1- Le point de désaccord entre la Russie, et les Etats-Unis assisté de leurs vassaux, est la politique d'élargissement de l'OTAN, depuis la fin des années 90, c'est-à-dire bien après la chute de l'URSS. L'invasion de l'Ukraine n'a pas incité l'OTAN à changer sa politique : il s'est de surcroît produit exactement le contraire, avec un nouvel élargissement l'an dernier, l'entrée de la Finlande. Autrement dit, dans les actes, nous sommes entrés dans une logique d'escalade. Il faudrait aussi déterminer quel est le soutien du reste des BRICS , dont le dernier élargissement remonte au début d'année, à la Russie.
A cela, il faut ajouter que les diplomaties respectives ne se comprennent plus du tout. La Russie est autant dans la menace que dans la prévention. En l'espèce, le message est le suivant : « si nous continuons sur cette voie, voilà ce qu'il risque de se produire » ; cela ne signifie pas que c'est ce qui est souhaité. De l'autre côté, c'est interprété comme de simples menaces, rodomontades.
Plutôt que raisonner en termes de communication, nous devrions ajuster notre diplomatie sur des faits plus tangibles : où en est notre armée, notre industrie... ? Je veux dire qu'avoir une position plus ou moins ferme ne passe pas que par des paroles, mais par une évaluation de notre situation présente. Nous sortons de quelques décennies de pacifisme avec les conséquences que cela a eu sur notre économie, nos mœurs, notre armée... Changer de discours suffira-t-il vraiment à le masquer, même en commençant à y remédier ? A moins que nos ennemis soient de sacrés imbéciles, je ne crois pas.
Quoi que nous en penserons demain, il ne faudra pas être trop sévère, le pacifisme vaut mieux pour ceux qui le vivent, que la patrie, idole avide de sacrifices et de sang, comme sa précédente occurrence, le dieu tutélaire : France ou Assur, même combat. Quel luxe cela aura été de ne plus s'en soucier, mais comme le dit le prophète Jérémie : « les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées ».
2- Je pense que nous nous voyons comme profitant directement de l'hégémonie américaine, et que nous craignons qu'une victoire russe en Ukraine fragilise, entraîne ou acte la fin de cette domination : propos bien imprécis, je le sais, mais il est difficile de bien évaluer ce qui se trouve dans la tête de nos dirigeants, certaines affaires nécessitant le secret, même dans les régimes fondés théoriquement sur la transparence, .
Toutefois, gardons à l'esprit, que dans le jeu des relations entre sociétés, toutes rivales entre elles, le ou les vainqueurs d'une guerre ne sont pas forcément les principaux bénéficiaires de cette guerre : gagner une guerre est tout à fait compatible avec le fait de s'affaiblir. Il me semble, que nous autres français, nous devrions le savoir.
Disons qu'il y a une suite d'événements : la guerre en Ukraine et à peu près 200 joueurs, dont une petite partie qui compte vraiment. Qu'est ce que chacun de ces joueurs qui comptent vraiment peut retirer des différents scénarios possibles ? Quelle est la puissance relative de chacun par rapport aux autres avant le conflit, aujourd'hui, après, en fonction des différents scénarios possibles ?
Je me contente de poser la question. Il est certain que réaliser ce travail est beaucoup plus difficile, de toute façon grandement sujet à erreur dès lors qu'il implique de la prospective. Pour au moins aspirer à prendre des décisions... pas trop stupides, nos dirigeants doivent avoir quelques perspectives en tête.
3- Les européens ont tendance à penser que plus ils sont nombreux plus ils sont puissants, alors que pourtant ils n'ont que trop l'expérience des désaccords entre alliés. Mais, visiblement toute leur expérience est impuissante face à ce préjugé qu'ils chérissent : peu importe le fait qu'ils ne s'accordent sur pas grand chose ; peu importe aussi le fait que plus il y a du monde, plus chacun se décharge de ses responsabilités sur les autres... Pour résumer, plus une coalition est nombreuse, plus il est difficile de parler d'une seule voix.
En tant que français, je pense que l'on aurait tout intérêt à se méfier encore plus de nos alliés, et nous avons évidemment besoin d'alliés, que de nos ennemis. Je dirais même que dans le jeu des relations internationales, une légère paranoïa n'est peut-être pas un si mauvais trait de caractère...