La doctrine d’Action française se trouve aujourd’hui confrontée à un nouveau défi : convaincre les souverainistes, hantés par les menaces de dislocation que la politique européenne de régionalisation forcée fait peser sur la nation, que le projet de décentralisation ne saurait avoir d’autre but, pour les maurrassiens, que de renforcer le sentiment national en l’enracinant dans une appartenance concrète.
Notre fédéralisme
La logique qui a inspiré le fédéralisme maurrassien, – “fédéralisme” ne signifiait pas alors “fédéralisme européen” mais décentralisation à l’intérieur de la Nation – était avant tout tournée contre l’individualisme démocratique et contre la transformation de l’État régalien en État-administrations. Ainsi s’imposaient, d’une part, l’enracinement comme réponse à l’affaiblissement des sentiments d’appartenance collective, et d’autre part, la réforme régalienne de l’État, dont la fonction n’est pas essentiellement sociale mais politique. Pour Maurras, « doctrinaire d’un nationalisme dont Barrès fut le poète » , comme l’a écrit Jean-Pierre Chevènement, la fonction de la décentralisation est donc de renforcer la nation et d’affermir l’État, à l’opposé de tous les autonomismes et autres indépendantismes auxquels le mouvement mistralien, dont se réclamait le maître de l’Action française, était absolument étranger.
Leurs fédéralismes
Une des causes du malentendu actuel sur le terme “fédéralisme” vient de l’offensive du gauchisme pour récupérer le sentiment régionaliste dans les années soixante, manœuvre qui a parfaitement fonctionné dans le cas de l’occitanisme et du mouvement breton. Ce nouveau régionalisme s’est pensé contre l’État et la nation, provoquant un premier mouvement de crispation jacobine chez les patriotes de gauche comme de droite. L’actuel “fédéralisme” européen qui s’appuie sur le modèle allemand des Länders pour saper les fondements de l’État-nation à la française est venu renforcer cette réaction “étatiste” des chevènementistes ou des gaullistes. Ces derniers ont d’ailleurs vite oublié que le général De Gaulle, loin d’être hostile par principe à la décentralisation, avait proposé celle-ci aux Français en 1969
En guise de conclusion
Le fédéralisme maurrassien n’est pensable que dans le cadre national, il se propose d’élaguer l’État des tâches superflues qui l’encombrent pour le rendre plus efficace, il s’oppose avec force à tous les séparatismes et, surtout, on ne peut lui faire justice si on le détache de l’impératif royal si important pour Maurras. En effet, la société peut s’organiser sur un mode fédéral à condition qu’il existe un fédérateur assez fort (symboliquement parlant) pour en incarner l’unité.
Stéphane Blanchonnet (1999)