Les mesures de protectionnisme préconisées par le Front de Gauche et l'ED (marrant que les deux extrêmes se rejoignent souvent en imbécillités économiques...), sont une illusion dans une économie mondialisée
Economie mondialisée est en fait un synonyme d'économie dérégulée.
Notre système économique contemporain n’est pas tombé du ciel. Il a été institué par les néolibéraux arrivés au pouvoir dans les années 1980. Ceux-ci, résolus à déconstruire le régime économique et social mis en place dans l’après-guerre, ont institué une guerre économique mondiale entre les territoires pour briser la résistance des populations. En conséquence, la mondialisation néolibérale n’est pas l’histoire d’un quelconque recul des États (dont le poids a en réalité progressé partout) ; elle est bien davantage un processus de privatisation des États au service d’une oligarchie, c’est-à-dire d’une minorité organisée pour imposer ses exigences et son pouvoir au plus grand nombre. La mondialisation et le prétendu pouvoir des marchés sont donc, en réalité, les instruments d’une politique menée de bout en bout par des gouvernements nationaux.
Jacques Généreux – Nous, on peut ! – Edition du Seuil – p.30-31
Voici la substance de leur idéologie : une société de marché, dans laquelle chacun est responsable de son sort et ne doit compter sur sa capacité à s’engager dans la libre compétition avec tous les autres. La « main invisible » du « marché libre » accomplit alors un miracle : quoique chacun poursuive uniquement son intérêt personnel en si fichant pas mal du bien commun, le libre échange entre tous produit un résultat collectif conforme à l’intérêt général. Il faut néanmoins un « État minimal » qui assure la défense nationale, la sécurité physique des individus contre les délinquants et le respect des contrats et des biens privés. L’initiative privée et la libre concurrence étant réputées toujours plus efficaces que la coopération et la solidarité collective, toutes les activités humaines doivent être organisées sur le modèle du marché libre.
Derrière cet habillage intellectuel, la substance matérielle du projet politique est en effet plus triviale : une nouvelle oligarchie s’organise pour abolir la redistribution du pouvoir et des richesses que l’ancienne oligarchie avait dû concéder après la guerre. Ce n’est donc pas l’État minimal qui est visé, mais la démocratie minimale. Il s’agit de mettre l’État à l’abri des revendications populaires et d’exploiter au contraire sa puissance au service d’intérêts privés.
Jacques Généreux – Nous, on peut ! – Edition du Seuil – p.39-40
Une fois libéré par le pouvoir politique, le pouvoir de l’argent et de la concurrence est en effet impressionnant. La libre circulation internationale des capitaux donne aux gestionnaires des fonds d’investissement le pouvoir d’exiger des taux de rendement immédiats exorbitants, sous peine de délocaliser leurs placements et investissements : ils demandent un taux de rentabilité de l’ordre de 15% même dans des économies où le revenu global ne progresse que de 2% par an ! Une telle exigence ne peut être satisfaite que par l’intensification du travail, la compression de la masse salariale, la réduction des charges fiscales et sociales et, finalement, quand s’épuisent les profits extractibles par ces moyens nationaux, les délocalisations vers des pays émergents. Tant que les capitaux circulent en toute liberté, aucun gouvernement ne peut s’opposer aux exigences de leurs gestionnaires. Mais le vrai pouvoir reste et demeure entre les mains du politique, qui règlement ou non les mouvements de capitaux.
Par ailleurs, l’extension du libre-échange exerce la pression nécessaire pour justifier la privatisation des services publics, ainsi que les réformes sociales et fiscales conformes aux intérêts du capital. En effet, en l’absence d’une harmonisation des normes et des prélèvements imposés aux compétiteurs, le dumping fiscal et social est inhérent à la libre concurrence : le pays le plus compétitif est à l’évidence celui qui offre à sa population le moins de services publics, la plus faible protection sociale, les plus bas salaires et les pires conditions de travail. La concurrence ne porte donc plus seulement sur les produits, elle porte désormais sur les systèmes sociaux et fiscaux ; ces derniers, dont la définition relèverait en démocratie du choix souverain des peuples, voient désormais leur évolution commandée par la compétition des pays pour attirer ou retenir les investisseurs, pour conserver des marchés et les emplois qui vont avec. La démocratie semble ainsi abolie sans bruit et sans réforme constitutionnelle.
Jacques Généreux (économiste, professeur à Sciences-Po., maitre de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris) – Nous, on peut ! – Edition du Seuil – p.44-45
Nulle part ailleurs que dans l’UE, la mise en compétition des territoires et des travailleurs n’a été aussi radicalement instrumentalisée pour tenter d’imposer la nouvelle orientation néolibérale des gouvernements. Mais songez-vous peut-être, pourquoi diable les citoyens européens n’ont-ils pas fini par voter contre cette orientation ? Après une décennie de libéralisation financière et d’intensification de la libre concurrence, ne voyaient-ils pas s’étendre la pauvreté, les inégalités, le chômage de longue durée, la précarité et la souffrance au travail ? Ignoraient-ils les crises financières à répétition déclenchées par la spéculation sans frein ? N’étaient-ils pas choqués par la richesse indécente d’une minorité et les salaires surréalistes des patrons ?
Mais si, bien sûr, ils voyaient, savaient et étaient choqués ! Alors que s’est-il passé ? Une tragédie politique ! Car, en fait, les électeurs européens ont bien fini par chasser la droite néolibérale par le vote… mais en vain. Après la dominante néolibérale des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, ils ont clairement manifesté leur désir d’une autre politique. Rappelons l’arrivée au pouvoir (entre autres) de Lionel Jospin (France, 1997), Tony Blair (Royaume-Uni, 1997), Gerhard Schröder (Allemagne, 1998). A la fin des années 1990, travaillistes, socialistes et sociaux-démocrates gouvernement treize pays de l’UE sur quinze. Mais au grand dam des électeurs qui croyaient voter pour le changement, il s’agit là, certes, d’une alternance des partis au pouvoir, mais sans alternative politique réelle. Car, après avoir été renversée par la grande vague néolibérale des années 1980, la gauche européenne a opéré une conversion idéologique et stratégique. Les nouveaux dirigeants qui prennent le contrôle des partis socialistes et sociaux-démocrates sont en effet convaincus de deux choses également erronées : 1) la mondialisation libérale est une donnée irréversible, de sorte que toute politique doit composer avec l’impératif de compétitivité face à une concurrence mondiale ; 2) la désaffection des classes populaires à leur égard les oblige à élargir leur électorat « au centre ».