Le procès du Bataclan a donné lieu à une procédure de 8 années, un réquisitoire de 562 pages, et l'intervention de 300 avocats représentant 1800 parties civiles. Plusieurs choses interpellent.
Fait encore rare jusqu'à il y a peu, le pouvoir souhaita que le procès fût filmé et monté, avec l'aménagement d'une salle et d'une scénographie spécialement prévues à cet effet. La caméra ne devait filmer que la personne dont le micro était ouvert par le juge, faisant ainsi de ce dernier le réalisateur.
Les prévenus se trouvant enfermés dans des cages de verre, leurs mots étaient inaudibles en-dehors des temps de micro accordés et souvent retirés, si bien qu'une bonne part de leur parole ne se trouve pas consignée dans cet enregistrement à vocation historique et documentaire. Autant pour l'idée d'un débat contradictoire.
Décision fut prise de donner la parole à toutes les victimes et familles de victimes qui le souhaitaient. Non pas pour éclairer les faits et faire surgir la vérité, mais au nom de l'idée que toute victime a droit à son quart d'heure de commisération.
En somme la justice n'a plus vocation à punir promptement et lourdement le crime au nom d'une nécessité dissuasive, mais à apaiser son souvenir par une sorte de grande cérémonie bureaucratique et médiatique de remédiation, où défilent les victimes devant des prévenus réduits au silence, invitées à pleurer au colossal sein judiciaire des Batignolles, et ainsi repriser le vivre ensemble avant la libération prochaine de certains des complices.
S'il y avait une justice en France, le procès aurait eu lieu trois mois après les faits - le temps de remonter les pistes -, et se serait soldé par une exécution prompte et nette.