Gamme des alcools
Pour André Gaillard
Cristal haineux, miroirs où se penchaient des roses,
Glaces où la rue morne entrait avec le soir,
Me rendrez-vous un jour mes lèvres et ses poses
Dans les tabacs marina et les violons épars ?
Sur les quais charbonneux où des fanaux, s’allument,
Aux accents étouffés des violes, tu viendras
La rose entre les dents comme une fée des brumes
Lorsque des remorqueurs éventrent les flots plats.
Enfant aux yeux cernés et d’une nuit trop brève
Dans quelque noir profond où pleurent les steamers,
Te verrais-je venir dans quelques bar de rêve
Quand las trottoirs sont nus sous la rosée d’hiver ?
Nous goûterons alors une rampe jaune
Les pâles gins, les blancs sodas, les ales d’or
Et les tristes vermouths qui me disent l’automne
Et les abois des chiens et les appels des cors.
Je ne sais pas ton nom et tes minces épaules
Frissonnent. Mon enfance est un regard lointain.
Des airs américains se tissent sur des violes ...
Où pourrons-nous trouver des bananes demain ?
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(Léon Gabriel Gros in "Fards pour notre jeunesse")