vlaams
1- Nos amis pensent que l'on peut écrire l'HIIIIIIISTOIIIIIREEEEEE, et non une histoire donnée, en partie vérité, dont il faut justement déterminer dans quelle mesure elle est vérité : un constat vrai pour toute histoire, qui n'empêche nullement de reconnaître qu'il peut exister une histoire donnée, meilleure que les autres, car plus proche de la vérité.
En fait, ils nous imposent leur histoire libérale comme une histoire neutre, objective, en conséquence fondamentalement vraie, et objet de déférence ; alors que dans cette histoire donnée, on nie en partie son objet d'étude lorsqu'il est religion : une affaire de conscience seulement pour l'individu, pas un critère pertinent pour l'historien libéral qui juge d'un homme, même prêtre ; une question qui ne peut concerner une société, le politique ou le magistrat de la cité, car ils doivent être athées, la société sécularisée si vous préférez, visiblement même lorsqu'ils dirigent une cité nommée Eglise.
Il n'est donc plus question d'analyser le pape Pie XII comme pape de l'Eglise catholique, prêtre et théologien qui peut tout autant condamner justement le communisme que le judaïsme, en se référant à l'orthodoxie catholique à laquelle il adhère, -- condamnation donc de l'intelligence : fruit d'un raisonnement, puis acceptée par la volonté comme un bien-- et qu'il doit défendre, en vertu de sa mission de prêtre, puis de pape ; on doit l'analyser comme n'importe quel individu, appartenant à n'importe quelle société, négation totale de la réalité étudiée.
Je comprends néanmoins votre désarroi : lorsque l'on aboutit à une histoire donnée, aussi insensée qu'une farce de l'Âne de Shrek, comment est-il possible de ne pas s'en rendre compte ?
2- Le tout toujours mâtiné d'un petit peu de psychologie de comptoir : le pape Pie XII était traumatisé en vertu d'un événement dans sa vie. Nous expliquons l'homme par l'existence : son histoire personnelle, l'acquis. Nous pouvons lire en l'homme, alors qu'au mieux, nous jugeons de la volonté d'un homme, de son âme, à partir de ses actes et productions, en tant que cet homme en est cause formelle, comme la statue a pour cause formelle l'idée de la statue dans l'artiste : une étude sujette à caution dans beaucoup de cas.
J'admire toujours cette histoire psychologique qui oublie ce simple fait, qui en arrive à toutes ces certitudes : les augures lisaient les auspices, les signes que les dieux leur envoyaient en interprétant par exemple le vol des oiseaux ; nous lisons dans les productions ou actes d'un homme, et nous le reconstituons totalement : leur divination interprétait la volonté des dieux, la nôtre celle des hommes.
Nos amis sont d'ailleurs tellement pertinents que jamais ils n'ont idée que si l'existence peut expliquer l'homme, alors peut être faut-il abandonner les premiers postulats admis : car l'homme dont nous parlons est devenu prêtre catholique, rappelons-le une quinzième fois. Ils nous composent une histoire des plus cohérentes, un vrai chef d’œuvre ! Pas forcément facile de me suivre, me direz-vous, mais il est difficile de restituer l'incohérence...
3- En oubliant aussi, que même traumatisé, il faut alors démontrer qu'il n'a jamais guéri : fallait-il changer ses draps tous les matins jusqu'à sa mort ? Jouait-il aux fléchettes en visant le drapeau rouge avec le marteau et la faucille ? Et que même en admettant cette hypothèse, il reste alors à prouver qu'il était très mauvais prêtre : car incapable de soumettre ses passions à sa raison, alors que tout prêtre est censé être un champion de la vertu, un maître en éthique ; d'autant plus si nous parlons d'un prêtre d'élite, de l'évêque de Rome, du successeur de saint Pierre, du premier pasteur et théologien de l'Eglise, élu pour défendre l'orthodoxie catholique, pour la préserver des menaces, dont justement le communisme fait partie.
S'il s'agit d'une possibilité, d'une chose qui s'est même déjà produite à de nombreuses reprises : souvenons-nous à titre d'exemple des papes indignes de la Renaissance, il faut le prouver pour ce cas-ci. Mais comment notre historien pourrait-il le prouver, sans jamais en référer à la doctrine catholique ?
Notre historien en culotte courte, s'il veut prouver qu'un prêtre est indigne, ou que l'Eglise est indigne, ne se contente jamais que d'expliquer que des pratiques ou comportements ou règles ont existé, sans jamais se demander si c'est en conformité avec la doctrine qu'il ne connaît pas, pourtant la principale question : un tel est indigne ou l'Eglise est indigne à ce moment-ci parce qu'elle jette sa doctrine à la poubelle, comme l'Eglise catholique-libérale depuis Vatican II par exemple ; car notre historien oublie que si l'Eglise est divine par son origine, par la mission qui lui a été assignée, elle est toujours composée d'hommes, et dans le monde : sujette à ses vicissitudes, à ses mœurs, à ses dérives, aussi bien lorsqu'elle sélectionne ses prêtres, que lorsqu'ils agissent.
Notre historien, l'Âne, ne s'embarrasse pas avec toutes ces questions : tout est toujours très simple pour lui. Si l'Eglise vient de Dieu, elle est toujours société parfaite, excellente, infaillible dans tous ses prêtres comme dans tous ses actes, ce que la doctrine n'a jamais affirmé, et qu'il postule sans même s'en rendre compte : il lui suffit alors de démontrer une seule faute, une seule injustice, pour prouver qu'il n'en est rien ; et s'il accumule toutes les injustices commises sur un millénaire, parfois un et demi, il "prouve" alors qu'elle est une institution qui a toujours produit le mal : c'est à se demander même, s'il ne devrait pas postuler qu'elle est l'institution de Satan, non pas entendu comme l'esclave ou serviteur de Dieu, mais comme un Dieu mauvais par essence, afin de gagner en "cohérence".