Tiré du livre I chapitres 30 et 31 (après la victoire de César contre les Helvètes)
Vous connaissez l'histoire du mec qui va faire du ski en Suisse et à qui son collègue de bureau, un érudit un peu prétentieux demande : ah, tu es allé à Gstaad, alors, les Helvètes, comment elles vont ?
Incapable de répondre, il se jette sur le dico et ne trouve rien (il faut dire qu'il cherche à la lettre "z" comme zelvètes).
Les vacances d'après, il part au Portugal et même jeu, l'autre lui demande : ah, et comment vont les lusitaniennes ? Il est cloué par la question, mais cette fois, il trouve dans le dico : "lusitaniennes" : habitantes du Portugal. Ah, il m'a bien baisé, l'enfoiré, il ne m'y reprendra plus. Arrivent les vacances d'hiver, passées cette fois en Egypte. Et l'autre : ah, l'Egypte, et comment vont les pyramides ?
Toutes des salopes, répond l'autre.
Mais revenons à la fortune de César. Son cas me fascine : des paradoxes, j'en connais quelques uns, mais celui-là est assez particulier.
César a écrit (enfin paraît-il) des considérations sur toutes sortes de choses, en particulier les peuples, qui valent comme des paroles d'Evangile.
Pourquoi ?
Jules César était un biologiste, ou peut-être un ethnologue, auprès duquel Monod, Malaurie ou Lévi-Strauss sont des enfants ? Il sait comment, César ce qu'est un peuple ou une race ou quoi que ce soit de ce genre ? Si on lit ses devanciers ou contemporains, grecs en particulier, ils racontent à peu près n'importe quoi.
A l'évidence, c'est pas ça.
Non, et c'est là que ça devient savoureux : on lui prête foi parce qu'on pense que c'est un con. Pas un con absolu : c'est un bon politicard, c'est un général génial, mais cela ne fait qu'un sabreur, tout ce qu'il sait faire, c'est tuer. Dès qu'il cesse d'expliquer comment il a massacré tel ou tel groupe, il n'y connaît que dalle. Comme il n'est pas intelligent ni cultivé, comme il n'a absolument aucune imagination, aucune poésie, aucune vie contemplative, tout ce qu'il dit n'est que du constat naïf, de la description objective. On n'a pas besoin de le supposer honnête (ça contredirait totalement sa carrière), c'est juste un manque d'imagination.
L'idée par exemple qu'il donne des descriptions, de prétendus faits qui pourraient être inventés pour servir ses intérêts, il en est exempté parce qu'il en est jugé incapable. Il est trop con.
Thucydide, par exemple, ne jouit pas du tout du même régime : lui, c'est un gros malin, un intello, et quand il vient raconter par exemple que la guerre contre untel était nécessaire, un grand Conflit hunntingtonien, un méga-truc de Civilisation, les historiens modernes rétorquent : arrête ton char, Thutu, vos adversaires sont aussi grecs que toi, cette guerre n'était qu'une question d'intérêts dissimulée sous des prétextes kulturels, cesse de nous prendre pour des charlots.
Mais César, non, lui il n'est pas capable, sa connerie le condamne à la vérité.