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L'inviolabilité du domicile est ancienne et constitutionnelle. Un petit retour au code pénal de 1901 :
Extrait du « Code pénal annoté » Art. 184 de Émile GARÇON (1ère éd., Paris 1901).
"LA VIOLATION DE DOMICILE - (ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS)".
L’inviolabilité du domicile d’une personne apparaît comme l’un de ses droits fondamentaux. Aussi pratiquement tous les Codes incriminent-ils la violation de domicile, qu’elle soit commise par un agent public ou par un simple particulier. (...)
1. Le principe de l’inviolabilité du domicile des citoyens a été consacré par un grand nombre de textes, et, particulièrement, par la Constitution de 1791 (T. IV, art. 9) ; par la loi sur les délits de police correctionnelle et municipale de juillet 1791 (T. I, art. 8, 9, 10 et 11) ; par la Constitution de l’an III (art. 359) ; par le Code de brumaire de l’an IV (art. 208) ; par la Constitution de l’an VIII (art. 76) ; par la Constitution de 1848 (art. 3). — Voir Morin, Journal de droit criminel (art. 9013), qui rapporte la discussion à la Constituante de 1848, sur l’art. 3, précité. (...)
SENS DU MOT DOMICILE
6. L’élément caractéristique commun des deux délits, prévus par l’art. 184, est le fait matériel d’une introduction dans le domicile d’un citoyen. Le mot domicile a ici un sens spécial qui est déterminé par le but même de la loi. L’art. 184 assure la sanction du principe reconnu par les Constitutions : « La maison — ou la demeure — de toute personne habitant sur le territoire français est un asile inviolable. ». Le domicile est donc la maison, la demeure du particulier ; il peut être défini : toute habitation occupée par une personne, le chez soi de tout individu.
7. Il suit, de cette définition, que l’art. 184 protège la demeure d’un citoyen, alors même que celle-ci ne constituerait, ni son domicile légal, ni même sa résidence habituelle. Ainsi, nous n’hésiterions à considérer comme un domicile, dans le sens de cette disposition, une chambre d’hôtel, même louée pour une journée par un voyageur.
8. La Cour de cassation a approuvé ces principes. Elle a jugé, en droit, que l’art. 184 a pour but de protéger la demeure d’autrui, qu’elle soit permanente ou temporaire, occupée par celui qui y a droit ou seulement de son consentement — et, en fait, qu’une personne avait eu qualité pour agir, en vertu de cette disposition, contre des individus qui s’étaient introduits dans un appartement qu’elle occupait bien que cet appartement fût loué au nom d’un tiers. — Cass. 24 juin 1893 (B. 166, S. et P. 1893. 1. 491, D. 1895. 1. 407) — Voir dans le même sens : 13 déc. 1890, Crépon (B. 254, S. 1891. 1. 552, D. 1891. 1. 286)
9. Ainsi, le titre juridique de l’occupation est indifférent. Il importe peu que celui qui occupe le local violé en soit propriétaire ou locataire ou même qu’il n’en jouisse que par la permission ou la tolérance du propriétaire. Par exemple, une personne habitant une maison de campagne ou un appartement, qui lui a été prêté, pourrait en interdire l’entrée ; c’est son domicile dans le sens de l’art. 184, pendant le temps de l’occupation. — Pour le possesseur, Voir infra n° 115.
10. L’art. 184 a pour but de protéger non la personne, mais bien l’habitation du particulier.
Peu importe donc que celui dont le domicile a été violé soit présent ou absent
et non représenté. Ainsi, tomberait sous le coup de l’art. 184 celui qui s’introduirait dans une maison de campagne, actuellement inoccupée, mais qui est garnie de meubles et que le propriétaire n’habite, par exemple, que pendant le temps des vacances. C’est son domicile, son chez lui, dans le sens de cette disposition. Comme le remarque un arrêt,
on ne comprendrait pas que la loi ait permis de violer impunément le domicile de l’absent, qui a le plus besoin de protection. —Cass. 1er mars 1890, Roumier (B. 49, S. 1891. 1. 140, P.1891. 1. 314, D. 90.1. 334) — dans la même affaire, l’arrêt de Bourges, 28 nov. 1889 (S. 1890. 2. 211, P. 1890, 1. 194, D. 1890. 2. 181). — V. aussi Cass. 13 décembre 1890, Crespon (supra, n°8) — Chambéry, 8 novembre 1875 (infra, n°109)
11. D’un autre côté, il faut bien prendre garde que l’art. 184 n’a pas pour but de garantir la propriété immobilière contre l’usurpation même violente, mais seulement l’habitation du citoyen, sa demeure. Il ne s’appliquerait donc pas au fait de s’introduire dans une maison non meublée et inoccupée. C’est ce qui a été jugé dans une espèce on un individu avait pénétré dans une maison dont il avait été exproprié, mais qui était restée ) (...)
14. L’art. 184 punit, d’ailleurs non seulement l’introduction dans la maison d’habitation proprement dite, mais encore dans la clôture qui l’entoure. L’inviolabilité du domicile s'étend à toutes les dépendances qui se trouvent dans l'enceinte de la demeure. La doctrine est unanime sur ce point. (...)
http://ledroitcriminel.free.fr/la_scien ... at_dom.htm