"On ne pensait pas que la révolution allait se transformer en cauchemar islamiste"
Les militants du Tudeh, le parti communiste iranien, étaient aux côtés des islamistes il y a 40 ans. Aujourd’hui, le nom du parti est tabou en Iran.
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Créé en 1941, le Tudeh fut l’un des plus importants partis communistes du Moyen-Orient. Doté d’une grande influence dans les milieux intellectuels et ouvriers, allié de circonstance avec les islamistes au moment de la révolution, il fut à l’origine des premières manifestations qui firent tomber le chah, avant d’être progressivement évincé par la nouvelle théocratie et complètement anéanti en 1983. Quarante ans après, Mo ne comprend toujours pas comment la révolution a pu lui échapper.
" On ne prenait pas au sérieux ces groupes d’islamistes. Ils avaient un très faible niveau de compréhension socio-économique. Pour nous, le soulèvement de 1979 devait être une transition vers le socialisme. Manifestement, on s’est complètement planté … " ironise-t-il aujourd’hui.
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"Le mollah-tariat"
Alors que s’est-il passé ? Dès 1980, Khomeyni se débarrasse de ses alliés les plus proches, les islamistes libéraux, jugés contre-révolutionnaires, avant de s’attaquer aux partis. Des milliers de hauts fonctionnaires et de hauts gradés sont exécutés.
"Toute la gauche a applaudi ces exécutions massives. On considérait que la révolution avait besoin d’éliminer les ennemis du peuple", se souvient encore Paivandi. Situation confondante d’un parti communiste obéissant au doigt et à l’œil de Moscou qui applaudit les exactions d’un régime islamiste obscurantiste.
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Le Tudeh ne tarde pas à subir la répression islamiste à son tour. Khomeyni prend conscience de la pénétration du parti dans les institutions du pays et, surtout, dans l’état-major de l’armée... Des révélations selon lesquelles des membres du Tudeh fourniraient des informations stratégiques au KGB offrent l’occasion à Khomeyni d’écraser son ancien allié, accusé d’espionnage et de haute trahison.
Une campagne de répression et d’exécutions massives s’abat contre les communistes. En février 1983, le Tudeh est interdit et les diplomates soviétiques expulsés.
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Mo tient à nous raconter une dernière anecdote : "Pendant une manifestation, on scandait le mot "prolétariat".
Je me souviens d’un mollah qui nous menaçait en agitant une épée en l’air et qui criait "Moi, je vais vous montrer à quoi ressemble le mollah-tariat !". L’histoire le fait encore rire.