jack127
Vous vous trompez, j'ai pourtant pris la précaution de distinguer racisme et droititude. Des films manichéens, j'en ai vu en tout ou en partie, et pas seulement des films de propagande soviétiques ou chinois (pour ces derniers, juste des extraits), où vous avez les Bons ouvriers qui sont tous beaux, sympathiques et vertueux, et des infâmes Patrons, qui sont tous moches, des ordures et des inhumains. C'est complètement grotesque, mais c'est de gauche.
Dans le cinéma d'auteur, Jean-Luc Godard a fait à une époque (années 70-80) des vidéos caricaturales et complètement invisibles aujourd'hui (si tant est qu'elles ne l'aient pas été dès le départ) Et je cite un auteur, un garçon qui a fait aussi de beaux films d'auteur, je ne parle même pas des sous-fifres, qui n'ont pas son talent et qui sont engoncés dans ces approches binaires imbéciles, qui n'est en aucune manière une spécialité de la droite. On peut être de gôche et un mauvais, ou un abruti.
Quant à Besson, c'est naturellement un auteur, je ne sais pas quelle fausse idée vous vous faites de cette expression...Vus pensez : film d'auteur = intello chiant et gauchiste ? Mais ça n'a jamais voulu dire cela, ce qu'on voit évidemment en remontant aux sources de cette histoire.
Pour faire un film, il faut des tas de trucs : des caméras, des acteurs, des preneurs de son, des producteurs (parce que : pas de fric, pas de film), des musicos, des monteurs, un metteur en scène (ou plusieurs) et encore bien d'autres. Le faiseur du film, c'est qui, là-dedans ? Ben ça ne va pas de soi. Si vous voyez des films de la MGM aux States, vous aviez Cecil B de Mille ou Jack Warner, ce sont les gens qui ont fait les studios et on peut dire que c'est eux qui ont fait le film. Le cameraman, les acteurs, les monteuses, les danseurs s'il y en a, ils ont aussi fait le film, mais c'est un film de..., qui peut le dire ? Ca n'a rien d'évident. On a parlé par exemple de De Funès, les gens - et nous avons dit "un film de de Funès.". Tiens, hier soir, ils ont passé à la téloche l'Aile ou la cuisse, un film de de Funès.
Et pourquoi pas ?
Par toute une série d'étapes que je ne vais pas détailler, on a décidé que le responsable ultime, celui à qui on peut attribuer le film comme étant sien, louer les qualités ou au contraire attaquer comme le faiseur d'une daube, c'est le réalisateur. Il est passé du rang d'employé, au même titre que le musicien, les figurants, les acteurs, les maquilleuses, à celui de patron. En américain, le patron, c'est celui qui a le final cut, comme ils disent, c'est-à-dire le mec qui décide quelles sont les scènes qu'on va garder et ce qu'on va mettre à la poubelle. Bon, c'est une façon de voir.
Besson, il est souvent le producteur de ses films, c'est lui qui choisit les acteurs (ce n'est pas un producteur qui les lui impose), qui engage les musiciens, et il fait travailler les cameramen qu'il veut, et c'est lui qui dit comment on doit filmer et ce qu'on doit filmer ou pas. C'est le boss, donc c'est l'auteur. Si c'est bon ou mauvais, intéressant ou chiant, bien joué ou pas, avec une bonne musique ou pas, des dialogues passionnants ou débiles, un scénario bien foutu ou pas, en dernière instance, c'est de sa faute (ou de son mérite).
Et on va voir "un Besson" comme on va voir un Bresson (ouah, quelle est bonne !), un Eisenstein ou un Resnais, ou un Visconti, ou un Eastwood, ou un Tarentino, avec une idée ou une attente sur ce à quoi ça pourra ressembler parce qu'il y a fatalement des points communs avec ce qu'il a fait avant.
Si je vais voir un Besson, j'espère voir de l'action, de la belle image, un refus de la prise de tête, des belles cascades, etc. S'il ne le fait pas, il risque de décevoir son public, mais il peut choisir de le faire et te pondre la prochaine fois un huis-clos psychologique genre Cassavetes (Une femme sous influence) oublier les yachts somptueux et les villas majestueuses pour filmer les Noirs qui se droguent dans le Bronx, où ça pue la mort et le dégueulis dans des décors immondes, comme dans certains Cassavetes. Et on dira : ah, Besson met une inflexion dans sa carrière d'auteur, il veut aller vers le dépouillement et le drame psy, ou vers le témoignage social, etc. Et il le fera peut-être, je n'en sais rien. Il va peut-être se convertir aux Témoins de Jehovah et finir sa carrière dans l'édification religieuse, on verra comment lui, avec son style, qui est tout à fait reconnaissable - et qui fait que c'est un auteur, de la même manière que tu reconnais un poème de Ronsard comme du Ronsard. Une approche bessonienne de la conversion aux Témoins de Jehovah, ça sera peut-être bien, je ne sais.