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Exemple de fenêtre d'Overtone
Étape 1 : de l'impensable au radical
Dans la première étape, la pratique du cannibalisme est considérée comme immorale et répréhensible au sein de la société étudiée. Les sociétés occidentales actuelles se trouvent dans ce cas. À ce moment, le cannibalisme se trouve au niveau de tolérance le plus bas de la fenêtre d'Overton : impensable.
Pour faire changer la position de l'opinion publique, on commence par transformer le sujet en question scientifique. Des savants renommés en parlent, de petites conférences et des colloques sont organisés autour du cannibalisme. Puisque la science (exacte ou non) ne doit pas avoir de limites d'investigation, le sujet cesse alors d'être un tabou absolu. Il n'est plus « impensable » et un petit groupe d'« extrémistes » pro-cannibalisme se crée et fait des percées dans les médias. Cette opinion est alors perçue comme simplement radicale[10],[11],[12].
Étape 2 : du radical à l'acceptable
Dans cette étape, c'est l'acceptation qui est recherchée. Avec les conclusions scientifiques, ceux qui s'opposent de manière inflexible à l'ouverture sont traités en intransigeants, fanatiques opposés à la science. Un jargon pseudo-scientifique pourra être créé. Dans le cas du cannibalisme, on préférera parler d'anthropophagie, les connotations négatives associées au mot « cannibalisme » seront alors adoucies[10],[11],[12]. Même si l'idée n'est pas encore largement acceptée, elle intègre progressivement le débat public.
Étape 3 : de l'acceptable au raisonnable
Il s'agit ici de transformer le jugement de principe porté sur le cannibalisme. D'une chose en principe inacceptable, on doit passer à une pratique « raisonnable ». La consommation de chair humaine trouve une justification ; par exemple, dans le cas d'une famine, un tel comportement semble devoir se légitimer par le principe hobbesien de conservation. L'homme recherche sa propre conservation et, dans un cas extrême, il doit pouvoir se nourrir de tout. L'application d'un tel raisonnement au cas général se fait d'autant plus facilement que le concept était considéré au départ comme impensable et, donc, n'était en butte à aucun des contre-arguments usuellement produits lors de l'émergence d'un débat intellectuel.
D'un autre côté, les « anthropophages » se targuent d'être pro-choix, défenseurs d'une liberté somme toute fondamentale. Les irréductibles de l'idée sont, quant à eux, perpétuellement critiqués pour leur position devenue « radicale ». Si nécessaire, la communauté scientifique, conjointement aux médias, saura fournir les preuves que l'histoire est truffée d'exemples d'anthropophagie, laquelle ne posait d'ailleurs pas de problème aux sociétés traditionelles[10],[11],[12].
Étape 4 : du raisonnable au populaire
Il s'agit d'intégrer la pratique défendue à la mentalité populaire. Cela passe par les canaux de diffusion culturelle comme les films, les romans, les journaux ou même la musique. Dans le cas de l'anthropophagie, les films de zombies peuvent recouvrir une toute nouvelle signification par exemple. On pourra noter l'utilisation de célébrités ou de figures historiques décrites comme franchement cannibales[10],[11],[12].
Étape 5 : du populaire à la politique publique
Une fois ancrés dans la société civile, les groupes de pression cherchent une représentation politique, au travers de partis par exemple, et demandent une représentation légale. Dans le cas du cannibalisme, il serait ainsi question de légalisation. Ici, la possibilité de création d'un nouveau marché de consommation de chair humaine directe ou par produits dérivés pourrait renforcer la position des courants anthropophages avec le concours de l'industrie agro-alimentaire.
Les étapes présentées ci-dessus forment un exemple de la méthode de déplacement radical de la fenêtre d'Overton d'une position de l'opinion publique à son contraire. Cependant, chacune des étapes, prise individuellement, constitue en soi une ouverture non-négligeable de la fenêtre. De plus, la fenêtre d'Overton peut être utilisée pour favoriser des idées impopulaires en introduisant dans le débat des concepts bien plus radicaux qui font pâlir l'impopularité de ceux que l'on défend en réalité.