Mais l’intervention administrative ne subissait pas la seule pression des recommandations formelles de l’Académie de recherches islamiques d’al-Azhar.
De nombreuses fatwa (avis juridiques), émises par certains membres de la communauté des ulémas et accusant certains intellectuels et hommes de lettres d’être des apostats (murtaddûn), alourdissaient passablement un climat déjà délétère puisque de tels avis entraînent, conformément à la jurisprudence islamique (fiqh), la mort.
C’est une fatwa de cette sorte que l’on doit au cheikh cUmar cAbd al-Rahmân et qui accusait Naguib Mahfouz d’apostasie dans son roman Awlâd hâritnâ (Les fils de la Médina), qui faillit coûter la vie au prix Nobel en 1994 ; c’est une autre, émise par la Gabhat culamâ’ al-Azhar (Front des oulémas d’al-Azhar27), qui arma le bras des assassins de Farag Foda, accusé d’apostasie pour avoir, dans ses écrits, critiqué les docteurs du droit islamique traditionnel (rigâl al-fiqh al-islâmî al-taqlîdî).
Au cours du procès des assassins de Foda, de grands ulémas ont tenté de fournir un alibi religieux à ce crime. Selon leur conception du fiqh en effet, le crime en question n’était qu’une manière de s’attribuer un droit de l’État (ifti’ât) – celui d’appliquer les règles sanctionnant l’apostasie (hadd al-ridda) et d’affirmer que la jurisprudence islamique n’interdit pas de le faire.
Tel est le contenu du témoignage du cheikh al-Ghazâlî, rendu le 22/06/1993 devant la Cour de Sûreté de l’État, et que les intellectuels islamistes ont tenté de justifier.
L’assassinat de Farag Foda et tout ce qui s’ensuivit représente le point culminant de l’influence des groupes de l’islam politique, toutes tendances confondues28.
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