9 avril, on fête saint Gauthier
Saint Gautier de Pontoise, abbé († 1099)
Né à Andainville vers 1030, mort en 1099 à Pontoise, il fut d'abord professeur de philosophie et de rhétorique. Arrivé au faîte de la renommée et craignant de se laisser entraîner par le vertige de la vanité, il se rappela le conseil de l'Evangile qui donne pour modèle Notre Seigneur Jésus pauvre et crucifié ; il résolut alors de renoncer aux agitations du siècle, pour goûter le calme et la sérénité de la vie claustrale. Ce ne fut qu'après avoir longtemps subi les rigueurs du cilice qu'il entra à l'abbaye de Rebais-en-Brie (au diocèse de Meaux, près de Coulommiers) où, dès les premières années de son noviciat, il dépassa tous les religieux par la maturité de ses vertus.
Selon la tradition, il n'était encore que novice lorsque, pris de pitié pour un frère qui avait été mis au cachot dans le monastère, il l'aida à s'enfuir. Un paysan expiait ses méfaits dans la prison du monastère et y souffrait souvent de la faim et de la soif ; le religieux picard, ému de compassion, lui réservait une partie de son pain. Une nuit, à la faveur des ténèbres, il pénétra dans son cachot, brisa ses liens, le chargea sur ses épaules et l'aida à s'enfuir. Toutefois il lui fit promettre de ne point tirer vengeance de la juste punition qu'il avait subie dans le monastère. Gautier, selon qu'il s'y attendait, fut sévèrement châtié par l'Abbé, pour cette violation de la règle.
Vers cette même époque, Amaury III, frère de Gautier, comte d'Amiens et de Pontoise en Vexin, venait de fonder, près du château de cette dernière ville, un monastère dont les quelques religieux n'avaient point encore d'Abbé. Entendant vanter les vertus de saint Gautier, ils le choisirent pour leur supérieur. Ce ne fut qu'après bien des refus que notre Saint se décida enfin à se rendre au vœu de la communauté naissante. Après que le saint religieux eut reçu la bénédiction épiscopale, le roi Philippe Ier, en qualité d'avoué, ou protecteur de l'abbaye, lui remit, comme marque d'investiture, la crosse abbatiale, en la tenant par le noeud ; Gautier mit la main non pas au-dessous mais au-dessus de celle du roi, en disant : "C'est de Dieu et non pas de votre majesté que je reçois le gouvernement de cette église." Bien loin de se formaliser de cette liberté, le roi et sa suite ne firent qu'admirer cette indépendance de sentiment et de langage.
Désirant plus que tout la solitude et la pénitence, il s'enfuit secrètement de Pontoise pour aller se cacher à Cluny qui était alors la plus florissante école des vertus monastiques. Bien qu'il eût pris soin de dissimuler son nom et sa qualité, les moines de Pontoise finirent par découvrir sa retraite. Munis d'une ordonnance de Jean de Bayeux, archevêque de Rouen, ils allèrent trouver l'abbé de Cluny et ramenèrent Gauthier à leur monastère.
Vers l'an 1080, il reçut mission de fonder un prieuré sur la terre de Maurissac (ou Moressart et aujourd'hui Morcerf, près de Coulommiers). A l'imitation de plusieurs autres saints Bénédictins, Gautier se retirait souvent dans une grotte voisine pour y vivre la vie austère des anachorètes ; mais, troublé par les visites, il résolut de retourner à la solitude une seconde fois.
Ce fut dans une île de la Loire, près de Tours, où se trouvait une chapelle dédiée aux saints Côme et Damien que saint Gautier crut pouvoir, loin du regard des hommes, se livrer à toute l'ardeur de ses mortifications ; là encore, il fut trompé dans ses espérances ; la renommée publia bientôt les vertus du solitaire ; on venait solliciter ses conseils, admirer ses exemples ; on lui apportait de nombreux présents qu'il s'empressait de distribuer aux pauvres, habitués à prendre le chemin de son ermitage.
Un pèlerin le reconnut et signala sa retraite aux moines de Pontoise. Ceux-ci accoururent à Tours, se jetèrent aux pieds de leur Abbé et le supplièrent de revenir, pour rendre la vie à son abbaye qui dépérissait. Notre Saint se rendit à leurs prières ; mais peu de temps après, il partit pour Rome et conjura le pape Grégoire VII de le décharger du fardeau qui l'accablait et de l'honneur dont il se proclamait indigne. Mais le souverain pontife lui enjoignit de respecter ses premiers vœux, de reprendre ses fonctions à Pontoise et de ne plus jamais y manquer. Le saint Abbé renonça dès lors à ses prédilections et, retournant au bercail, ne songea plus désormais à déserter les devoirs que lui avait imposés l'Église.
De retour, il n’eut de cesse de dénoncer les abus et la corruption de mœurs de ses frères bénédictins. Au concile de Paris, il s’oppose aux prélats laxistes qui le menacent de mort et finissent par le mettre en prison ! Battu et jeté au cachot, il reprit ses harangues dès qu’on le relaxa.
Vers l'année 1092, la bienheureuse Vierge Marie lui apparut et lui dit : "Lève-toi, Gautier, rends-toi à Bertaucourt et construits-y un monastère. J'ai choisi cet endroit pour qu'une communauté de vierges s'y consacre à mon service."
L'apparition évanouie, notre saint craignit d'être le jouet d'une illusion et différa d'agir. Mais une seconde vision vint lever tous ses doutes ; cette fois, comme témoignage d'une réalité irrécusable, il garda plusieurs jours sur les joues l'empreinte des doigts de la Vierge Marie qui lui avait appliqué sa main.
Le monastère fut effectivement bâti en 1094 à Bertaucourt, près d'Amiens ; deux nobles et pieuses femmes, Godelinde et Hewilge, consacrant leurs richesses à exécuter le projet de Notre Dame et de saint Gautier.
Saint Gautier tomba malade et, expira le 8 avril 1099, jour du Vendredi Saint. Il fut inhumé dans l’abbaye Saint-Martin de Pontoise. Après sa mort, des miracles se firent sur sa tombe. En 1153, il fut canonisé par l’Archevêque de Rouen Hugues de Boves : c'est d'ailleurs le dernier saint qui, en Europe de l'Ouest, fut canonisé par une autorité subalterne au Pape.
Au cours de la Révolution française, ses reliques furent translatées par précaution au cimetière de Pontoise, puis l'emplacement exact en fut perdu.
Plaque de dévotion. Cuivre. Reproduction. Allemagne. XXe.
Tombeau de saint Gautier. Eglise Notre-Dame. Pontoise.