candidus
Je crois que cet élément - savoir, comme vous le dites bien, qu'on transforme un comportement en une essence, disons - peut-être daté de la fin du 19ème siècle, de la naissance de la psychiâtrie moderne. Elle établit des taxinomies, dans une perspective descriptive au début et qui ne tendent pas à plus, mais qui sont vite traduites dans des catégories qui fixent (et figent) le contenu de l'expérience vécue.
On peut ensuite s'en prévaloir pour instruire des fiches sur le normal et l'anormal, le sain et le pathologique etc.
Il y a une nouvelle de Sartre, la première de son recueil Le Mur, la meilleure d'ailleurs, les autres sont plus anecdotiques, à mon avis, qui s'intitule l'Enfance d'un chef. Le chef en question, un futur kador, pour des raisons un peu longues à expliquer, et peu utiles, il se fait mettre.
Plutôt "consentant", l'autre ne le viole pas. Il en a envie? Sans doute pas, mais il ne s'y oppose pas. Après cet épisode il se repasse en boucle, dans sa tête : "je suis pédéraste". Il est fixé, il a fait de ce qui lui est arrivé une essence. Il "est" pédéraste comme le lait "est" blanc ou comme votre bureau "est" en bois.
Sartre désapprouve cela à partir de sa philosophie (la phénoménologie). On n'est pas "pédéraste" comme on est argentin ou joueur de foot, ou joueur de foot argentin.
Ceux qui confondent, et qui croient ou se soutiennent du fait qu'ils sont ceci ou cela comme la table est ronde, il les appelle des "salauds." Le "salaud", dans la pensée de Sartre, c'est un type qui croit qu'il est ce qu'il est, et rien d'autre que ce qu'il est.