filochard
Je laisse de côté l'antisémitisme de Maurras, c'est trop compliqué. Car Maurras est un type assez compliqué, c'est un type qui pense, même si je ne suis pas d'accord du tout avec ce qu'il pense.
Maurras qui "se fourvoie" ? Je ne vois pas du tout où il se fourvoie.
Désolé d'enfoncer les portes ouvertes, mais ce qui est dit semble oublier que Maurras, politiquement, c'est un monachiste. Son organe principal, par lequel il peut influer sur la politique, c'est l'Action française, qui est monarchiste et catho. Maurras ne voulant jamais rien faire comme les autres, ses écrits ont été mis à l'Index par Rome, en sorte que ses doctrines n'engagent en rien les catholiques, mais lui il se dit catholique et il est monarchiste.
Maintenant, qu'est-ce qu'il déteste ?
Les Boches ?
Les Juifs ?
Non, il n'en a rien à foutre. Et quant à l'intérêt national qui a été évoqué comme sa préoccupation, j'ai cherché la contrepèterie ou le jeu de mot, le calembour, que je n'ai pas trouvés, ça doit être de l'humour qui m'échappe.
L'ennemi d'un catho monarchiste, c'est pas les Boches, c'est pas l'Europe, ni les Juifs et encore moins les Bougnoules. Non l'ennemi, c'est la démocratie, en tant que "bordel à constitutions" (1), cette espèce de foire où les individus les plus vulgaires, la lie de la Terre se permet de prendre la parole et de prétendre gouverner. C'est ça qui lui fout la gerbe, pas de savoir si on est Allemand ou Juif. Ce qu'il veut voir, c'est pas l'extermination des Juifs ou une défaite boche, c'est la République piétinée, humiliée, rendue au rend de la merde qu'elle est à ses yeux.
Bon, à un moment, il faut un peu copain avec Pétain et vous dites qu'il se fourvoie, vous êtes charmant. Pourquoi il aime Pétain, d'un seul coup ? Parce qu'il va écraser les Boches ? En roulant des galoches à Hitler, peut-être ? Non, parce qu'avec Pétain, il y a un Etat français et plus de république, et ce qu'il veut dézinguer, c'est la république. Et dans cette oeuvre, il ne se trompe pas du tout en misant sur Pétain.
Maurras a parlé de "divine surprise" en apprenant que l'Armée française, plutôt favorite dans l'idée des experts militaires de l'époque, qui pensaient que Hitler serait battu, plus ou moins vite mais battu, venait de se prendre la raclée du siècle. L'armée française défaite, humiliée, des morts français dans tous les caniveaux, c'est "divin", pour Maurras. Ca doit être l'intérêt national.
En somme, il n'avait pas tant de revanche à prendre avec l'Allemagne, lui qui s'ébahissait de ses succès immenses au détriment de la France.
Non, sa vraie revanche, c'est l'affront de 1936 : ce qui pue à son nez d'aristocrate (auto-anobli ), ce sont tous ces moins que rien, ces minables, ces pas habillés, ces crottés, ces prolos vulgaires, ces démocrates, ces Juifs, ces socialistes qui, ayant pris le pouvoir par des moyens totalement illégitimes à ses yeux, le suffrage populaire,( "populaire" signifiant pour lui "ramassis d'infra-merdes) se permettent de gouverner. Alors que le rôle que la Divine Providence a assigné de toute éternité à ce genre de personne, c'est de fermer sa gueule et d'obéir. Pas de se mettre en tête l'idée de gouverner ou de décider quoi que ce soit.
Que le Maître soit français ou allemand était secondaire et l'est resté.
(1) l'expression est de Platon, pas de Maurras mais c'est ce qu'il pense et des références qu'il connaissait mieux que moi. Il connaissait le latin et le grec et était complètement imprégné par cette culture. Il n'y a qu'à en lire trois pages, on voit où est son fond culturel. Pas étonnant du coup que l'Eglise l'ait toujours regardé comme un tordu, un dangereux. Il ne fait l'apologie du christianisme qu'avec des arguments qui ne sont pas chrétiens, je me mets à leur place : c'est pas baisant.