En 1932, Jean Paulhan écrit qu'un jeune homme désireux de s'engager politiquement n'a de véritable choix qu'entre Karl Marx et Charles Maurras : alternative inconcevable aujourd'hui car il faudrait également parler d'une jeune femme ou de je ne sais quelle étiquette de genre derrière laquelle certains se réfugient.
Mais ce choix fondamental me semble toujours d'actualité. Alors bien-sur nous vivons une époque un peu différente, le ministère de la Culture (Françoise Nyssen) a retiré Maurras du Livre des commémorations nationales en 2018. L'écrivain a certes une réputation sulfureuse mais qui n'enlève rien à ses qualités littéraires ou à son importance dans l'histoire de la politique française. La démission de dix membres sur douze du comité des commémorations nationales suite à cette décision a d'ailleurs fait beaucoup moins de bruit.
On pourrait aussi rayer Marx de cette liste mais fort heureusement il n'était pas français, ce qui soulage la mémoire nationale du nombre désormais incalculables de dictateurs sanguinaires qu'il a inspiré.
Comment, alors, occulter la vie et l'œuvre de Charles Maurras, sans lesquelles le XXe siècle demeure largement incompréhensible ? Comment expliquer qu'il ait influencé des personnalités aussi différentes que celles de Charles de Gaulle, Jacques Lacan, Philippe Ariès, Georges Dumézil etc... ? Maurras fut l'un des personnages les plus contrastés de cette France dorée et trouble de la Belle Époque et de l'entre-deux-guerres. Il y a le jeune Provençal à moitié sourd monté à Paris, disciple de Frédéric Mistral et de Dante, dont les idées fédéralistes sont saluées à gauche comme à droite ; il y a le héraut du royalisme, fondateur de l'Action française au tournant du siècle, défenseur du catholicisme, mais agnostique lui-même; il y a le journaliste polémiste antidreyfusard et hostile au nazisme dès 1923. Il y a le critique littéraire, qui salua en Proust, auteur inconnu des Plaisirs et des Jours, un écrivain exceptionnel ; il y a le poète et l'écrivain, que Gide, Colette, Valéry et tant d'autres mettaient au pinacle de la littérature française...
Alors laissons à Maurras la place qu'il mérite. En France, au fond entre Marx et Maurras il faut toujours choisir.
Bonne lecture : http://maurras.net/textes/