"Tes moutons de l'an 2000 paissent, baignés de musique douce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. [...] Je ne sais même plus s'il y aura encore des flics, tout un chacun sera le flic de l'autre, et son propre flic s'il le faut. On n'apprendra, dans les lycées, que de l'inodore, de l'incolore, du sans saveur, et l'uniformité naîtra de l'Université.
Ce sera l'âge d'or du veau d'or, du con croissant, multipliant. Le mot d'amour enfin programmé sur ordinateur, et pas un mot plus haut que l'autre !
[...]
Tu m'as donné soif, Camadule, avec ton putain d'an 2000 ! Mais non, je t'ai pas filé le bourdon. J'ai dit n'importe quoi. Si ça se trouve ce sera le paradis, l'an 2000 ! Oui, oui, le paradis.
La bouteille de Beaujolais au frais dans l'eau de source, et nous allongés dans le pré à côté, du soleil sur la tête et une graminée au coin des lèvres, pourquoi pas, Camadule ? Pourquoi pas ? "
(René Fallet, extrait de "Le Beaujolais nouveau est arrivé", p.171/ Collec. folio)