Le partisan livre une guerre sans règles, illimitée. Il combat en irrégulier une armée d'occupation. Il ne respecte pas les conventions prises par son pays ; il ne respecte même plus l'autorité qui en émane.
Le partisan est un hors-la-loi, un bandit : pour lui, la guerre n'est finie que lorsqu'il a eu gain de cause. Il n'accepte pas la défaite. Il se bat partout sauf sur le champ de bataille. Il veut vaincre son ennemi par tous les moyens : le terrorisme, et la ruse. Il a pour lui d'être mobile, insaisissable, car il peut être tout le monde : un soldat sans uniforme. Il peut pour cette raison également servir une armée régulière contre son ennemi par l'espionnage et le sabotage.
Il agit ainsi, parce qu'il pense que sa cause est le bien. Afin de ne pas s'identifier comme criminel, ce qu'il est par ses actes, il fait de son ennemi un criminel. Le partisan pense vivre dans un ordre inversé, inique où le bien correspond à l'injuste, le mal au juste : de la différence entre l'éthique et le droit, entre le bien et le légitime. Dans son monde, il incarne le bien, son adversaire le mal : il faut forcément que l'un anéantisse l'autre. Il ne peut y avoir de compromis. Il tient du révolutionnaire. Il faut lire Carl Schmitt à ce sujet : le juger sur ses idées, non sur la vie qu'il a menée ; on peut le lire sans le réhabiliter, mes amis.
Le partisan est aussi une figure héroïque, parce qu'il sait que s'il se fait prendre, il risque d'en baver : il assume les risques qu'implique sa condition de franc-tireur, est un brave, le modèle de sacrifice à une cause ; du moins tant que la victoire n'est pas en vue, car alors il devient opportun de devenir résistant, d'usurper le mérite des braves tant que c'est possible, et d'en récolter les fruits après la guerre.
Pour l'occupant, le partisan n'est qu'un franc – tireur qui de surcroît dispose au moins de la sympathie de la population, si ce n'est de son soutien : le partisan est à la fois partout et nulle part. Les partisans sont peu nombreux, mais tout le monde peut l'être. Comme l'ennemi est invisible, se venger sur la population est le seul moyen de ne pas laisser les crimes commis impunis. La terreur peut servir aussi à retourner la population, faire d'une pierre deux coups : que parce qu'elle paie un tribut trop important pour les actes de la résistance, elle devienne ennemie du partisan plutôt qu'alliée, qu'elle le dénonce plutôt qu'elle ne le cache. Résumons : la population est comme prise entre le marteau et l'enclume car l'armée d'occupation agit en partisan partout où il y a des partisans. Si la situation s'enlise, elle risque même la division.
Ce n'est pas simple de démêler cet imbroglio : ce que le partisan pense être, ce que l'occupant pense qu'il est, et ce qu'il est en vérité. On peut néanmoins conclure que le partisan ne peut se plaindre de subir une guerre injuste, car il mène lui aussi une guerre injuste, et qu'en plus il la commence.
Signalons enfin que l'on observe des partisans que dans les guerres civiles, et les guerres coloniales : soit l'ennemi politique est de la cité, soit il est occupant étranger. Quelle histoire peut écrire l'historien ? On pourrait se contenter d'affirmer que seule la vérité doit le guider : pas certain que cela l'aide beaucoup, et qu'elle soit bien acceptée.
S'il est patriote français, il ne faut pas qu'il oublie que dans une guerre il sera le défenseur du partisan, dans une autre, Algérie ou Indochine, le défenseur de "l'occupant", du colonisateur si vous trouvez ce terme plus juste.