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Plutôt que d'étudier les causes des maux qui ont précipité la société d'Ancien Régime dans l'abîme, ce que je suggérais précédemment, il suffit bien simplement d'expliquer que les crises succèdent aux périodes tranquilles, un truisme, le tout saupoudré d'un petit peu de psychologie de bazar à propos de Louis XVI, le roi qui affronte la dite crise.
Le raisonnement juste me semblerait plutôt le suivant, en deux temps :
1) une théorie de l'Ancien Régime : a) comprendre quels sont les fondements de l'Ancien régime ; b) quel est le modèle du bon prince y correspondant. Il ne s'agit pas de produire à la manière de Rousseau une théorie en cabinet, mais plutôt de comprendre ce qu'est la société catholique d'Ancien Régime, plus particulièrement le royaume de France.
2) Confronter à cette théorie de l'Ancien Régime, la situation prérévolutionnaire : a) comment se portent les fondements de l'Ancien Régime ? b) Louis XVI confronté au modèle du prince.
Sachez qu'il ne s'agit là que d'une esquisse, pas d'un plan, qui mériterait certainement d'être développée ; qu'il est aussi possible que j'oublie des facteurs essentiels.
Répondons désormais plus particulièrement.
1- L'éducation reçue par Louis XVI est en question : était-elle vraiment de nature à former un bon prince pour la société catholique d'Ancien Régime ?
Louis XVI dit – on avait peur d'être un tyran, mais comment un roi qui se défend contre une sédition qui devient révolution pourrait - il être un tyran ?
Ce sont les révolutionnaires, armés de leur nouveau grand principe : la souveraineté du peuple, qui en ont fait Louis Capet, tyran car illégitime. N'ont-ils pas involontairement exploité une faiblesse de l'éducation reçue par le prince ? dans quelle mesure Louis XVI était -il l"libéral" ?
On dit aussi, Louis XVI était humaniste : autant expliquer alors qu'il est un très mauvais prince chrétien, parce que le propre de l'humaniste est de sacraliser l'homme, à la place de Dieu. Le bon chrétien respecte la vie du saint, du juste, pas celle du méchant. Or un séditieux oublie que toute autorité vient de Dieu. Dans le cas de la Révolution, il affirme même que l'autorité doit venir de lui, la souveraineté du peuple. Un bon prince chrétien doit en conclure, qu'il faut lui trancher la carotide. C'est un dilemme encore plus facile à résoudre, quand notre ami séditieux devient révolutionnaire et se balade avec des têtes au bout de piques, c'est à dire ajoute à un premier crime, d'autres crimes.
Il faudrait aussi s'interroger sur qui attribue à Louis XVI cet "humanisme" ? L'historien libéral du XXIème ? L'historien catholique-libéral, catholique Vatican II si l'on préfère, du XXIème ? Quels sont les premiers axiomes des raisonnements de ces historiens ?
2- Louis XVI n'était pas appelé à régner ? Rappelons que sous l'Ancien Régime, la vie est beaucoup plus fragile qu'aujourd'hui : ce n'est pas invraisemblable d'imaginer qu'un cadet puisse régner quand même, surtout quand on a l'expérience de ce qui est arrivé à la descendance de Louis XIV un demi-siècle plus tôt.
Son père meurt en 1765, son frère aîné le duc de Bourgogne en 1761. Très tôt, on savait donc en plus qu'il risquait de régner. Même en admettant que son éducation a été négligée, elle pouvait encore être rattrapée. La vérité, c'est que la théorie sur la psychologie de Louis XVI repose sur la comparaison entre son caractère et celui de son aîné, le petit Bourgogne : l'un que l'on aime présenter comme une sorte de petit Louis XIV en herbe, l'autre comme un demi-âne et faible de caractère, car introverti, timide... On explique alors qu'il n'était pas fait pour gouverner, ou qu'il était trop sympathique pour prendre les décisions précédemment évoquées.
Il se peut aussi qu'il ait eu une mauvaise idée de ce qu'était les fondements de son régime, et du bon prince d'Ancien Régime. Autrement dit, que parce qu'il évaluait mal sa fonction dans sa société donnée, il ait non seulement pas su faire les bon constats au moment de la Révolution, et pire, pas su y répondre. Je reviens ainsi à la première partie de mon post.
3- Se soucier de l'expédition de la Pérouse le 21 janvier 1793 quand la France est en plein torrent révolutionnaire, c'est un peu comme songer à changer les rideaux de la salle à manger, pendant que sa maison brûle. Cela ressemble plus à une marotte qu'à une juste évaluation de la situation de la France à ce moment précis.