Jay Mens : "Contre Israël, le génie diabolique de l’Iran a porté ses fruits"
Moyen-Orient. L’attaque menée par Téhéran contre Israël le 14 avril représente un précédent qui signe la fin de la "guerre froide" entre les deux pays, estime le chercheur à la Harvard Kennedy School.
Chercheur à la prestigieuse Harvard Kennedy School et expert au sein du think tank londonien Policy Exchange, Jay Mens est un spécialiste de l’histoire des relations internationales au Moyen-Orient. Il s’intéresse notamment à la façon dont la genèse des relations entre l’Iran et Israël pèse dans le conflit présent et à la politique des grandes puissances au Moyen-Orient depuis deux siècles. Sa fine connaissance de la région en fait un interlocuteur idéal pour mieux comprendre le conflit en cours entre Israël, le Hamas, le Hezbollah et, en sous-main, l’Iran. Selon lui, si Benyamin Netanyahou n’est pas dénué de machiavélisme, considérer ce conflit comme son obsession personnelle est aussi faux que superficiel. Selon lui, Israël fait face à une "menace existentielle" sur le plan géopolitique.
L’Express : En janvier dernier, dans les colonnes de L’Express, vous estimiez qu’"une guerre entre Israël et le Hezbollah sembl[ait] inévitable d’ici à la fin de l’année". Votre prédiction est-elle en train de se réaliser ?
Jay Mens : Nous n’en sommes pas encore là. Mais je pense qu’il ne s’agit plus d’une "guerre froide", expression que certains utilisent parfois pour décrire la relation entre les deux pays et qui reste empreinte d’une certaine assurance, parce que, de mémoire d’homme, nous nous souvenons que la guerre froide a été une période "heureuse", où personne n’est mort dans une explosion thermonucléaire.
Certes, en termes géopolitiques, les deux pays n’ont pas de frontière commune, tout comme la Russie et les Etats-Unis. Il y a près de 1 000 kilomètres entre Téhéran et Jérusalem – plus que la distance qui sépare Istanbul et Rome. Le seul moyen de mener une guerre sur une telle distance est d’utiliser des missiles ou des avions. Ensuite, il n’y a pas entre eux d’objet immédiat de litige, pas de frontière, de ressources naturelles, de parcelle de terre que ces pays se disputeraient. En ce sens, il s’agit d’un conflit politique abstrait.
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