En ce temps-là les provinces ecclésiastiques étaient souvent découpées par les limites changeantes de royaumes francs. Un évêque qui se rendait à un concile se rendait parfois chez l'ennemi. Les sujets du roi n'avaient pas le droit de devenir clerc sans son accord car l'ordination d'un homme libre privait le roi d'un guerrier. Un clerc ne pouvait pas devenir évêque sans le consentement de son roi. Ce qui est étonnant, c'est que le clergé ne réagit pas devant ces pratiques détestables, contre le principe de cette illicite action royale.
J'ai mentionné précédemment que les pires moeurs pénétrèrent une partie du clergé. En effet, certains de ces mauvais bergers ont laissé des noms par les excès mêmes de leurs crimes. Par exemple, un certain Cautin de Clermont qui avait pour habitude de s'enivrer dans les festins, fit enfermer un prêtre avec un cadavre dans un sarcophage, pour la seule raison qu'il l'exaspérait. Salonius d'Embrun de Gap, dont la vie quotidienne était occupée à faire bombance et débauche, avait armé des bandes pour rançonner ses collègues des évêchés voisins. Incroyable mais vrai.
Ces moeurs déplorables n'étaient pas spéciales aux seuls évêques, certains monastères avaient leurs propres tares. Il y a une histoire de révolte contre leur abbesse, à l'abbaye de Sainte-Croix de Poitiers qu'avait fondée Radegonde, qui fourmille d'incidents plus horribles les uns que les autres, où le chroniqueur nous dit qu'on y coupait nez et oreilles. Il existe une histoire où Boniface traite d'assassin un certain Geweliob qui était évêque de Mayence, qui commettait couramment des guet-apens et des massacres.
On aimerait pouvoir jeter un voile sur de tels faits aussi pénibles mais je pensais qu'il était important d'en parler. Il a fallu beaucoup d'héroïsme et de tenacité à l'Eglise du Christ pour lutter contre de tels errements. Son instrument principal était le Concile où on condamnait et essayait de supprimer les abus qui se glissaient dans l'Eglise. Avant de porter un jugement sévère sur les moeurs cléricales de ce temps-là, il faudrait pouvoir prendre connaissance des nombreuses délibérations de ces assemblées d'évêques préoccupés de la vie morale et religieuse du peuple. Ces assemblées d'évêques étaient composées des hommes les plus cultivés pour l'époque et des plus hautes autorités morales. La lecture des décisions conciliaires des 6ème et 7ème siècles sont absolument fascinantes.
Le principal effort de ces Conciles portait essentiellement sur le contrôle moral du clergé. Pour pallier aux graves inconvénients des nominations des évêques par le roi, on imposa aux nouveaux élus un noviciat de dix-huit mois. On interdit aussi de consacrer évêque un homme qui n'était pas prêtre depuis au moins un an. On rappela le haut clergé à la dignité, à une certaine simplicité de vie. Un esprit nouveau souffla sur le clergé, et l'épiscopat en fut visiblement amélioré. La chrétienté de Gaule subissait une crise et les guerres que se livraient les derniers Mérovingiens provoquaient une véritable anarchie. On reprit avec vigueur la chasse aux abus en éliminant les faux prêtres et les diacres fornicateurs ainsi que les évêques indignes. Grâce à ces grands conciles, sortit, de la décomposition mérovingienne, une Eglise nouvelle.