La révolution bénédictine
Saint Benoît (480-547) écrit une règle . Loin de toute extravagance, il prône une discipline saine fondée sur la prière et le travail manuel
Saint Benoît bouscule aussi les préjugés sociaux en exigeant des moines qu'ils se suffisent à eux-mêmes par le travail, lequel est ordinairement le lot des esclaves et des femmes dans les sociétés antiques. Ainsi les moines vont-ils à leur corps défendant valoriser le travail et en particulier le travail manuel, pour le plus grand bénéfice de tous.
Stables et plutôt bien organisés, les monastères vivent en autarcie, grâce au travail des moines mais aussi des paysans et des serfs qui vivent sur leurs terres. Ils exploitent la terre et disposent de tous les ateliers artisanaux nécessaires aux besoins de la communauté. Ils contribuent ainsi à la mise en valeur du territoire, précédemment mis à mal par les invasions et la disparition des institutions romaines.
Par leur puissance économique, ils dominent de manière écrasante la société féodale dès l'époque carolingienne. Par leur activité intellectuelle, ils contribuent aussi à la résurrection de la culture antique et de la culture tout court.
C'est seulement au XIIIe siècle qu'émergera l'élection sur le principe un homme/une voix, avec désignation du nouvel abbé à la majorité (maior pars). Ainsi peut-on porter au crédit des moines bénédictins l'invention de la démocratie élective, ou plutôt sa redécouverte après qu'elle fut tombée en déshérence suite à la ruine d'Athènes et de la Grèce antique.
La révolution clunisienne
Le tournant survient au début du Xe siècle avec la création d'un monastère à Cluny, Après l'An Mil, on compte ainsi un total de 1450 communautés clunisiennes (monastères et prieurés) rassemblant dix mille moines,
Au XIIe siècle montent cependant de toutes parts des critiques à l'égard des clunisiens auxquels on reproche leur relâchement, leur goût croissant du luxe, leur tendance à délaisser le travail au profit des offices, bref, leur prise de distance avec la règle bénédictine.
La réforme cistercienne
Les cisterciens, avec plus de succès que les autres, restaurent la règle bénédictine dans sa pureté originelle en rendant toute sa place à l'humilité, à la pauvreté et au travail, y compris le travail agricole. Ils réduisent la décoration des églises et la liturgie à l'essentiel
À la différence des clunisiens, les cisterciens veulent se suffire à eux-mêmes et ne faire appel ni à des serfs ni à la dîme, impôt d'Église auquel sont assujettis les paysans.
Aussi confient-ils les travaux des champs et des ateliers à des frères convers ou converts (du latin conversus, converti). Issus le plus souvent de la paysannerie, ils sont tonsurés comme les moines mais portent la barbe et surtout ne participent pas à la liturgie. Ils ont seulement le devoir d'assister à la messe dominicale.
La liturgie est le domaine réservé des moines de choeur, généralement issus de la petite ou moyenne noblesse comme saint Bernard. C'est aux moines de choeur aussi que revient la copie de manuscrits.
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Mais dès le XIIIe siècle, avec le développement des villes et de l'économie marchande, les monastères de tous ordres vont se marginaliser irrésistiblement.
Plus grave, ils vont être concurrencées par les ordres mendiants, tels les dominicains et les franciscains, qui fuient les « solitudes » et parcourent les villes, au plus près des fidèles.
Les ravages de la guerre de Cent Ans (XIVe siècle) puis la Réforme et la sécularisation des monastères par les princes luthériens d'Allemagne (XVIe siècle) vont accélérer le déclin des ordres monastiques...
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