Jean-Pierre
Vous posez une belle question, qui m'a effleuré parfois, mais je ne suis parvenu à rien de concret, sur la décrépitude des grands. Je ne suis pas parvenu à établir une loi, à vrai dire. Et je ne suis pas sûr de la pertinence de la comparaison entre Todd et Onfray. J'en suis venu plutôt à des conclusions modestes et relativistes, j'avoue.
Prenez le cas de Beethoven, dont nous fêtons ces jours-ci le bicentenaire de la première présentation de sa Neuvième (en avril ou mai 1824). A l'époque, il est complètement sourd, rongé et diminué par son état... et il écrit cet Himalaya musical, la Neuvième. D'où je conclus qu'il y a des vieux malades et décrépits qui arrivent à ce moment à l'excellence.
Mais les cas que vous évoquez nous mettent dans un schéma plus classique : la déconnade relevant du gâtisme. C'est-à-dire le glissement, le déraillement.
Le régime n'est pas le même pour nos deux héros : la déconnade de Todd consiste surtout je crois à s'affranchir de son surmoi scientiste : il a joué toute sa vie le rôle du savant objectif, bien adossé à ses chiffres, à ses stats, à sa rigueur et tous les éléments qui sanctionnent sa rigueur et sa légitimité. Maintenant, il se déboutonne en effet, ne se croit plus tenu à ces mascarades académiques. Todd est un fonctionnaire, il vient de prendre sa retraite, il se lâche un peu.
Onfray, c'est pas pareil : c'est un libéral. Il a fondé sa propre école privée, ce qui ne serait jamais venu à l'idée de Todd. Onfray n'a pas d'onction académique et n'a jamais été soumis à une obligation de réserve quelconque. En clair, le fait de raconter des conneries n'était pas interdit par contrat ni versé au cahier des charges.