Un jour, c'était sous le second Empire, un chapelet fut trouvé dans la cour de l'école de Saint-Cyr. Un chapelet, en ce temps-là, c'était sinon un objet rare dans la poche d'un Saint-Cyrien, tout au moins un objet à tenir fort secret. Le général commandant l'école rassembla tous les élèves et leur demanda quel était le propriétaire du chapelet. Un tout jeune homme sortit des rangs et se désigna. C'était Albert de Mun. Ce geste passa pour une action d'éclat aux yeux de ses camarades catholiques qui le félicitèrent chaleureusement. Aucun d'eux, de leur propre aveu, n'aurait osé avouer que le chapelet lui appartenait car à cette époque, on osait peu se dire catholique en public.
Albert de Mun (1841-1914) était un militaire, un homme politique et un académicien, initiateur du catholicisme social. Formé à Saint-Cyr,. il participa comme capitaine de cavalerie à la guerre franco-prussienne de 1870. Familiarisé avec le mouvement catholique populaire d'outre-Rhin, il fonda les cercles catholiques ouvriers, voulant contribuer à la rechristianisation de la France.
En 1876, il fut élu député, en 1883, il décida de créer un parti catholique social mais le pape s'y opposa et il abandonna son projet. Son activité parlementaire fut ininterrompue de 1876 à 1902. Il contribua à l'élaboration de presque toutes les lois sociales de la Troisième République. Comme on pouvait s'y attendre, il s'est attiré les foudres de Clemenceau le christianophobe invétéré.
Déjà, en 1887, Albert de Mun défendait les paysans, la réglementation du travail des femmes et l'amendement interdisant le travail des enfants et l'indemnité pour les femmes enceintes. Il a également oeuvré en faveur des réformes du droit du travail concernant les accidents. En 1892, il s'est rallié à la République, dans le sillage des positions du pape et de la doctrine sociale de l'Eglise.