C'est comme un dîner de cons qui aurait duré cinq ans. Cinq années pendant lesquelles un vigneron de champagne a été le jouet de cinq hommes qui lui ont soutiré près de 135 000 euros, dont des milliers de bouteilles. Plus qu'une escroquerie : une mystification. Comme si deux mauvaises étoiles s'étaient trouvées alignées, avec d'un côté un homme isolé, souffrant de « délires mégalomaniaques », et de l'autre un policier et ses complices qui ont nourri ses fantasmes pour mieux abuser de lui.
Au terme d'un improbable engrenage, ils sont parvenus à faire croire au viticulteur qu'il était devenu pêle-mêle le rédacteur de discours à l'ONU, l'allié privilégié de Barack Obama ou le représentant secret de la famille royale marocaine en France. Sorti de cette emprise, Hugues B. a fini par retrouver sa lucidité, et a porté plainte en 2012. Dans le cadre d'une instruction ouverte à Nanterre (Hauts-de-Seine) notamment pour abus de faiblesse et extorsion, ses cinq tourmenteurs ont été mis en examen et comparaîtront prochainement devant le tribunal correctionnel.
Au terme des investigations, les hommes de la PJ des Hauts-de-Seine ont considéré qu'Ahmed Z. était la cheville ouvrière de ce curieux attelage. En poste au SPHP, le service de protection des hautes personnalités, le policier a en outre été visé à partir de 2014 par une enquête administrative diligentée par l'IGPN, la police des polices, au terme de laquelle il a été révoqué.
«Je suis quelqu'un de crédule»
Ahmed Z. est le premier dont la route a croisé celle d'Hugues B., en 2007. Alors âgé de 31 ans, le jeune vigneron a pris la tête de la maison familiale de champagne, dont il est notamment le commercial. Producteur et négociant, son domaine élabore 450 000 bouteilles par an. Les parents d'Hugues B., souffrant de diverses pathologies, lui ont laissé les rênes de l'entreprise. Son frère, interné en psychiatrie, est aux abonnés absents.
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D'après Hugues, sa famille appartenait aux Témoins de Jéhovah, dont il a fait partie « de [sa] naissance à [sa] majorité, décrit-il lorsqu'il est auditionné en 2014. J'ai cru en tout ce que l'on m'a dit jusqu'à mes 22 ans. Je suis quelqu'un de crédule. » Une brèche dans laquelle s'engouffre très vite Ahmed Z…
Les deux hommes ont été présentés par un ami commun : Féfé, lui aussi policier. A l'époque, Ahmed Z. est encore affecté aux renseignements généraux de la Préfecture de police (RGPP) de Paris. Une précision d'importance, tant Hugues B. apparaît fasciné par ce monde de l'ombre, qui lui dévoile vite ses coulisses par l'intermédiaire de son nouvel ami Ahmed.
«Je voulais l'aider»
Ce dernier coche toutes les cases du parfait honnête homme. Pour preuve, il est même président d'une association humanitaire. Cartables sans frontières (CSF) a pour objectif de faire parvenir du matériel scolaire aux enfants pauvres, particulièrement dans les pays du Maghreb. Elle compte plusieurs fonctionnaires de police parmi ses membres.
Au fil des mois, Ahmed et Hugues deviennent inséparables. Ils s'appellent au minimum deux à trois fois par jour. « Hugues B. n'a alors plus que de très rares contacts avec sa famille, évoque Me Marie Dosé, son avocate. Il était socialement très isolé. » « Son père est alcoolique, complète Ahmed Z. lorsqu'il est entendu en 2016 par l'IGPN. Son frère le battait. Hugues était constamment rabaissé. Je comprenais qu'il avait besoin d'un soutien fort. Je voulais l'aider. »
Le cousin de Ben allah ?