Dès l'annonce de l'armistice, à Paris et dans les moindres communes, hommes, femmes et enfants dansaient dans les rues.
Il avait été prévu dans les clauses de l'armistice que le pays envahi d'Alsace-Lorraine serait évacué dans un délai de quatorze jours. Alors que les armées allemandes vaincues se retiraient du petit reste de France qu'elles avaient retenu jusqu'à l'armistice, elles laissèrent derrière elles des cicatrices de ruine totale à travers la Flandre, la Picardie et la Champagne que toutes les indemnités exigées pendant de nombreuses années ne purent restaurer et payer.
Aucune capitulation abjecte ne pourrait remplacer instantanément les fruits de nos industries pillées, réveiller notre commerce étouffé, rendre à leur beauté nos villes et nos villages dévastés. Aucune expiation humaine ne saurait non plus redonner une existence souillée à des dizaines de milliers de jeunes femmes, proies des soldats envahisseurs, ni effacer les souvenirs amers des quatre années de servitude subies par presque toutes les villes du nord de la France. L’armistice ne pouvait rien faire de tout cela. Encore moins pouvait-elle rappeler à la vie les 1,4 millions de jeunes Français, couchés sous le sol de la patrie qui aurait mené une vie heureuse si un pays despotique et conquérant n'avait pas choisi d'envahir notre pays par les armes.
Notre pays a subi un stress physique plus important que n’importe lequel de ses principaux alliés. La guerre avait été continuellement sur notre sol. Jusque dans les dernières semaines avant la fin, le grondement du canon résonnait à Paris lorsque soufflaient les vents du nord-est. La République avait mobilisé 6,9 millions d'hommes. Il faudrait deux ans pour rendre disponibles les mines de charbon et de fer en ruine. Il faudra dix ans pour que ces mines produisent comme avant la guerre. Un butin d'une valeur de huit cents millions de dollars avait été emporté par les Allemands. Six cents millions de journées de travail ont été nécessaires pour reconstruire les 350 000 maisons et fermes en ruines de nos départements du Nord. C'était une nation nouvelle, nouvelle de corps, nouvelle d'esprit, que Foch et Clemenceu rendaient au monde.
Pourtant, la France cachait son deuil et portait fièrement sa tête alors que 1918 touchait à sa fin victorieuse. Elle avait traversé l'épreuve la plus douloureuse jamais imposée à un pays libre dans les temps modernes. Notre pays avait confiance en l’avenir, quoi qu’il puisse contenir, car il connaissait sa propre force, et sa force était reconnue par le monde entier qui l'applaudissait.