.
Et ce d'autant plus que les Visma l'ont cette fois abandonné dans la pampa, avec deux UAE prêts à le pousser à la faute. Rincés les Visma, il est temps que leur Tour se finisse.
Gaudu mérite la quatrième place et Bardet la cinq. Quintana et ses 42 kg ont l'air collés au bitume dès que ça grimpette, ça devrait casser sur de plus dures pentes.

Et justement , demain c'est infiniment plus difficile. Hautacam c'est plus dur que l'Alpe, Spandelles, ça sent le chantier d'épouvante...mais avant tout ça il y a l'Aubisque.

Et l'Aubisque, c'est un grand HC avec ses dix derniers km à plus de 9%, et une descente périlleuse sur le Soulor. Thevenet en 72 y est parti au ravin, avec traumatisme cranien et perte de connaissance. Il a suivi Ocana dans les précipices du Soulor après avoir franchi l'Aubisque sous la pluie. Remonté sur la route par des spectateurs et remis sur sa selle, il reprend la course comme il peut. Arrivé à Pau, en sang, avec une large plaie sur le cuir chevelu, il confie au toubib qui vient le recoudre : "heureusement qu'on n'a pas monté l'Aubique sinon jamais j'aurais pu finir l'étape". Et hop, hospitalisation immédiate. Qu'il quitte le lendemain contre l'avis de tout le corps médical. Une semaine plus tard, il gagne au Ventoux. Ces hommes-là sont d'ailleurs.

[supprimé] Un Froome arrivait à aligner les trois tours mais il n'avait pas de rival sur le tour de France donc il pouvait s'économiser.

[supprimé] Si Thomas ne s'était pas usé au Tour de Suisse, il serait dans la roue des deux autres.

Je trouve qu'il est à son niveau et déjà pas mal pour un coureur de 36 ans.

jack127 Un Froome arrivait à aligner les trois tours mais il n'avait pas de rival sur le tour de France donc il pouvait s'économiser.

Froome n'a réussi qu'un doublé Tour-Vuelta, en 2017. Pour réaliser ceci, il a évidemment décalé son pic de forme et a consécutivement réalisé un Tour en demi-teinte, sans gagner une seule étape et avec cinq challengers dans les 5' à l'arrivée à Paris, et notamment un Bardet à deux minutes, ce qui situe le niveau du Tour du britannique. Cette année-là il a eu justement des rivaux dans le Tour, mais aussi dans la Vuelta qu'il gagne dans les mêmes conditions, avec très peu de marge et cinq coureurs sur le porte-bagages à Madrid. C'est passé très fin, et sans doute en partie du fait que Nibali a commis la même erreur en s'éparpillant sur deux tours. Si Nibali avait joué exclusivement le Tour, il en aurait sans doute gagné deux de plus. Le seul doublé magistral sur deux grands tours, dans l'époque "moderne", c'est le Pantani 98 qui avait sans doute dû saler un peu trop la soupe pour y parvenir. C'est justement l'exemple qui infirme la thèse.

jack127 Je trouve qu'il est à son niveau et déjà pas mal pour un coureur de 36 ans.

C'est justement en raison de son âge qu'il aurait dû mettre tous ses oeufs dans un seul panier. Mais à sa décharge, le gravissime accident de Bernal en janvier aura forcément modifié la donne et la répartition des rôles chez les grenadiers.
Il en manque finalement très peu à Thomas pour suivre les deux motos. Son débours d'hier sur Peyragudes de deux minutes est le premier d'importance sur ce Tour. Rappelons qu'au Granon, il colle 1'15" à Pogacar sur lequel il ne perd qu'une poignée de secondes à la Planche et à Mende, après avoir fait match nul à l'Alpe d'Huez.
Il ne lui en manque vraiment pas beaucoup. Mais finissant le Tour râpé (on a expliqué en partie pourquoi), aujourd'hui peut être difficile pour lui.

[supprimé] Capitulation en règle du slovène du côté de Peyresourde

Je pense vraiment que Vingegaard aurait pu l'achever pour le coup, je regrette son manque de panache à toujours rester coller dans la roue de son rival. Il va arriver sur les Champs Elysées avec une seule victoire d'étape alors qu'il aurait pu en remporter deux ou trois facilement.

jack127 Je pense vraiment que Vingegaard aurait pu l'achever pour le coup,

Vingegaard aurait dû attaquer les deux UAE ? Avec Nulty qui fait l'effort pour ramener Pogacar dans la roue et évidemment le slovène qui le contre ?
Vous faites un drôle de stratège parfois.
Vingegaard n'a aucun intérêt à prendre le moindre risque, et si vous voulez mon avis il peut très bien gagner sa seconde étape aujourd'hui ou/et dans le CLM de samedi. Dans Hautacam, ce sera un duel, les coéquipiers auront sauté depuis bien longtemps si ça visse dès l'Aubisque, et là ce sera favorable à une attaque du danois.

Pogacar sait gagner, mais il sait aussi perdre. Ce tempérament, seul un immense champion peut en faire montre. Anquetil, Merckx Hinault, Fignon, Armstrong, il est assurément dans la lignée. Il reviendra dans le Tour, mieux canalisé, mieux encadré, mieux entouré.

Vingegaard était intouchable. Et de surcroît parfaitement coaché par la Visma, qui rend une copie parfaite sur ce Tour. Dans l'étape d'hier, de toute évidence, elle avait demandé à ses troupes de lever le pied, en prévision de la journée d'aujourd'hui, bien plus difficile et périlleuse. Du grand art, ou plutôt du grand Aert.
Car ce coureur est le meilleur du monde. J'ai eu l'occasion en début de Tour de confier mon impression à son sujet, le plus fort jamais vu sur un vélo depuis Armstrong. Il peut tout gagner, et partout, sur tous les terrains, par tous les temps.
Et en plus il est loyal. En capacité de gagner ce jour sur Hautacam, il joue l'équipe, va au sacrifice, payant.
Un phénomène. Van Aert c'est Messi, MBappe et Neymar dans un seul bonhomme, bâti avec les cotes d'un Haaland.

Un Tour de haute volée, renouant avec le grand spectacle, les grandes foules, les émotions.
La France de 2022 a plus que jamais besoin de son Tour, il est le seul à savoir encore parler d'elle à cette hauteur.